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Hommage à François TERRASSON

Publie le lundi 16 janvier 2006 par Open-Publishing

François TERRASSON nous a quitté le 3 janvier et il repose désormais dans sa forêt du Tronçay .

Il ne sont pas légion les écologistes au franc parler et à l’engagement total pour la nature qui ont lutté pendant les années de la folle croissance .

Ami(e), si tu te promènes en campagne et que tu croises un bel arbre ou que tu observes une marre verte pleine de vie, souviens toi de François, il fût des nôtres ... il était devant !

jm

 à lire absolument : La peur de la nature ( Sang de la terre 1998 )

Commentaire

Une prise de conscience salutaire...
1992, la Convention de Rio signe avec l’Agenda 21 (1), un ensemble de recommandations concrètes pour le 21ème siècle, qui incite notamment à une meilleure protection et éducation à l’environnement.

Cette reconnaissance internationale de la détérioration implicite de la nature par l’homme, et de l’importance de sa sauvegarde, reste 10 ans plus tard et malgré quelques réussites, marquée de beaucoup de déceptions... et d’ambiguïtés.

Par exemple, la France, pays pourtant réputée pour être un des plus soucieux de la protection de son environnement, est le troisième état au monde pour sa consommation de pesticides (responsables de la pollution de 94 % des cours d’eaux nationaux). Au sud, la réserve naturelle de Camargue, endroit le mieux protégé, voit pourtant 500 hectares disparaître chaque année au profit de l’agriculture, du tourisme, des infrastructures.

À l’heure où de lourdes menaces pèsent sur notre environnement et ou les certitudes scientifiques s’accumulent, il semble que l’homme soit incapable de protéger son bien le plus précieux : sa planète. Qu’elle en est la raison profonde ?

...Bloquée par une peur ancestrale
Au-delà des causes économiques, politiques, culturelles, sociales, qui rendent ardue la protection de la nature, il en est une, beaucoup plus cachée, insaisissable et sourde qui prévaut sur toutes les autres : l’homme occidental, maître économique actuel de la planète, a peur de la nature... et de sa part d’animalité.

Le livre de François Terrasson met remarquablement en lumière ce triste constat, responsable majeur de nos problèmes. Il nous entraîne à la découverte de nous même, sur un chemin humide et obscur, nimbé de brouillard, semblant mener nulle part, accompagné par des bruits assourdis et mystérieux... La conscience abdique. Qui sommes-nous vraiment ?

Qu’est ce que la nature ?
S’il est difficile de donner une définition de la nature qui satisfasse tout le monde, il reste un constat : ce mot, abstrait entre tous existe dans néanmoins toutes les langues ! Pour l’auteur, la nature, c’est ce qui existe en dehors de toute action de la part de l’homme, et qui ne dépend pas de sa volonté...

La nature à ses propres lois et mœurs : la mort est d’abord le processus d’une transformation, la vie grouille, même sous une simple pierre.

Mais l’homme moderne ne comprend plus ces forces mystérieuses, leur interaction : la mort est devenue tragédie, la vie organique menaçante (les insecticides, anti-bactériens, sont là pour en témoigner).

Rupture
Dans le passé, en Europe, le berger était un personnage à part. À la fois craint et respecté, il pouvait passer des semaines entières en solitaire dans la nature avec son troupeau : n’était-il pas un peu sorcier avec sa connaissances des simples et d’onguents à usages troubles... Les sorcières, accusées de forniquer avec le diable, étaient poursuivies impitoyablement. Ce même diable, qui, comme par hasard, est pourvu dans l’imagination populaire d’une queue et de cornes, comme un animal. Il vit sous terre, dans les flammes. Un parfait symbole de notre émotivité inconsciente, et refoulée...

Aujourd’hui, ces craintes se manifestent autrement. Nous constatons ainsi au fil des pages que nos créations - champs agricoles dénudés s’étendant fièrement à l’infini, autoroutes en ligne droite, grands immeubles de verre et de métal s’élevant dignement dans le ciel - ont toutes un point commun : elles célèbrent, par leur artificialité, le reniement de la nature, et sa domination, le rejet de la courbe, de l’organique.

Cette séparation radicale d’avec nos origines a introduit une vision particulière de l’existence : le ciel n’est pas la terre, l’émotif n’est pas le rationnel, la nature et la culture sont deux choses bien différentes. Idem le féminin et le masculin. Qui l’emporte à chaque fois aujourd’hui ?

Pour ne pas comprendre et accepter cette part indéniable d’animalité qui est aussi en nous, génératrice d’émotions fortes et de pulsions mal refoulées, beaucoup se retrouvent couchés sur le divan du psychanalyste...

Détruire ou maîtriser
De nos jours nous vivons apparemment un grand progrès : la nature est dorénavant protégée, nous dit-on. Vraiment ?

La création des parcs nationaux, par exemple, n’est pas exempt d’un comportement trouble : au delà de leur protection, c’est l’apartheid de la nature qui est célébré ; qui dit réserve dit non-réserve, ces vastes espaces quotidiens où nous vivons, noyés sous le béton et le métal.

À l’intérieur des parcs mêmes, le surbalisage de certains sentiers démontre aussi que ce n’est pas le risque réel de se perdre qui est traité, mais seulement celui de quitter les repères sociaux et d’entrer alors dans le domaine de la pensée instinctive. L’homme moderne ne se relâche jamais vraiment...

Les « passeurs » déchus
Mais posons-nous la question : ce rapport avec la nature est il naturel, ou entretenu socialement au sein d’une société ? Dans les sociétés traditionnelles, le shaman, personnage clé de la communauté, a la charge vitale d’établir et maintenir un passage, un contact avec « l’autre coté » : c’est lui qui décide véritablement à l’aide de rites, de traditions, de la place de l’homme dans son environnement.

En Occident, les druides, sorciers, guérisseurs, bergers, pasteurs, ont su tenir un temps ce rôle, avant d’être balayés par la modernité.

Il est dommage que le livre ne s’attarde pas plus sur cet aspect essentiel de la culture occidentale : une des caractéristiques premières de la modernité est la notion de suprématie de l’homme sur la nature, ainsi désacralisée. Ces convictions typiquement occidentales, sont le fruit d’une longue évolution, entamée dans l’antiquité grecque, poursuivie par la religion chrétienne, accélérée au siècle des lumières pour finalement donner le jour à la révolution industrielle du siècle dernier, et aux crises environnementales d’aujourd’hui. (2)

Conclusion : des certitudes et émotions ambivalentes
L’homme moderne n’en est plus à une contradiction près : il pense être le chef-d’œuvre de la nature, mais refuse d’être perçu comme lié à elle. Il a fait Dieu à son image, et veut créer de la vie sur Mars, alors qu’il la détruit chez lui.

En se détachant de la nature, en déniant sa part d’animalité, la civilisation moderne a pris le risque de ne plus la comprendre : les dysfonctionnement de la science (pollution, vache folle), révèlent à leur manière cette profonde rupture.

Partez à la découverte de votre part de nature, et osez parcourir ce livre comme un chemin pouvant mener bien plus loin que vous ne pensez...

http://www.econovateur.com/rubriques/gril/lre010402.shtml