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Bernard-Henri Lévy en flagrant délire.

Publie le lundi 8 février 2010 par Open-Publishing
10 commentaires

Ce devait être le grand retour philosophique de Bernard-Henri Lévy. Patatras ! L’opération semble compromise par une énorme bourde contenue dans « De la guerre en philosophie », livre à paraître le 10 février. Une boulette atomique qui soulève pas mal de questions sur les méthodes de travail béhachéliennes

Nul ne peut plus l’ignorer, Bernard-Henri Lévy, « ennemi public » ainsi qu’il se présentait à l’automne 2008 dans sa correspondance avec Michel Houellebecq, est de retour dans les magazines. Tous les magazines. Lorsque nous l’avions invité à débattre au « Nouvel Observateur », le 13 janvier dernier, avec le philosophe Slavoj Zizek, un de ses adversaires, nous étions encore loin de deviner l’ampleur de la tornade à venir. Grand entretien dans « l’Express », portrait d’ouverture dans « Paris Match », couverture de « Transfuge », panégyrique dans « le Point » signé Christine Angot, interview de six pages dans « Marianne ». On en oublierait presque une chose. La cause occasionnelle, le détail à l’origine d’une telle profusion : la parution de deux livres, le 10 février prochain chez Grasset. Un épais « Pièces d’identité », recueil de textes et d’entretiens déjà parus sur toutes sortes de supports, et « De la guerre en philosophie », version remaniée d’une conférence prononcée en 2009 à l’ENS de la rue d’Ulm.

Plaidoyer pro domo en faveur d’une œuvre injustement décriée, la sienne, ce second opus d’environ 130 pages, « De la guerre en philosophie », se présente comme le « livre-programme » de la pensée béhachélienne. Un « manuel pour âges obscurs, où l’auteur « abat son jeu » et dispose, chemin faisant, les pierres d’angle d’une métaphysique à venir » – rien de moins, trompette l’éditeur au dos de la couverture. On l’aura compris, ce livre devait signer le grand retour de BHL sur la scène conceptuelle dite sérieuse. Son ultime plaidoirie face à une caste philosophique qui l’a depuis toujours tourné en dérision, de Deleuze à Bourdieu, en passant par Castoriadis. Une lecture attentive dudit opuscule révèle cependant que l’affaire est assez mal engagée.

« La vraie question pour une philosophie, c’est de savoir où sont vos adversaires, et non où sont vos alliés. » Ainsi l’auteur se lance-t-il, chemise au vent et sans crampons, à l’assaut de quelques contemporains gauchistes renommés, mais aussi de Hegel ou de Marx, « cet autre penseur inutile, cette autre source d’aveuglement », notamment reconnu coupable de ne pas donner les moyens de penser le nazisme. A la décharge, l’idéalisme et le matérialisme allemands, toutes ces conneries superflues ! Bernard-Henri Lévy ne s’est jamais laissé intimider par les auteurs mineurs.

Il s’en prend tout aussi fougueusement à Kant, « ce fou furieux de la pensée, cet enragé du concept ». Un peu audacieux de la part d’un penseur qui ne peut, somme toute, revendiquer à son actif qu’un brelan de concepts pour news magazines comme le « fascislamisme » ? Même pas peur. BHL a des billes. Le vieux puceau de Königsberg n’a qu’à bien se tenir. A la page 122, il dégaine l’arme fatale. Les recherches sur Kant d’un certain Jean-Baptiste Botul, qui aurait définitivement démontré « au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans sa série de conférences aux néokantiens du Paraguay, que leur héros était un faux abstrait, un pur esprit de pure apparence ». Et BHL de poursuivre son implacable diatribe contre l’auteur de « La Critique de la raison pure », « le philosophe sans corps et sans vie par excellence ».

Il en sait des choses, Bernard-Henri Lévy. Le néo-kantisme d’après-guerre. La vie culturelle paraguayenne. Seul problème, Jean-Baptiste Botul n’a jamais existé.

Pas plus que ses conférences dans la pampa, auxquelles BHL se réfère avec l’autorité du cuistre. Ce penseur méconnu est même un canular fameux. Le fruit de l’imagination fertile de Frédéric Pagès, agrégé de philo et plume du « Canard enchaîné », où il rédige notamment chaque semaine « Le journal de Carla B. ». Un traquenard au demeurant déjà bien éventé depuis la parution de « La vie sexuelle d’Emmanuel Kant », pochade aussi érudite qu’hilarante publiée en 2004 aux éditions Mille et une nuits sous le pseudonyme de Botul. Une simple vérification sur Google aurait d’ailleurs pu alerter le malheureux BHL. Le même Botul y est en effet aussi répertorié pour avoir commis une œuvre au titre prometteur : « Landru, précurseur du féminisme ».

Renseignement pris, personne ne s’était encore jamais pris sans airbag cet énorme platane. C’est désormais chose faite. Toutes proportions gardées, c’est un peu comme si Michel Foucault s’était appuyé sur les travaux de Fernand Raynaud pour sa leçon inaugurale au « Collège de France ». Mais alors, qu’a-t-il bien pu se passer dans le cerveau infaillible de notre vedette philosophique nationale ? Une fiche mal digérée ? Un coup de sirocco à Marrakech ? « C’est sans le moindre état d’âme que j’ai, depuis 30 ans et plus, choisi le rôle du renégat, endossé l’habit du disciple indocile, et déserté ce mouroir de toute pensée qu’est devenue l’Université », écrit Bernard-Henri Lévy. Un peu trop, sans doute.

Ainsi se sera-t-il toujours trouvé un importun, un pédagogue indiscret et pointilleux, pour venir s’interposer entre sa personne et la gloire philosophique. Il y a trente ans, c’était l’historien Pierre Vidal-Naquet, qui avait recensé dans un texte mémorable publié par « le Nouvel Observateur » les nombreuses perles d’écolier contenues dans son essai, « Le Testament de Dieu ». Cette fois-ci, c’est un philosophe burlesque qui n’existe même pas.

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/culture/20100208.OBS6232/bernardhenri_levy_en_flagrant_delire.html

Messages

  • Arrêtez de vous intéresser à cet ignare !

  • Putain trop bon !!!!!

    Là c’est le panard total. Y’a des jours où ça allait pas et ne lisant ce genre de choses on se sent mieux. D’un seul coup.

  • ce pauvre type est un gag vivant ...

    j’ai bien rigolé...

    Gidéhèm

  • OUARF OUARF OUARF....Purée, à ce point là c’est pas croyable....BHL on t’aime : 5 min de lecture, une heure de fou rire. Faites tournez ça vaut le coup !

  • Quel intense moment de plaisir ! Un pur orgasme.

  • Cela se confirme,c’est bien le père du BHV......momo11

  • Je viens de livre l’excellent texte de Badiou sur le foulard et aussi le dernier gag de BHL.
    Des deux l’un est clown, l’autre véritable penseur progressiste...

  • c’est un philosophe au "cerveau lent" , mince comme s’écrit "c....... "

  • Bernard-Henri Lévy pris au piège d’un canular littéraire qu’il salue

    Le philosophe Bernard-Henri Lévy a reconnu lundi s’être laissé piéger par l’oeuvre d’un certain Jean-Baptiste Botul, écrivain fictif, qu’il cite dans l’un de ses derniers livres et dont il a admis "le talent" après la révélation de la mystification.

    Toute la journée de lundi, la planète internet s’était émue et amusée de voir ce personnage cité très sérieusement à la page 122 de "De la guerre en philosophie" (Grasset), un ouvrage reprenant un texte prononcé par BHL le 6 avril 2009 à l’Ecole nationale supérieure de la rue d’Ulm.

    BHL y citait "Jean-Baptiste Botul" et "une série de conférences aux néo-Kantiens du Paraguay" donnée par ce prétendu spécialiste de Kant au lendemain de la Seconde guerre mondiale.

    Dans une chronique pour La Règle du Jeu, publiée lundi soir sur internet en avant-première, Bernard-Henri Lévy avoue avoir "cité souvent +La vie sexuelle d’Emmanuel Kant+ comme (il l’a) fait devant les Normaliens (...). Or il s’avère que c’était un canular".

    "Un très brillant et très crédible canular sorti du cerveau farceur d’un journaliste du Canard Enchaîné, au demeurant bon philosophe", relève BHL. "Et je me suis donc laissé prendre, comme s’y sont laissés prendre les critiques qui l’ont recensé au moment de sa sortie", ajoute-t-il. "Du coup, une seule chose à dire et de bon coeur. Salut l’artiste !", conclut Bernard-Henri Lévy.

    Frédéric Pagès, journaliste au Canard Enchaîné et créateur de ce personnage fictif haut en couleur, n’était pas joignable lundi soir. Selon lui, Botul (1896-1947), originaire de Lairière dans l’Aude, est un philosophe de tradition orale, père du "botulisme", n’ayant laissé aucun ouvrage écrit officiel.

    En revanche, l’oeuvre de Jean-Baptiste Botul "existe" et elle a bel et bien été éditée, rappelaient lundi dans un communiqué son éditeur français, les éditions Mille et Une nuits, et l’Association des amis de Jean-Baptiste Botul (A2JB2 pour les intimes), présidée par... Frédéric Pagès.

    "La vie sexuelle d’Emmanuel Kant", sa "plus fameuse conférence donnée en 1946 au Paraguay, a été traduite en neuf langues et ses oeuvres sont diffusées dans toute l’Europe et le Brésil", relève l’éditeur. "Quels auteurs dont nul ne contesterait l’existence pourraient en dire autant ?", ajoute-t-il.

    "L’oeuvre existe et chaque livre de Botul publié est présenté par la personne ou les personnes qui en ont établi l’édition", souligne à l’AFP Sandrine Palussière des éditions Fayard (Mille et une nuits), qui tient à ajouter que l’Association travaille depuis plus de dix ans à faire paraître conférences, journaux, procès-verbaux et autres textes du philosophe qui avait élaboré la Métaphysique du Mou...

    "Pouvait-on dire qu’Emile Ajar n’existait pas, qu’il n’y avait que Romain Gary ? C’était une autre forme d’expression littéraire, une autre oeuvre", ajoute l’éditeur. Ajar et Gary avaient chacun été couronné par le prestigieux prix Goncourt. La dédoublante mystification n’avait été découverte qu’après la mort de Romain Gary.

    http://www.lepoint.fr/actualites-insolites/2010-02-08/bernard-henri-levy-pris-au-piege-d-un-canular-litteraire-qu-il/918/0/421985

  • Y parait que le Botul-isme ça rend fou...Une belle mise en boite, à conserver !