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Explosion de Cadarache : 16 ans pour connaitre la vérité

Publie le mercredi 16 septembre 2009 par Open-Publishing

LA MARSEILLAISE
Magie noire et… phénomène inattendu
15-09-2009

Justice. Après 16 ans de bataille de procédures, le CEA s’explique sur l’explosion mortelle d’une cuve de Rapsodie.

Il aura fallu seize années pour qu’enfin soient évoquées en audience publique les circonstances de l’explosion mortelle survenue en 1994 sur une installation nucléaire en cours de démantèlement à Cadarache. Tout procède d’une « magie noire » dans ce « dossier bouché » en butte à une « justice paralysée », s’était indigné Me Olivier Lantelme, l’avocat de Claudette Allègre, l’épouse de l’ingénieur décédé.
« Pourquoi et comment aucune poursuite n’a été lancée par les autorités judiciaires alors que les charges sont accablantes à chaque page de ce dossier ? », a longuement lancé Me Olivier Lantelme jeté dans ce feuilleton judiciaire axé sur une ordonnance de non lieu rendue le 13 juillet 2005 après 11 années d’instruction… Les expertises pointaient pourtant un « processus chimique insuffisamment maîtrisé », des lacunes dans la conduite des opérations, des réglementations non respectées, des défaillances institutionnelles.

« Aucun appel téléphonique de la Chancellerie ! »

« On n’a jamais vu ça en terme procédural », s’exclamait Me Serge Mimran, ajoutant : « 16 ans que cette affaire dure ! Il n’y a pas de fautes plus caractérisées que dans cette affaire, et d’une ampleur telle qu’il faut qu’elles soient sanctionnées. »
Devant ces obstructions, la veuve de l’ingénieur, deux des quatre blessés et l’Union fédérale des Syndicats du nucléaire CFDT avaient fini par citer directement le CEA à comparaître pour contourner le « non lieu ». Le 12 novembre 2008, la Cour de Cassation jugeait enfin leur requête recevable. Pourtant cela n’a pas privé hier l’avocat général Yves Granger de requérir à nouveau l’irrecevabilité des parties civiles, sur la foi d’un arrêt de cassation plus récent. Raillant la « paranoïa » des parties civiles, il se défendait d’avoir cédé à quelque pression d’Etat : « On me reproche de faire du blocage. (..) Je n’ai jamais reçu d’appel téléphonique de la Chancellerie. J’ai suffisamment d’indépendance. »
Après ce pugilat procédural, le président et les conseillers de la 7e chambre des appels correctionnels d’Aix-en-Provence choisissaient de différer leur réponse sur la recevabilité pour enfin ouvrir les débats au fond.

« La pression s’est mise à monter. Il a éclaté »

Renvoyé pour homicide involontaire et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité, le Commissariat à l’énergie atomique a dû sortir de son silence. Son représentant, Thierry De Bruyne, a dû longuement détailler les circonstances de l’explosion de la cuve « RENA 302 » où une flaque résiduelle de 100 kilos de sodium radioactif devait être dissoute avec de l’alcool. Le réacteur nucléaire expérimental Rapsodie était à l’arrêt depuis 1983 et en cours de démantèlement.
Après 8 lavages identiques réussis en Allemagne et en France, l’opération de dissolution est lancée malgré la survenance d’un fait inquiétant : « Nous avions constaté une montée inattendue, lente et progressive de température et de pression », indique Thierry De Bruyne qui ajoute : « Pendant les deux premières journées tout s’est passé normalement. Nous avions déjà ajouté plus de 1 000 litres d’alcool. (…) Brutalement vers la fin, un phénomène inattendu, inconnu est survenu. La pression s’est mise à monter. Une pression tellement subite que personne n’a pu réagir. Le réservoir a éclaté. Il nous a fallu 5 ans et 10 laboratoires pour comprendre que du méthane s’était formé sur la décomposition de l’alcool et dans des conditions qu’on ne connaissait pas. On ne le savait pas à ces températures. »
Silencieuse et digne, Claudette a écouté, à peine soulagée que le voile du mépris se lève sur les 13 tomes de dossiers de son mari.
Suite des débats aujourd’hui avec la déposition des experts cités par le président Bernard Germain.

DAVID COQUILLE