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Icade : le logement social spolié de 2 milliards !

Publie le vendredi 8 janvier 2010 par Open-Publishing

Source : "Les mots ont un sens" (Napakatbra)

Article : "Icade : Le logement social pris au piège du CAC 40"

La plus grosse opération immobilière locative jamais réalisée en France fait perdre plus de 2 milliards d’euros au secteur du logement social. Les spéculateurs sabrent le champagne... dans l’indifférence générale. Une comédie dramatique en trois actes.

Acte I : Pendant une cinquantaine d’années, la SCIC (Société Centrale Immobilière de la Caisse des dépôts et consignations) a constitué le plus gros bailleur social du pays, contrôlé par l’Etat via la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Sous sa houlette, plus de 40 000 logements à loyers modérés ont été financés notamment grâce aux fonds sociaux : livret A, prêts du Crédit foncier, "1% logement" et contributions des collectivités locales (terrains offerts, aménagements payés...). Aujourd’hui, tous ces programmes sont largement amortis.

HLM, version CAC 40

Acte II : Introduite en bourse en 2006, Icade (nouveau nom de la SCIC) change de cap. Elle se déleste désormais de ses logements sociaux pour se concentrer sur l’immobilier commercial et les cliniques privées, secteur bien plus sexy, spéculativement parlant. Dans son bilan de l’année 2006, Icade évaluait son patrimoine locatif de 42.000 logements à 1,4 milliard d’euros. Fin 2008, comme par miracle, son parc de 32.000 logements (10.000 ont été vendus entre-temps) était estimé à... 2,9 milliards d’euros. +120% en trois ans pour des logements vétustes et mal entretenus, un placement en or !

Secret dépense

Acte III : En novembre 2009, dans la plus grande opacité, sans appel d’offres ni publicité (même les membres du Conseil d’administration de la pépite immobilière étaient tenus dans l’ignorance), un protocole d’accord est signé entre Icade et la Société nationale immobilière (SNI), autre filiale de la Caisse des dépôts contrainte de s’endetter jusqu’au cou pour l’occasion. Plus de 24.000 logements sociaux vont ainsi changer de mains, et parfois de statuts. Il s’agit ni plus ni moins que de la plus grosse opération immobilière locative jamais réalisée en France. Le montant de la vente reste secret mais il est évalué entre 1,65 et 1,95 milliard d’euros, selon que vous lisez Le Monde ou Mediapart, les deux seuls canards à s’intéresser à l’affaire.

Icade, c’est plus fort qu’un toit

C’en est donc fait. 42 000 toits financés par les fonds du logement social (et amplement amortis) seront rachetés par... des organismes de logements sociaux. Le deuxième effet Kiss Cool. Aux frais du contribuable. Et au profit des investisseurs privés constituant 37% de l’actionnariat d’Icade. Tout cela sans passer par la case "impôts" ; Icade étant une SIIC, elle en est exonérée si elle redistribue au moins 50% de ses bénéfices aux actionnaires, ce qui ne manquera pas d’arriver.

Pile et farce

D’un côté, Icade a réalisé une opération boursière idéale : rémunérer ses actionnaires au prix fort, faire monter le cours de son action et dégager du cash pour investir dans des activités plus efficaces, le tertiaire en l’occurrence. Au passage, les manitous de l’entreprise se gargarisent de stock-options et Jean-Marie Messier aura touché 3 millions d’euros pour ses bons conseils. Ça fait peur... De l’autre côté, le monde HLM paie une deuxième fois pour des logements initialement bâtis grâce à des fonds publics. L’opération va en outre aspirer les crédits dédiés aux budgets "construction" ou "rénovation". Les locataires attendront... Et s’ils veulent se plaindre, ils n’ont qu’à devenir actionnaires !

Des recours ont été portés devant le tribunal administratif, pour que le parc de logement soit déclaré d’utilité publique en vue de son reconventionnement (qu’il a perdu dans les années 2000). Mais celui-ci a refusé, au motif qu’il s’agirait d’une "atteinte à la propriété privée". Intéressant, pour des logements financés par des fonds publics... En 2000, la gauche a aussi essayé de leur attribuer le label HLM ad vitam aeternam. Mais la disposition, inscrite dans la loi "solidarité et renouvellement urbains" (SRU), a été invalidée par le Conseil constitutionnel.

Un "scandale d’Etat" ? Quel scandale ?

Puisque personne n’en parle... Ou si peu. En réalité, quelques élus se sont plaints, l’année dernière, à l’instar de Philippe Laurent, maire divers droite de Sceaux, qui a évoqué un "scandale d’Etat". Mais les rebelles se sont vite assagis, lorsqu’on a appris que la perte des communes liée à la suppression de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) due au reclassement "social" des logements concernés serait compensée presque intégralement par l’Etat.

"S’il y avait un impôt sur la connerie, l’état s’autofinancerait" disait Coluche. Une idée... ?