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Des étrangers malades menacés d’expulsion

Publie le mercredi 18 août 2004 par Open-Publishing

Immigration

Des étrangers malades menacés d’expulsion

LE 22 JUILLET dernier, Paul-Christian N., 26 ans, un Camerounais sans papiers et séropositif en cours de traitement, a été expulsé vers son pays d’origine après une décision du tribunal administratif de Melun (Seine-et-Marne). Cette même semaine de la fin juillet, deux autres sans-papiers porteurs du virus du sida, un Argentin et un Algérien eux aussi visés par des arrêtés de reconduite à la frontière, ont été placés en centre de rétention avant d’échapper de justesse à l’expulsion. « Les préfectures jouent à la roulette russe avec les étrangers ! » dénoncent les associations de l’Observatoire du droit à la santé pour les étrangers (ODSE) qui ont lancé la semaine dernière un véritable cri d’alarme.

Depuis plusieurs mois déjà, l’ODSE et la Ligue des droits de l’homme (LDH) s’inquiètent de la multiplication de ces pratiques. Depuis 1998, en effet, tout étranger dont l’état de santé nécessite « une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité » et dont il ne peut bénéficier dans son pays d’origine bénéficie d’un droit au séjour temporaire. En 2002, 8 987 titres de séjour d’un an, dont 5 617 renouvellements, ont ainsi été délivrés à des personnes atteintes de maladies infectieuses comme le sida mais aussi de maladies orphelines, de cancers ou d’accidents cérébro-vasculaires.

L’ordonnance de 1945 établit en outre que les étrangers malades sont protégés de l’éloignement du territoire. La loi Sarkozy sur l’immigration de 2003 n’est pas revenue sur ces principes. Elle prévoit cependant un dispositif de contre-expertise du diagnostic initial par un médecin inspecteur de santé publique. A terme, l’étranger pourra être convoqué par une commission médicale régionale dont la création, suspendue à un décret interministériel, se fait attendre.

« Un durcissement généralisé des pratiques » Défendu dans l’entourage du ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin, comme « un instrument de cohérence », ce dispositif est perçu par les associations comme « jetant la suspicion » sur les malades étrangers. Sur le terrain, elles constatent un « durcissement généralisé des pratiques » qui tend à « vider de son sens » la protection des étrangers malades. En mai dernier, le président de la LDH, Michel Tubiana, alertait les autorités en prenant exemple de huit cas. Si le réexamen alors promis de ces dossiers est en cours, l’association a été saisie de nouvelles situations tout autant absurdes. « Un silence assourdissant demeure sur la question essentielle, souligne Isabelle Denise, responsable du service juridique.

Quelles mesures ministérielles pourraient être prises pour que plus jamais de telles décisions préfectorales soient prises ? » L’ODSE demande que les ministères de la Santé et de l’Intérieur dénoncent des pratiques « que les préfectures voudraient aujourd’hui banaliser ». Place Beauvau, on assure une « vigilance de la règle de droit » particulière sur ce « dossier sensible ». Et qu’un projet de circulaire aux préfets sur le droit au séjour - incluant donc cette question - est en préparation.

Pascale Égré
Le Parisien , mercredi 18 août 2004