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Des parties civiles frustrées au procès du Queen Mary II
Publie le samedi 27 octobre 2007 par Open-Publishingde Guillaume Frouin
SAINT-NAZAIRE, Loire-Atlantique (Reuters) - Frustration et déception prédominent parmi les survivants et familles de victimes de la catastrophe du Queen Mary II, à l’issue d’un procès où les prévenus n’auront cessé de se rejeter mutuellement la responsabilité d’un accident qui a fait 16 morts en 2003.
Le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire a mis son jugement en délibéré au 11 février 2008.
Excédés par ce qu’ils ont présenté comme "une partie de ping-pong", plusieurs membres des parties civiles ont fait circuler lundi dans la salle d’audience principale une lettre ouverte aux prévenus, dans laquelle elles réclament une "reconnaissance publique de responsabilité".
"Certains le font dans la salle des pas-perdus, mais refusent de le faire devant le tribunal, sur les conseils de leurs avocats", fustige Yann Bartolomé, qui a perdu sa mère et son grand-père dans l’accident survenu le 15 novembre 2003.
Les réquisitions du procureur de la République ont été jugées "trop faibles" par les 130 parties civiles, dont une partie avait brièvement quitté la salle d’audience jeudi dernier en signe de protestation.
Pierre-Marie Block avait réclamé la veille l’amende maximale pour les Chantiers de l’Atlantique et Endel, le fournisseur de la passerelle (225.000 euros, plus 7.500 euros pour chacune des neuf contraventions), mais avait seulement requis de la prison avec sursis pour leurs huit salariés.
"VICES DE CONCEPTION"
"Serait-il opportun d’envoyer toutes ces personnes au casier judiciaire vierge en prison ? Je ne le crois pas", a expliqué à l’audience le procureur de la République de Saint-Nazaire.
Jugés pour "blessures et homicides involontaires", les huit salariés encourent trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende chacun.
"On espérait faire de ce grand procès un procès exemplaire de la sécurité, mais cela n’aura pas été le cas", regrette Agnès Rio, qui a perdu sa fille Charlène, alors âgée de 20 ans, dans l’effondrement de la passerelle. "Faute de sanctions dissuasives, ces agissements vont continuer."
Lors de ses réquisitions, le procureur de la République avait jugé qu’Endel (groupe Suez) et les Chantiers de l’Atlantique (alors filiale de Alstom) étaient "co-responsables" de l’accident, qui avait fait en outre 29 blessés.
Les victimes étaient des visiteurs venus découvrir le Queen Mary II un mois avant sa livraison, ainsi que des salariés chargés de dépoussiérer les armoires électriques du paquebot.
Elles avaient fait une chute de 18 mètres de haut, "soit l’équivalent d’un immeuble de sept étages", a souligné Pierre-Marie Block dans son réquisitoire.
Alors que les avocats des chantiers navals ont mis en avant les "vices de conception" de la passerelle, avérés par des experts judiciaires, ceux d’Endel ont rappelé au cours du procès que la structure livrée était initialement destinée à "l’embarquement de colis".
Tous ont demandé la relaxe de leurs clients et des huit salariés.