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Dossier médical informatisé

Publie le vendredi 17 septembre 2004 par Open-Publishing
3 commentaires


Le patient doit rester maître de son dossier ? Sur internet ?

de Martine Marchand

Je suis médecin généraliste, et je peux vous dire que même les médecins ne maîtriseront
rien du tout, car il n’est pas conçu, ni pour les médecins, ni pour les patients.
Voir les scandales financiers autour de ce projet.

Voir le grand scandale de l’éviction de la CNIL et le scandale de tout ceux qui
d’ores et déjà y ont droit d’accès. Le patient doit rester maître de son dossier
 ?

Combien de patients n’ont pas l’internet ? Combien ne l’auront jamais, vu ce qui s’y passe ?

Sur internet, quand on ne passe pas par la porte, on passe par la fenêtre, et si on y a mis des barreaux, on trouve toujours un soupirail, une lucarne. Et pas vu pas pris ! Sécurisation, patient maître de son dossier, tout cela n’est que de la poudre aux yeux, et par ici la monnaie pour des sociétés informatiques qui n’ont aucune compétence sociale ou médicale.

La "marchandise médecine" a un bel avenir ! Et par ici les informations pour les employeurs, les assureurs privés, les organismes de l’Etat que nos données médicales ne regardent pas. Il serait si simple, le patient étant maintenant propriétaire de son dossier, qu’il le présente lui-même aux médecins DE SON CHOIX.

Et tellement plus économique (ça, ça dépend pour qui !) Fichage, flicage inéluctable ? Je réponds à ceux qui me disent cela : "on ne pourra l’éviter, c’est le combat du pot de terre contre le pot de fer etc etc", qu’au moins, cela ne se fasse pas sur nos données de santé, et pas avec la complicité des médecins.

Mais voilà, les fichiers de la sécu sont très enviés et très recherchés, la Sécu en détient sur tous les citoyens de notre pays (pas la police !). Il n’y a plus qu’a peaufiner, et bonne lecture, messieurs. Nous serons tout nus sur le net, ça frise la pornographie.

Vous n’avez rien à déclarer ? Non docteur. Pas même un peu de tabagisme ? Un petit joint ? Pas de cholestérol ? Pas un petit "extra" sexuel ? Jurez-moi sur le Code de la Sécu que vous n’oubliez jamais votre pilule pour la tension ! Et vos triglycérides, mon Dieu, vous n’abuseriez pas du pinard, des fois, ou de la crème au beurre ? pas même un tout petit cancer "guéri" ? Vos chromosomes, il n’y en a pas un qui génétique de traviole ? OK, pouvez passer au remboursement pour cette fois, mais je vous ai à l’oeil mon gaillard !

C’est ça que vous voulez, des médecins obéissants et délateurs contre leur gré ? Et d’autant plus dangereux qu’on vous la jouera "relationnel" ? Vous voulez nous livrer aux prédateurs du net ?

Une donnée de santé, ce qu’on confie à son médecin parce qu’on sait que ça ne sortira pas du cabinet médical, il n’y a que nous qui pouvons dire que nous voulons que ça y reste, et ça nous regarde individuellement, c’est de NOTRE appréciation.

En lançant cette pétition, mais en disant : "renoncer à identifier le dossier médical par un numéro dérivé du numéro de sécurité sociale ; promouvoir un dispositif où le dossier médical informatisé correspond à des sous-dossiers distincts, par exemple en fonction des différents professionnels ou établissements interlocuteurs du patient ; établir des règles pour gérer ces sous-dossiers et faciliter la communication entre professionnels de santé, selon des droits d’accès et des échanges électroniques d’information respectant les volontés de chaque patient ; des dispositions particulières peuvent être prévues pour les situations d’urgence médicale."

Vous faites beaucoup de concessions et vous laisser la porte ouverte à l’application de ce projet.

Vous allez contribuer à détruire un des derniers bastion de l’humain, le colloque singulier et bien secret entre un médecin et son patient.

Et si c’était vraiment une bonne idée, une idée "pour notre bien", ils n’auraient pas besoin de nous faire ce chantage au remboursement. Il faut un "NON" total et massif.

Voir ici : http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=8378

Messages

  • à l’attention de Martine Marchand :
    dans un commentaire précédent, je déplorais que l’on donne la parole à une association (l’ADAS) que je qualifais d’ultra libérale. Vous aviez répondu fort justement rt ironiquement en soulignant que j’étais donc pour la censure.
    Je tiens à souligner mon erreur quand à la qualification (et de plus vous assurer que je suis opposé à la censure, sauf cas extrèmes)

    à propos de cet article
    extrèmement intéressant, édifiant, à diffuser largement.
    Il est à craindre que ce ne s’arrête pas là, et certains directeurs de Caisse font plus qu’accompagner le processus. Va-t-on transformer les agents des CPAM en flics ?

    Patrice Bardet, salarié de la Sécu

    • Merci, je suis soulagée que vous rectifiiez votre opinion sur nous. J’étais désolée car j’approuve vos actions.

      Je me bats contre l’appropriation par les syndicats de la défense de nos libertés, appropriation que je crains fort maintenant pour d’autres intérêts que les nôtres.

      Je me bats contre l’appropriation par la Sécu de la Solidarité Nationale, appropriation que je crains fort servir à présent d’autres intérêts que ceux de l’individu (à une Surveillance nationale ?), ce qui n’a pas toujours été le cas et donc nous aveugle.

      En France, pour être écouté, il faut être représentatif : normal, c’est la règle de la Démocratie. Mais quand les règles de la représentativité sont truquées, quand les sondages sont manipulés, quand les média sont censurés, bref, quand on opère des détournements de fonds des règles de la démocratie : comment se faire entendre ?

      Veuillez m’excuser si je suis souvent ironique, c’est mon arme du désespoir, du désespoir qu’on veuille se servir ainsi de la sécu, de la médecine et des médecins et maintenant, avec le dossier informatisé, de nos patients.

      Vous dîtes "Il est à craindre que ce ne s’arrête pas là, et certains directeurs de Caisse font plus qu’accompagner le processus". Je crois que vous avez compris notre peur. ce n’est d’ailleurs plus une peur, mais une certitude.

      Quant aux médecins spécialistes, il en est comme de toute la population, et comme dans toute la population, s’il y en a de pas très fréquentables, une grande majorité sont des gens sérieux, généreux et qui lancent de véritables appels de détresse sur les forums.

      Se déconventionner, c’est pas facile : on va perdre beaucoup d’argent, on va être accusé de prendre nos patients en otages, on va être mis au ban de la société, y compris de celle des confrères.
      Mais quelle arme me restait-il, quelle arme légale, j’entends, pour lutter contre ce qui se passe ?

      Aucun syndicat ne peut nous aider quand on en arrive là. On obéit ou on prend le maquis.

      "Mes" patients ne sont pas pris en otages par moi sur le plan financier, ils sont tous prévenus plutôt 10 fois qu’une des conséquences pour eux de mon déconventionnement. Et, excusez la trivilalité de ma devise, mais "je préfère être baisée que de risquer de baiser quelqu’un", donc, mes honoraires, puisqu’on reproche aux médecins l’appât du gain, ne sont pas bien honorables pour la Médecine ! Mais je me sens mal quand ces patients me disent "on ne peut changer de médecin, c’est avec vous qu’on est bien" car c’est d’une prise d’otage affective qu’il s’agit, et tant pis si le qualificatif semble trop fort, je n’en vois pas d’autre.

      Mais si il y a ce lien entre eux et moi, c’est aussi parce que je défends une médecine indépendante des pouvoirs. Donc, c’est un cercle vicieux, dont seuls les pouvoirs peuvent nous faire sortir en nous rendant notre indépendance sur toutes les taches qu’on veut nous obliger à faire et qui n’ont rien à voir avec une quelconque réponse à la souffrance de nos patients.

      Je me suis déconventionnée en espérant que notre combat pourrait aboutir à un autre partenariat sécu-médecine, car nous devrions travailler en bonne entente pour le bien des assurés sociaux quand ils sont malades.Et ce que je pense de notre indépendance n’a rien à voir avec une délirante liberté d’honoraires, comme on a voulu le faire croire.

      Je suis consciente que les soignants doivent collaborer avec tout le système de santé d’un pays, mais collaborer au sens noble du terme, pas l’autre sens !

      Martine Marchand

    • P.S

      Martine Marchand qui trouve "ultra-courageux" que, travaillant à la sécu, vous disiez "Va-t-on transformer les agents des CPAM en flics ?"
      Chapeau bas !