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Centres de rétention : Droits de l’homme, nouveau rapport accablant

Publie le lundi 9 août 2004 par Open-Publishing
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de Julien Haution

Les inspections de l’IGA et de l’IGAS posent à nouveau le problème des conditions d’accueil dans les centres de détention administrative.

La Cimade, unique association autorisée à pénétrer dans les centres de rétention administrative (CRA), publie, depuis plusieurs années, des rapports d’activité qui se sont tous révélés accablants. Mais, cette fois, ce sont les ministres de l’Intérieur et des Affaires sociales eux-mêmes, qui ont, en mars dernier, chargé les inspecteurs de l’inspection générale de l’administration (IGA) et de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de réaliser un audit général sur ces centres. Les conclusions de leur rapport sont sans appel : seulement sept des vingt-cinq CRA répondent aux normes réglementaires. Pour Marseille, Nanterre et Versailles, les inspecteurs préconisent même des " mesures immédiates ", tant la situation y est catastrophique. Dans son rapport 2003, la Cimade a constaté que l’exiguïté du centre de Marseille et le manque de moyens engendraient des " pratiques humiliantes " et contraires " au respect de la dignité des personnes ". Ainsi, par exemple, sept nouveaux arrivants ont été enfermés dans la cabine téléphonique, le temps de permettre leur enregistrement...

Tout-sécuritaire

Cet accueil dégradant est, en premier lieu, la conséquence de la politique du tout-sécuritaire préconisée par le gouvernement. Il est, par ailleurs, lié à l’inévitable saturation des centres qu’elle engendre. À quelques mois d’intervalle, les ministres de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, puis Dominique de Villepin, ont tous deux déclaré leur intention d’" augmenter les reconduites aux frontières " des étrangers en situation irrégulière, avec pour objectif le doublement des expulsions forcées. Pour cela, tous les moyens sont bons : selon la Cimade, les étrangers sont contrôlés illégalement ou encore arrêtés " au guichet de la préfecture suite à des convocations-pièges ". Ainsi, en avril dernier, " un ressortissant malien ayant introduit une demande d’autorisation de séjour pour soins (a été( convoqué pour se voir notifier le rejet de sa demande. Un vol vers le Mali était prévu dès le surlendemain ". Mais, le gouvernement a fait son choix : alors que la loi Sarkozy, triplant la durée de privation de liberté en rétention (de 12 à 32 jours), a été d’application immédiate, l’échéance de mise en conformité des centres est repoussée jusqu’en 2005.

Rétention ou détention ?

Selon la Cimade, la loi Sarkozy entraîne des interpellations plus fréquentes, des placements pratiqués sans discernement. L’association signale, par exemple, que des étrangers " non reconductibles " ont été envoyés pour la quatrième fois en centre de rétention. Elle évoque également, ce que confirme le rapport IGA-IGAS, des phénomènes de saturation des centres de rétention, une surpopulation qui n’est pas étrangère à la dégradation des relations et à l’augmentation des tensions dans les CRA. Une détérioration ressentie entre les étrangers et le personnel d’encadrement mais aussi entre les étrangers eux-mêmes.

Au final, le rapport IGA-IGAS s’inquiète de ces dysfonctionnements et estime qu’ils peuvent " avoir pour conséquence une approche plus carcérale des conditions de rétention ", inquiétude à laquelle il faut ajouter " l’usage parfois excessif des systèmes d’entrave ". Quant à la Cimade, elle estime que " si le Comité européen contre la torture se rendait dans certains centres, la France serait condamnée ". L’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme stipule, en effet, que " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Grandeur des principes, bassesse des pratiques.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-08-09/2004-08-09-398541

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