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Des outils pour embaucher les intérimaires

Publie le samedi 20 octobre 2007 par Open-Publishing

Les Cheminots du Dépôt de Rennes avaient prévenu la Direction depuis 6 mois : ils ne veulent pas de contrats précaires dans l’entreprise. La Direction n’a pas voulu comprendre. Mardi 10 mai 2005, en catimini, elle a fait venir un jeune travailleur de 20 ans pour commencer une mission d’intérim.

Les Cheminots du Dépôt ont fait ce qu’ils avaient dit : Ils ont déposé immédiatement le sac (débrayé) pour obtenir que ce travailleur soit embauché au Statut (Convention collective des cheminots) comme nous.

La Direction est d’abord restée obstinée dans sa logique de précariser le travail en introduisant l’intérim. Même si cela lui coûte plus cher de payer des boîtes d’intérim, elle préfère ces salariés-kleenex plutôt que d’embaucher des cheminots pour 30 ans de carrière. Dans la vision à court-terme du capitalisme financier, cela est directement rentable.

Finalement après intervention de la CGT au niveau régional, les Cheminots ont obtenu l’engagement de la direction à embaucher ce jeune travailleur. Il a fallu une demi-journée de grève supplémentaire (mais qui ne sera pas retirée) pour que la direction accepte de mettre par écrit cet engagement.

Ces avancées ont été obtenues parce que les Cheminots avec leurs Organisations Syndicales se sont mobilisés immédiatement et à 100%. Mobiliser tout un atelier de 150 ouvriers n’est bien sûr pas une chose facile surtout dans cette période de décomposition syndicale. Chez les Cheminots du Dépôt, c’est possible parce qu’il y a une vraie tradition syndicale de lutte collective et démocratique. C’est toujours l’assemblée générale des travailleurs qui décide de la conduite des mouvements. Ce fonctionnement allié à la combativité des militants CGT et de la majorité des salariés permet d’avoir un rapport de force efficace face au patron. Cette tradition syndicale a été conservé contre les agissements bureaucratiques de la Fédération CGT Cheminots. Ce qui fait régulièrement grincer des dents les burocrates. Cela est également possible parce que la syndicalisation reste forte et la vie syndicale active. Les tournées syndicales faites par les délégués grâce au temps de délégation vont voir tous les travailleurs de l’entreprise.

Le Dépôt SNCF de Rennes qui entretient les trains a été fusionné en 2005 avec l’Etablissement Industriel de Maintenance (les Ateliers) qui entretient des RER parisiens et des pièces de frein. La section CGT des Ateliers est moins puissante que celle du Dépôt. Récemment elle n’a pas réussi à suffisement mobiliser pour empêcher le patron d’exploiter des travailleurs en contrat d’intérim. Les Cheminots des Ateliers se sont aussi battus sans succès il y a quelques années contre l’externalisation du ménage, du grenaillage et du gardiennage. Ces travaux sont aujourd’hui réalisés par des salariés de l’USP qui ont bien sûr des conditions de travail dégradées par rapport aux Cheminots.

La section syndicale CGT des Ateliers n’est pas restée les bras croisés. Sans le rapport de force nécessaire, elle a utilisé la loi et tout d’abord 2 articles du Code du Travail : Art. L. 422-1 : Les délégués du personnel peuvent prendre connaissance des contrats définis à l’article L. 124-3, passés avec les entreprises de travail temporaire, pour la mise à disposition de salariés temporaires.

Art. L. 432-4-1 : Chaque trimestre, dans les entreprises d’au moins trois cents salariés et chaque semestre dans les autres, le chef d’entreprise informe le comité d’entreprise de la situation de l’emploi […et notamment] le nombre de salariés sous contrat de travail temporaire, le nombre de salariés appartenant à une entreprise extérieure.

Les délégués du personnel CGT ont ainsi pu consulter les contrats d’intérim directement auprès de la Direction de l’établissement et par l’intermédiaire du CE où la CGT reste majoritaire. Nous nous sommes rendus compte qu’ils ne respectaient pas la loi sur plusieurs points : * Un chaudronnier intérimaire remplaçait soi-disant un électricien en arrêt-maladie. Bien sûr cela était complètement faux d’autant que ces deux métiers sont très différents et ne sont pas situé dans le même atelier. * Même chose pour un électricien intérimaire qui remplaçait un mécanicien. Un autre intérimaire remplaçant un ouvrier ayant des restrictions médicales l’empêchant de faire certaines tâches s’est retrouvé à faire la même chose que lui, du cablage électrique tous les deux l’un à côté de l’autre. * Un jeune électricien avait remplacé un technicien (Qualification D) mais n’avait pas été payé au même salaire.

La CGT a donc demandé lors d’une audience au patron l’application du Code du Travail, la requalification des contrats en CDI au nom des articles L.122-1 et Art. L. 122-3-13 (CDD) et L. 124-2-1 et Art. L. 124-7 (intérimaires), le paiement du même salaire pour l’électricien (Article L. 122-3-3) et les éléments détaillés du salaire clairement indiqués sur le contrat (Article L. 124-3). Le syndicat n’a obtenu que 2 embauches mais l’action a porté. La Direction est obligé de faire attention à respecter la loi et le développement de l’intérim a été sérieusement limité (1% de l’effectif au total aujourd’hui). La plupart des contrats ont pour motif le remplacement de salarié absent. A tous les délégués du personnel de contrôler que c’est vraiment le cas comme nous l’avons fait.

Pour empêcher l’arrivée des intérimaires le syndicat a également utilisé un article du Code du Travail qui interdit aux intérimaires d’effectuer certaines opérations de désamiantage. Art. L. 124-2-3 : En aucun cas, un contrat de travail temporaire ne peut être conclu : 1o Pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu par suite d’un conflit collectif de travail ; 2o Pour effectuer des travaux particulièrement dangereux qui figurent sur une liste établie par arrêté du ministre du travail ou du ministre de l’agriculture et notamment pour certains des travaux qui font l’objet d’une surveillance médicale spéciale au sens de la réglementation relative à la médecine du travail Cela a marché quelques semaines. La Direction a ensuite fait pression sur l’Inspecteur du travail pour qu’il reclasse les travaux de désamiantage effectués aux Ateliers à un niveau inférieur.

Le rapport de force créé au Dépôt a quand même permis de faire reculer la direction à nouveau. Une Demande de Concertation Immédiate (DCI) a été déposée pour signaler notre refus à la direction d’utiliser d’autres intérimaires et notamment au service Manœuvre (déplacement des voitures dans les Ateliers). La DCI impose au patron de nous répondre dans les 3 jours. Déposée à 17h00, nous avons ainsi obtenu à 18h00 qu’il n’y ait pas d’intérimaire à rentrer dans ce service mais seulement des mutations. Cette nouvelle victoire a été possible aussi parce que le service Manœuvre est connu pour sa combativité avec notamment une grève de 3 jours avec blocage de tous les mouvements dans les Ateliers.

L’exemple du Dépôt ainsi qu’un travail syndical de terrain a permis de mobiliser finalement une partie des Ateliers contre l’intérim. Nous comptons pas nous arrêter de lutter contre la politique patronale de suppressions des postes de travail. C’est bien le patronat qui crée les 3 millions de chômeurs en France par sa gestion capitaliste. Notre syndicat lui fait tout pour faire embaucher nos anciens intérimaires renvoyés aujourd’hui au chômage.

Renforçons le contrôle syndical sur les entreprises qui permettra d’en finir avec cette précarité imposée par le Patronat.

http://ulrse.phpnet.org/spip.php?article37