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BÉNIN : Des prisonniers entassés dans les cellules "comme des corps dans les tiroirs d’une morgue"
Publie le lundi 10 juillet 2006 par Open-PublishingBÉNIN : Des prisonniers entassés dans les cellules "comme des corps dans
les tiroirs d’une morgue"
ABOMEY, le 6 juillet (IRIN) (rappelons qu’Irin c’est l’ONU ! zjgz) - Les
asticots apparaissent généralement sur des corps en décomposition, mais à la
prison civile d’Abomey, une maison d’arrêt vétuste, délabrée et surpeuplée,
c’est sous la peau de certains détenus qu’on les trouvent.
Et les lésions cutanées qui recouvrent les corps de ces détenus sont comme
là pour signaler les nombreux abcès d’où ces vers parasites ont été
extirpés.
L’état sanitaire très préoccupant de ces détenus reflète les conditions
abominables dans lesquelles vit la population carcérale d’une des plus
vieilles prisons du Bénin. Plusieurs détenus souffrent également de la
tuberculose, de la gale, d’infections pulmonaires et parasitaires ou
d’autres maladies.
La ville d’Abomey se situe à quelque 150 kms de Cotonou, la capitale
béninoise, dans le centre du pays. Sa prison civile a été construite en 1904
pour abriter 150 détenus.
Actuellement, plus de 1000 prisonniers y croupissent, entassés dans des
cellules exiguës et sordides, selon Dominique Sounou, directeur exécutif du
Dispensaire ami des prisonniers et des indigents (DAPI), une ONG locale qui
veille à la santé des prisonniers de la maison d’arrêt d’Abomey.
« Dans ma cellule, nous nous organisons autrement pour dormir. Pendant qu’un
groupe dort assis, l’autre reste debout. Au bout de 3 heures, on change.
Ceux qui sont assis se réveillent et ceux qui sont debout prennent leur
place », a confié Joseph A. responsable adjoint des détenus.
La prison civile d’Abomey ressemble à beaucoup d’autres maisons d’arrêt en
Afrique de l’Ouest : vétuste, surpeuplée et abandonnée à elle-même.
Les conditions de détention et les soins des prisonniers ne semblent pas
faire partie des priorités des gouvernements de pays comme le Bénin, plutôt
très respectueux des droits de l’homme, expliquent les organisations de
défense des droits humains.
Mais le plus dramatique, note l’ONG, est que la plupart de ces prisonniers
ne sont pas encore passés en jugement.
Sur les 9000 prisonniers détenus dans les 8 prisons du Bénin, seuls 10 pour
cent ont été jugés et condamnés. Les autres attendent leur jugement,
explique M. Sounou. Et si des détenus passent des mois, voire des années,
avant d’être jugés, c’est à cause de la lenteur d’un système judiciaire
surchargé et inefficace.
Bien que considéré comme l’un des plus compétents et des plus respectés de
l’Afrique de l’Ouest, le système judiciaire du Bénin a encore des progrès à
faire en matière d’efficacité et d’équité.
Le Bénin est un pays pauvre dont les revenus reposent essentiellement sur
les exportations de coton. Chaque année, le gouvernement consacre 1,4
millions de dollars américains au fonctionnement de ses 8 prisons, soit 175
000 dollars par établissement, selon DAPI.
A en croire l’ONG, depuis trois ans, la reconstruction de la prison civile
d’Abomey est inscrite au budget national, mais cette reconstruction n’a
jamais été réalisée. Finalement, ce sont les murs de la façade extérieure et
l’administration pénitentiaire qui ont été réfectionnés et repeints.
De l’extérieur, on a donc l’impression que les prisonniers sont bien lotis ;
mais il ne s’agit-là que d’une illusion.
Dans un espace nauséabond de la prison ruisselle l’eau de douche des
prisonniers qui, lorsque les fosses septiques sont pleines, se chargent de
les vider à la main.
Certains prisonniers dépourvus de tout, et même d’habits, se promènent nus.
D’autres, par souci d’économie, préfèrent conserver le seul vêtement qu’ils
ont en leur possession et le porter le jour où ils auront à se présenter
devant le juge.
« Dans cette maison d’arrêt, nous sommes confrontés à de multiples problèmes
dans la journée », affirme Jean K., responsable des détenus.
« Il y a surpeuplement, nous dormons à même le sol et nous nous disposons
comme des cadavres dans les tiroirs d’une morgue ».
« Hormis les odeurs qu’on doit supporter, il faut se battre sans arrêt
contre les punaises. Nous vivons dans des conditions d’insalubrité indignes
d’un être humain. En outre, nous avons droit à une ration alimentaire
quotidienne qui est très maigre et pauvre ».
Mal nourris, les prisonniers peuvent rester plus d’un an sans consommer de
viande ni légume. De novembre à février, les détenus de cette prison sont
confrontés à un problème crucial de pénurie d’eau. Pendant cette période,
l’eau est rationnée et un détenu n’a droit qu’à un verre d’eau par jour. La
prison civile d’Abomey se situe sur une hauteur et ne reçoit plus d’eau dans
ses pompes.
« Pendant cette période, nous souffrons amèrement et le régisseur est très
dévoué à notre cause. Il passe de maison en maison pour nous trouver de
l’eau », raconte Jean K.
« En temps normal, ce sont les détenus qui vont chercher de l’eau pour les
gendarmes. Mais au cours de cette période, les rôles s’inversent », explique
Gilbert Avokandoto, le régisseur de la prison.
« Pendant la sécheresse, on fait une semaine pleine sans avoir une seule
goutte d’eau dans les robinets. Les détenus passent de longs moments sans se
laver ».
Pour lui, la meilleure solution serait de déplacer la prison d’Abomey.
Pour remédier au problème de surpopulation carcérale au Bénin, le
gouvernement a construit une autre prison moderne à Akpo Missrété dans le
département de l’Ouémé (sud-est). Cette prison accueillera une partie des
détenus des prisons de Cotonou, de Porto-Novo et de Ouidah.
Quant à ceux de la prison d’Abomey, ils resteront dans leur maison d’arrêt
vétuste, délabrée et surpeuplée.