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Cinq ans après l’explosion, Toulouse veut tourner la page

Publie le vendredi 22 septembre 2006 par Open-Publishing
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AZF . Alors que la construction d’un cancéropôle est prévue sur le site de l’usine d’engrais chimiques, les associations de victimes réclament toujours la mise en examen du groupe Total.

de Alain Raynal Toulouse

Il y a cinq ans, précisément. Le 21 septembre 2001, quelques minutes après 10 heures du matin, une violente déflagration ravage le sud de Toulouse. AZF, l’historique usine productrice d’engrais chimiques appartenant à Grande Paroisse, filiale de Total, vient d’exploser. Le bilan est terrible : 30 tués, dont 21 salariés sur le site ; près de 10 000 blessés dont 2 500 gravement atteints. Diverses enquêtes épidémiologiques menées par l’Institut national de veille sanitaire (INVS) confirment qu’« un élève sur cinq et un habitant sur dix de la zone proche de l’explosion, et près de 15 % des travailleurs présents » ont été blessés.

Des plaies et des atteintes de l’oreille pour plus de la moitié des cas. Selon ces études, une personne sur deux suivait encore un traitement à base de médicaments psychotropes, comme les somnifères ou les antidépresseurs, dix-huit mois après l’explosion. Parmi les voisins proches de l’ancienne usine, certains souffrent encore de stress post-traumatique. Aujourd’hui encore, l’INVS insiste sur la nécessité « d’un dépistage des atteintes auditives qui peuvent passer inaperçues » et d’une « prise en charge prolongée des conséquences psychologiques ».

La thèse de l’accident chimique

Au lourd tribut humain payé par les salariés et les riverains se sont ajoutés 30 000 logements dévastés. Des centaines d’équipements publics ou privés ont été détruits ou endommagés. Plus d’un millier d’entreprises industrielles, commerciales ou artisanales ont subi les effets destructeurs du souffle. Le coût total de la catastrophe avoisinerait les 2 milliards d’euros.

Quant aux causes réelles de l’explosion meurtrière, les juges d’instruction et les experts ont travaillé pendant plus de quatre ans. Ils ont exploré toutes les pistes plus ou moins sérieuses avancées, décortiqué toutes les informations, pratiqué les expérimentations nécessaires, avant de présenter au mois de mai dernier un rapport final de 700 pages concluant à l’accident chimique. La thèse retenue est celle d’un mélange malencontreux de quelques kilos d’un produit chloré (le DCCNa) déposé vingt minutes avant l’explosion sur du nitrate d’ammonium.

La direction de Total, qui réfute systématiquement cette explication et multiplie les recours, est engagée depuis 2001 dans un bras de fer judiciaire. Le groupe pétrolier veut bien compenser les dommages mais ne souhaite en aucun cas être jugé et condamné. En tant que personne morale, Grande Paroisse a été mise en examen à la fin du printemps 2006. Cependant, les associations de victimes réclament avec insistance la mise en examen du groupe Total pour « négligences », « mauvais état » de l’usine et « économies réalisées sur le dos de la sécurité ».

Les institutions et le public fâchés

Cinq ans après, des personnes isolées, traumatisées, en situation de grande précarité, qui n’ont pas fait valoir leurs droits et qui, pour certaines, ne bénéficient d’aucun soin, sont encore recensées à ce jour. Après une campagne menée en mai dernier sur les démarches à effectuer, l’Association des sinistrés du 21 septembre a constitué et déposé 172 nouveaux dossiers de ces laissés-pour-compte. Son président, Frédéric Arrou, alerte sur l’insuffisance de communication entre le grand public et les institutions. « Très souvent, explique-t-il, elle ne franchit même pas la porte du logement. Il est indispensable d’aller sur le terrain pour s’assurer que les gens maîtrisent de manière durable les informations données. » Selon lui, le garde champêtre reste un personnage à réinventer.

Cinq ans après, Toulouse veut tourner la page. Alors que les travaux de dépollution se poursuivent sur et dans le sol de l’ancienne usine chimique, le ministre des - Affaires étrangères et président du Grand Toulouse, Philippe Douste Blazy, a annoncé le lancement de la construction d’un cancéropôle. Le président de la République devrait très prochainement déposer la première pierre. Regroupant sur 220 hectares des pôles de recherche publics et privés, des laboratoires de firmes pharmaceutiques comme Fabre ou Sanofi-Aventis et un hôpital, cet ensemble deviendrait le plus important centre européen de lutte contre le cancer.

Perte de 1 100 emplois

Le défi de l’emploi industriel et de recherche reste encore à relever sur ce site qui a perdu environ onze cents - emplois après l’explosion. Comme le craint Daniel Steinmetz, ingénieur de recherche à Toulouse et membre du bureau national du SNTRS-CGT, les nouveaux emplois créés ne pourront pas compenser tous ceux détruits après 2001, quand on sait que la majorité des postes résulteront avant tout des redéploiements. Avec son syndicat, il revendique donc que sur ce cancéropôle soient aussi produits des médicaments. C’est possible grâce à la présence de l’établissement voisin d’Isochem-SNPE, qui peut développer de la chimie fine tournée vers la pharmacie. Quant à la recherche, ajoute-t-il, « il est crucial de garantir des coopérations entre le public et le privé, et non pas un assujettissement du premier vis-à-vis du second ». Autre défi.

http://www.humanite.presse.fr/journ...

Messages

  • Questions : pourquoi nos médias pleurent-ils depuis si longtemps et si abondamment (des heures de "reportages" et de "souvenir" une semaine au moins avant la date anniversaire pendant et après) l’attentat des "Twin Towers" avec visite et congratulations de notre Zébulon, ministre de l’Intérieur et de Tout à New York , alors que pour le drame de Toulouse l"évènement est "déclassé" par manque d’intérêt journalistique peut-être, et on reste si discrets sur le puissant et "honorable" propriétaire et responsable du site d’AZF qui se défile ??? Pourquoi, pas de reportage ni d’excuses publiques de personne, pour le travailleur qui fut suspecté à tort à cause de son nom ??? JdesP que la seconde question hante plus particulièrement ...

  • Deux jours après l’explosion je me suis rendu à Toulouse avec la CRF. En arrivant sur Toulouse j’ai compris l’ampleur de la catastrophe et la force des Toulousains. J’y suis resté 2 mois.

    Merci de m’avoir appris la dignité... face à l’inexplicable.

  • Témoignage anecdotique.

    Le jour de l’explosion, j’étais à un salon du livre à Nancy. Je suis rentré illico, sans nouvelles de ma famille. , Une vitre de ma chambre, à 20 km d’AZF, avait été brisée et mon lit était couvert de débris de verre. Je n’ai pas fait de déclaration à l’assurance qui ne m’aurait pas cru. Pendant plusieurs mois, il était impoissible, même en s’adressant aux départements voisins, de trouver une vitre. Rupture de stock et priorité à ceux qui n’avaient pas des volets.

    J’ai réuni une brochette d’auteurs toulousains et nous avons écrit un recueil de nouvelles : "AZF. Toulouse sang dessus dessous", dont tous les droits et bénéficies ont été versés au Secours populaire, au profit des sinistrés (on ne savait pas à l’époque que la présidente locale de cet organisme piquait dans la caisse).

    Une polémique divisait Toulouse :

    D’un côté, les partisans de la thèse de l’attentat (dix jours après la destruction des Tours jumelles aux USA). Parmi eux, les suspicieux, les fachos et ceux qui avaient lu la presse économique liée à Total et aux assurances. Dame ! Si la responsabilité de Total n’était pas engagée, les assurances ne remboursaient rien. Les attentats ne sont pas couverts.

    De l’autre, ceux (appuyés par la Dépêche du Midi) qui approuvaient les conclusions rapides de la Justice : accident. D’où : remboursez !

    J’ai eu alors l’occasion de participer à une émission de RMC où le porte-parole de Total a jugé mes propos "excessifs". Après que je lui ai répondu que c’était plutôt son explosion qui était excessive, l’animateur de l’émission ne m’a plus jamais donné la parole. J’avais beau faire des gestes, j’avais disparu !

    Total est-il un annonceur de RMC ?

    Maxime Vivas