Accueil > Dans la cour d’Honneur, techniciens et comédiens ont répondu par (...)

Dans la cour d’Honneur, techniciens et comédiens ont répondu par l’indignation à l’allocution présid

Publie le jeudi 15 juillet 2004 par Open-Publishing

Par Antoine de BAECQUE et René SOLIS

à Avignon

a direction du Festival d’Avignon cherchait une action symbolique forte pour « réunir la profession dans son soutien aux intermittents en lutte », dans les termes de Vincent Baudriller, codirecteur du festival. Proposée mardi en fin de journée, l’idée d’un meeting-happening dans la cour d’Honneur à l’occasion de la retransmission des propos présidentiels du 14 Juillet, fut acceptée par tous avec un certain enthousiasme. Coordinations d’intermittents, syndicats, équipes des spectacles du
In et du Off et salariés du festival, un petit millier de personnes (il y aurait pu en avoir plus, sans la crispation d’un service d’ordre tatillon) a rempli, hier à 12 h 30 les gradins du lieu mythique, qui n’avait pas vu tel rassemblement militant, 1968 y compris, depuis la fondation du festival en 1947.

Grande scène. Assis sous le soleil, tous attendaient sagement que commence l’intervention de Jacques Chirac. Se succédaient les prises de parole, sur la grande scène débarrassée des décors de Woyzeck : l’ancien ministre de la Santé Jack Ralite, puis le représentant de la CGT-Spectacles. Ensuite, l’acteur Gilles Arbona au nom de l’équipe « accueillante » qui donnera Peer Gynt dans la cour à partir de demain, et le comédien Laurent Poitrenaux qui lut l’« Appel d’Avignon », demandant que s’ouvre une renégociation du protocole sur l’intermittence avant le 1er janvier.

Quand résonna la voix chiraquienne, projetée par haut- parleur dans la cour d’Honneur, il y eut un moment de flottement. C’était un peu irréel, cette voix descendant le long des vieux murs du palais des Papes, tombant sur la scène où ont retenti celles des plus grands acteurs. On eut dit qu’un comédien jouait le Président, parlait le Jacques Chirac dans le texte ­ un Chirac qui n’a jamais davantage ressemblé à sa caricature qu’en ce jour de fête nationale, où il était écouté attentivement par toute la profession théâtrale réunie en ce lieu emblématique : directeurs de théâtre et de troupes (notamment Marcel Bozonnet, qui mène la Comédie-Française), personnels administratifs, metteurs en scène, techniciens et comédiens.

Un éclat de rire consterné accueillit d’ailleurs son éloge des artistes, « du plus modeste au plus génial » (sic)...

Surdité. Personne n’attendait rien. Mais la dignité de la réponse de la cour contrasta avec la médiocrité du propos élyséen : « Puisque le Président semble un peu sourd, nous allons lui transmettre nos demandes en langue des signes. » Et sur les gradins, monta le cri silencieux, des centaines de mains traçant en même temps les signes des trois revendications : « Abrogation. Expertise. Négociation. » En cette minute, la cour d’Honneur n’avait pas usurpé son nom.

Liberation