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COMMUNIQUE DE PRESSE "Procès des 4 prévenu(e)s de TOURS"

Publie le dimanche 5 décembre 2010 par Open-Publishing

Communiqué de presse : "Procès des 4 prévenu-e-s de Tours reporté"
Par Abd-El-Kader Aït Mohamed et Chantal Beauchamp

Audience du Tribunal correctionnel de Tours du 3 décembre 2010

UN NOUVEAU REPORT,

UNE INJURE FAITE AUX DROITS DE LA DEFENSE

Après un premier report décidé à l’audience du 16 septembre, devait se tenir le 3 décembre 2010 au Tribunal correctionnel le procès des 4 prévenu-e-s de Tours, accusés par le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux de « diffamation publique sur fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique » et poursuivis pour cette raison par le Procureur de la république près le tribunal de Grande Instance de Tours.

Après que l’avocate de deux des prévenu-e-s, (nous-mêmes, Abd-El-Kader Aït Mohamed et Chantal Beauchamp) a soulevé, en ouverture de l’audience, des questions de nullités de procédure, la partie civile et le Procureur de la République ont insisté auprès des juges pour que cette question soit examinée à part du débat au fond – contrairement à notre demande, exprimée par Me Gafsia, tant dans ses conclusions écrites qu’à l’audience.

Soulever des nullités de procédure est loin d’être une question purement formelle. A partir du moment où un Procureur décide de poursuivre, c’est bien le moins qu’on puisse exiger de lui qu’il applique à la lettre les procédures définies dans le Droit. C’est bien le moins qu’on puisse exiger d’un tribunal qu’il dise si les garanties du Droit, qui sont le fondement de l’institution judiciaire, ont été respectées. Mais c’est bien le moins aussi que l’on puisse exiger d’un tribunal qu’il étudie de près la question de savoir si les poursuites sont justifiées ou non, qu’il traite l’affaire, comme on dit, « au fond ».

Lors de la première audience du 16 septembre, la Présidente du tribunal avait décidé de reporter la tenue du procès au 3 décembre, précisant sa volonté de consacrer à cette affaire tout le temps qu’elle méritait, notamment en auditionnant tous les témoins. Mais ce 3 décembre le tribunal a affiché une tout autre disposition d’esprit, en choisissant de suivre les demandes de la partie civile et du Parquet, en privant la défense de l’exercice de l’intégralité de ses droits, - notamment ceux de Muriel El Kolli et de Jean-Christophe Berrier, du Collectif Soif d’Utopies, défendus par Me Henri Braun, et qui, pour leur part, n’ont pas souhaité faire valoir les nullités de procédure, pour se concentrer sur l’aspect politique des poursuites.

En effet, derrière une accusation de diffamation, se dévoile un procès politique fait à 4 militant-e-s, et à travers eux, au Collectif Soif d’Utopies et au RESF37. L’objectif de Brice Hortefeux est bien, nul n’en doute, d’entraver la libre expression de celles et ceux qui dénoncent les méthodes indignes employées dans la chasse aux sans-papiers, ainsi qu’une politique délibérément xénophobe.

En annonçant sa décision de disjoindre la question de la légalité des poursuites et celle de leur légitimité, de mettre en délibéré jusqu’au 6 janvier 2011 sa décision sur les nullités de procédure soulevées, la Présidente a précisé que c’était pour se donner le temps d’étudier la question complexe du droit de la diffamation. Mais depuis le 16 novembre toutes les parties au procès ont connaissance de l’argumentaire de Me Gafsia, cette dernière ayant retiré les quelques compléments qu’elle venait de déposer ce jour, à la demande même du Tribunal.

En décidant de repousser au 6 janvier 2011 la réponse sur les nullités de procédure, et de repousser au 17 février 2011 l’audience au fond, qui devra porter sur les raisons politiques des poursuites, le tribunal compte sans doute décourager les prévenu-e-s, les témoins et leurs soutiens. Cette manœuvre est vouée à l’échec, tant la détermination des uns et des autres est forte de ne pas céder aux intimidations du pouvoir.

Le 3 décembre, le tribunal, qui est censé rendre la justice au nom du peuple, s’est moqué de lui. Les prévenu-e-s, les témoins, les avocats, le public présent, toutes et tous attendaient un débat public sur le fond de l’affaire : a-t-on aujourd’hui en France le droit d’alerter l’opinion sur les abus de pouvoir de l’administration ? A-t-on aujourd’hui en France le droit de dénoncer des méthodes de chasse aux sans-papiers qui rappellent certaines pratiques du gouvernement de Vichy ? A-t-on aujourd’hui en France le droit de critiquer librement la politique d’immigration des gouvernants ?

Les nullités de procédure soulevées par Me Gafsia sont des éléments permettant de démontrer l’injustice des poursuites. Elles sont indissociables des autres éléments qui, eux sont fondamentalement politiques. Depuis quand le fait de faire valoir de bons arguments sur un aspect d’une affaire empêcherait-il de faire valoir d’autres bons arguments sur les autres aspects ? Qu’est-ce que c’est que cette forme de chantage exercé sur la défense, qui l’obligerait à choisir elle-même un terrain, à condition d’exclure l’autre ? C’est la liberté d’user de tous les moyens de défense légaux qui est ainsi compromise. Par cette fuite en avant, le tribunal espère-t-il (jusqu’à quand ?) éviter d’avoir à se prononcer sur la légitimité ou non des poursuites ? Si on voulait se soustraire au débat politique, il ne fallait pas nous poursuivre – sauf à s’imaginer que ces poursuites auraient pu, en elles-mêmes, nous intimider et nous museler. Ce qui n’est pas le cas.

Nous continuons à réclamer notre relaxe et celle des 2 autres prévenu-e-s de Tours. Nous savons compter sur le comité de soutien que nous remercions ici pour sa mobilisation qui, nous le savons, restera forte et efficace.

Nous invitons celles et ceux qui veulent exprimer aux 4 prévénu-e-s leur solidarité à rejoindre le comité de soutien en se renseignant sur le site : http://baleiniers.org et à continuer à signer et à faire la pétition.

Pour la liberté d’expression et la liberté d’opinion !

Contre la censure d’État et la criminalisation de la solidarité

Relaxe des 4 de Tours !

Abd-El-Kader Aït Mohamed

Chantal Beauchamp