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Dépenses de communication du gouvernement : Pierre Giacometti s’explique

par Alexandre Lemarié

Publie le vendredi 4 novembre 2011 par Alexandre Lemarié - Open-Publishing
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Un rapport de la Cour des comptes épingle les dépenses de communication, notamment en "sondages" et "coaching", d’une dizaine de ministères, les plus importants, et de celles du premier ministre. Ce rapport, publié sur le site de France Télévisions, met en lumière l’absence de mise en concurrence ou l’irrégularité des procédures engagées concernant ces dépenses.

"Pas toujours facilement mesurables", elles représentent 600 millions d’euros sur 2006-2010, selon ce rapport, qui a été commandé à l’automne dernier par la commission des Finances de l’Assemblée. Il a été mentionné publiquement lors d’une réunion jeudi sur l’examen des crédits du budget 2012.

"De manière générale, les relations entre les administrations publiques et les prestataires externes ne sont pas toujours conformes aux règles de la commande publique", soulignent les magistrats de la Cour des comptes.

"PAS DE NOTRE RESSORT"

Dressant un constat sévère, les magistrats de la Cour relèvent des marchés parfois attribués "dans des conditions contestables", en particulier à la société de conseil et de stratégie Giacometti-Péron, créée en février 2008, dont Pierre Giacometti, conseiller de Nicolas Sarkozy, est l’un des dirigeants.

"En tant que prestataire , nous nous assurons de la légalité des contrats que nous signons", assure M. Giacometti, interrogé par Le Monde.fr. "Quand tel ou tel ministère nous assure avoir pris les dispositions nécessaires pour que le respect du code des marchés publics soit assuré, nous n’avons pas de raisons d’en douter. Le problème que pointe la Cour des comptes quant à la bonne exécution des marchés publics n’est pas de notre ressort. Le souci d’interprétation du code des marchés publics relève du commanditaire et de la Cour des comptes, mais en aucun cas du prestataire."

Pour l’ancien directeur général de l’institut de sondage Ipsos-France, "les nouvelles règles d’équilibre et de contrôle effectuées par la Cour des comptes et la commission des finances, voulues par la réforme constitutionnelle, sont plutôt saines. Cela n’empêche pas les divergences d’interprétation des codes des marchés entre la Cour et le gouvernement."

DES CONTRATS PASSÉS SANS PUBLICITÉ ET SANS MISE EN CONCURRENCE

Le rapport cite quelques exemples. Ainsi, le cabinet du ministère de l’immigration a passé commande "d’un marché de coaching en image pour le ministre" de l’époque, Eric Besson, notifié le 12 novembre 2009 pour une durée de cinq mois et pour un montant de 105 248 euros. A l’expiration de ce marché passé avec la société de M. Giacometti, le cabinet a poursuivi ce marché "par simples bons de commande" aboutissant à "quatre paiements d’un montant total de 76 729,19 euros", explique la Cour.

Celle-ci fait aussi état de deux marchés passés par le ministère de l’intérieur, alors dirigé par Brice Hortefeux, toujours avec la société Giacometti Péron en 2009 et 2010, dont un d’assistance et conseil à la mise en œuvre de la communication (107 640 euros).

La Cour critique aussi les conditions dans lesquelles ont été passées avec la même société trois contrats pour le compte de François Fillon, entre mai 2008 et juillet 2011, pour un montant total de 694 059 euros (hors taxes), qui l’ont été sans publicité et sans mise en concurrence. Pour la Cour, justifier l’absence de mise en concurrence par la relation "de confiance" entre un ministre et un prestataire n’est pas valable.

"PAS DE PSEUDO-FAVORITISME"

"Dans le domaine du conseil, vous devez une certaine forme d’exclusivité à votre client", répond M. Giacometti. "La conception du cabinet c’est que nous ne pouvons pas travailler simultanément avec un client et son concurrent. Si certains acteurs gouvernementaux choisissent de nous faire confiance ce n’est pas pour une raison de pseudo-favoritisme, mais parce qu’il y a, depuis de longues années, une confiance fondée sur la reconnaissance d’une expertise pratiquée depuis 25 ans."

Par ailleurs, le dirigeant de la société Giacometti-Péron "constate qu’il y a une mise en cause de la preuve de l’exécution des contrats entre notre société et les ministères" dans le rapport. M. Giacometti assure pourtant que sa société a "assuré et délivré toutes les prestations qui figurent dans les contrats et Matignon a toutes les pièces pour le démontrer". Avant de préciser : "Mais seul le client, qui est propriétaire des informations, est maître de la confidentialité de ces informations. Et nous respectons cette confidentialité".

UN CONTRAT AVEC L’ELYSÉE DEPUIS 2008

Suite au rapport de la Cour des comptes, la députée socialiste Delphine Batho a demandé jeudi en commission l’audition de Pierre Giacometti et du premier ministre François Fillon. "Au total entre l’Elysée, Matignon, et les seulement 10 ministères contrôlés par la Cour des comptes, le cabinet Giacometti-Péron a touché près de 4 millions d’euros d’argent public, ce qui représente assurément plus qu’une part substantielle du chiffre d’affaire de ce cabinet fondé en 2008", a lancé Mme Batho.

"Compte-tenu du contexte, nous avions besoin de recourir à la procédure d’urgence", a déclaré Matignon au Figaro, en guise de justification. "Cette procédure est d’ailleurs prévue dans le code des marchés publics. Nous avons une divergence d’appréciation avec la Cour des comptes sur ce point". Et d’ajouter : "Pierre Giacometti est un professionnel reconnu et compétent".

Depuis 2008, la société de l’ancien directeur d’Ipsos bénéficie par ailleurs d’un contrat en stratégie de communication et d’opinion avec l’Elysée, d’un montant de 522 000 euros par an, révélait Le Post.fr en octobre 2009. Le montant du contrat a été réduit en 2010.

http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/11/03/la-cour-des-comptes-epingle-les-depenses-de-com-du-gouvernement_1598577_823448.html

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