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Du noborder au g8

Publie le mercredi 28 mai 2003 par Open-Publishing

bonjour,
voici un texte de bilan et une réflexion critique sur la manière dont
a été assumé le suivi juridique du campement No Border à Strasbourg en
juillet 2002.
Je conseille vivement cette lecture, surtout juste avant Evian.

==============Original message text===============
il-legalteam@lalune.org
Date : Thu, 24 Apr 2003 10:54:26 +0000
Subject : [strasbourg-l] Experimentations

Strasbourg, champ d’expérience….
A propos des suites juridiques du camp No Border de Strasbourg. 19-28
juillet 2002

Le camp No Border à Strasbourg vous en avez entendu parler bien sûr ! Vous y
êtes même peut-être allés… Mais les suites, vous les connaissez ? Par
exemple au niveau juridique ?

Ce texte est écrit par des gens qui se sont occupés de l’il-legalteam, et
par quelques personnes solidaires, qui sont assez surpris et fatigués de se
retrouver à une poignée pour gérer les suites d’un camp qui a réunit près de
3000 personnes au total.
Commençons donc par un peu d’information concrète sur ces fameuses suites,
histoire d’avoir une base de discussion. Un premier inculpé a fait trois
mois de prison du mois d’août au mois d’octobre dont un mois à l’isolement.
Dix-sept personnes, pour protester contre cet isolement arbitraire et pour
obtenir un parloir, ont occupé une annexe administrative du ministère de la
justice. Les forces antiterroristes sont venues les arrêter, ils sont restés
une journée en prison et ont étés inculpés de séquestration : crime passible
de cinq ans de prison ferme. Le jugement final les a condamnés à 15 jours de
prison avec sursis pour violation de domicile ; deux procès successifs ayant
permis de lever l’accusation de séquestration. Trois personnes du collectif
qui se trouvaient aux abords de l’occupation ont étés interpellées
violemment par les flics qui les ont accusés de rébellion. Ils passent en
procès le 15 mai. Ensuite deux allemandes sont passées en procès le 25
février pour avoir volé et abîmé des drapeaux français et européen pendant
le camp. Elles ont reçu 1 mois avec sursis. La situation est similaire pour
le français qui est passé en procès le même jour, sous l’accusation d’avoir
transporté des armes alors qu’il ne s’agissait que d’outils servant au camp.
Ces trois personnes ont décidé de faire appel qui, d’après les avocats
n’aura lieu que d’ici un an. Enfin deux allemands sont passées en procès ce
28 février pour rébellion à agent, elles ont reçu dix jours avec sursis
ainsi qu’une amende. Ensuite un espagnol a été condamné pour port d’armes à
2 mois avec sursis.
Cette liste peut sembler fastidieuse : elle l’est. D’autant plus quand il
s’agit de s’en occuper concrètement. Les personnes de Strasbourg encore
actives, et celles de l’il-legalteam sont simplement fatiguées de gérer des
procès qui s’enchaînent sans pouvoir sortir d’une logique de gestion de la
répression du fait du faible nombre de personnes solidaires. A ce titre,
cette semaine de procès à Strasbourg est un excellent exemple. Il avait été
décidé lors des rencontres de débriefing à Freiburg de mettre en place une
semaine d’action reprenant la thématique du contrôle social. Des affiches
ont été produites. Or, mis à part le collectif anti-expulsion de Paris et
des personnes de Strasbourg, aucune action n’a été relevée. La plupart des
inculpés durant cette semaine de procès sont des Allemands, mais aucune
initiative n’est venue d’Allemagne.
A cette gestion relativement lourde et à cet isolement se rajoute une
répression touchant les personnes mettant en pratique une solidarité active
 : l’Etat n’a de cesse de criminaliser tout ce qui est étiqueté No Border.
(cf. les 17 personnes inculpées de séquestration pour une simple
occupation). Il ne faut ainsi pas oublier le contexte français où l’Etat
suit une logique de plus en plus sécuritaire d’une part ; le ministre de
l’intérieur promulgue de nouvelles lois " sur la sécurité intérieure "
particulièrement abjectes, et d’autre part tente de mettre sur la touche
toute contestation qui se refuse à rentrer dans son cadre de compromis et de
négociation. La tension psychologique est donc extrêmement forte du fait de
la répression et de l’isolement : la solidarité tant locale
qu’internationale est quasi inexistante !
La critique formulée par ce texte se dirige bien sûr contre celles et ceux
qui sont venus " consommer " Strasbourg, mais également par rapport aux
personnes qui ont lancé l’idée du camp, qui ont organisé le camp, mais qui
ne semblent pas se soucier des conséquences que le camp a pu avoir sur la
vie des personnes inculpées, et sur la réalité politique locale de
Strasbourg. En effet, au lieu d’avoir crée une dynamique positive pour les
personnes actives sur la ville, un climat de lassitude et de tension s’est
instauré. Cette question des suites se pose aussi par rapport à toutes les
personnes qui se réfèrent à Strasbourg pour d’éventuels futurs camps ou
contre-sommets, comme les villages contre le G8 à Évian.

Mais ce texte n’a pas pour simple objet une culpabilisation des individus
venus à Strasbourg, il est une tentative de mettre en lumière les raisons de
cette démobilisation. En effet, au-delà d’une question de responsabilité
individuelle, il nous semble que ce sont également les structures du camp,
ou plutôt les non-structures du camp, qui ont créé cet état de fait : le
problème des suites du camp ne semble pas avoir été pensé dans la
préparation du camp lui-même. De fait après la dissolution et l’exode du
camp, c’est un peu par hasard que certaines personnes se sont retrouvées en
charge de la solidarité avec les inculpés, soit parce qu’elles habitaient
Strasbourg, soit parce qu’elles étaient entrées en contact avec la
legalteam. Mais il s’est agit toujours de logiques individuelles, jamais le
problème de la solidarité n’a été pris en considération et pensé d’une
manière collective.
Ce problème des structures s’est d’ailleurs posé pendant le camp lui-même.
Du fait qu’elle était un des seuls groupe à fonctionner de manière claire,
beaucoup de participants au camp se sont référés à la legalteam pour des
problèmes dépassant clairement le simple cadre juridique, ainsi des
personnes sont venues nous demander ce qu’elles devaient faire… De fait, dès
le camp, la legalteam s’est retrouvée à devoir combler un vide, créé en
partie par l’échec du modèle des barrios. Ce rôle n’a fait que continuer
après la dissolution. Si Strasbourg peut être considéré comme un champ
d’expérience pour une tentative d’organisation non autoritaire, alors il est
clair que le modèle est perfectible ! Notamment sur un point essentiel. A
partir du moment où des structures explicites ne sont pas en place, se
recréent des pôles de pouvoir implicites qui permettent tout sauf une
gestion collective non autoritaire… Maintenant il est vrai que la question
de savoir quelles structures, reste complètement ouverte.
Discuter de cette question profondément n’est pas l’objet de ce texte, mais
au-delà des choix futurs qui seront fait, il faut bien voir que certaines
tâches ne peuvent pas être directement traitées et résolues par une
assemblée générale qui se dissout aussi vite qu’elle s’est mise en place.
Ainsi, par exemple, sur le travail juridique. Il ne s’agit pas ici non plus
de plaider pour des commissions de spécialistes. Mais bien de voir comment
il serait possible de mettre en place des groupes chargés de certaines
tâches tout en gardant des relais importants avec le reste des personnes du
campement, que ce soit pendant ou même APRÈS le camp. En fait, il semble que
ce soit surtout sur les relations et les transmissions d’informations entre
les différentes structures qu’il faille retravailler. Là encore, il semble
que ce genre de question se doit d’être posée dès la préparation. Par
exemple, il serait bien que les groupes impliqués dans la préparation du
camp, s’engagent aussi sur les suites du camp de façon concrète, notamment
au niveau juridique, à suivre les informations, à les relayer, et à mettre
en place des actions de solidarité. Ceci suppose la mise en place d’un
réseau d’échange d’informations un peu plus clair et précis qu’une simple
liste Internet, avec éventuellement des personnes relais clairement
désignées.
Pour finir, il est malgrè tout fort dommage que le camp de Strasbourg
n’existe plus que du fait des suites juridiques. Nous faut-il remercier la
répression de nous avoir donné de quoi alimenter une dynamique, aussi petite
soit-elle, qui sinon aurait dépérit ? Ceci est surtout dommageable quand on
pense que Strasbourg avait la spécificité de vouloir créer au niveau
européen une dynamique autour des questions de politiques migratoires. Or
nous ne sommes même pas capables d’assurer le minimum, à savoir la
solidarité avec les inculpés. Il aurait été cependant possible d’utiliser
les procès pour recréer une dynamique autour des thématiques du camps comme
par exemple sur le contrôle social ou le SIS, encore aurait-il fallu que les
engagements pris à Freiburg sur la semaine d’action en février soient
respectés.

Quelques personnes engagées dans le travail antirépressif
suite au camp no border de Strasbourg