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Intermittents : ultime sursis avant le grand tri

Publie le mercredi 5 mai 2004 par Open-Publishing

Le ministre de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres, devait annoncer,
mercredi 5 mai, un retour au système antérieur pour les intermittents les plus fragiles. Un groupe de
travail précisera, d’ici à la mi-juin, les métiers qui doivent sortir de ce régime de l’Unedic.

Revenir de façon provisoire au système antérieur pour les intermittents les plus fragiles tout en
prévoyant, dans les mois qui viennent, une réforme de fond du champ d’application de
l’intermittence : tel est l’esprit des "propositions pour l’emploi dans le spectacle vivant, le cinéma et
l’audiovisuel" que le ministre de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres, devait
présenter lors d’une conférence, mercredi 5 mai, en fin de matinée. Pour apaiser le conflit, le
gouvernement a décidé de venir en aide aux intermittents les plus fragiles, qui risquent d’être
exclus ou le sont déjà du dispositif entré en vigueur le 31 décembre 2003. Ils devront accomplir leurs
507 heures de travail, non plus en onze mois, comme le prévoit le nouveau protocole, mais en
douze, comme le prévoyait l’ancien texte. Pour éviter que cette mesure alourdisse le déficit de
l’Unedic, le gouvernement créera, à titre provisoire, un "fonds" : géré par l’Unedic, il permettra, selon
des critères de ressources, d’ouvrir des droits à ceux qui satisfont aux conditions de l’ancien
dispositif.

Dans un délai d’un mois, Michel Lagrave, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes et
ancien directeur de la Sécurité sociale, sera chargé d’organiser le financement et le fonctionnement
de ce fonds - notamment les critères de ressources pour y accéder - "après concertation" avec les
partenaires sociaux, les représentants des professions et les collectivités locales. L’Etat "est
prêt" à contribuer à ce fonds à hauteur de 20 millions d’euros. Il s’agit de gérer les situations
les plus préoccupantes en attendant la renégociation des accords Unedic, d’ici fin 2005.
Par ailleurs, le ministre invite les partenaires sociaux à répondre aux revendications concernant
la prise en compte des heures de formation dans le calcul des 507 heures, "d’ici fin 2004", et,
"sans attendre", de faire droit aux revendications des femmes enceintes et des personnes en congé
maladie fortement pénalisées par le nouveau système.

Après les fleurs, l’épine : à plus long terme, le gouvernement entend redéfinir le champ, "trop
large", des métiers éligibles aux annexes 8 et 10 de l’Unedic, un système unique en Europe qui
permet à des artistes et à des techniciens du spectacle de bénéficier d’un système d’indemnisation plus
favorable que le régime général.
NOUVEAU PÉRIMÈTRE
M. Donnedieu de Vabres va demander à Jacques Charpillon, chef de service de l’inspection générale
des affaires culturelles, de constituer "immédiatement" un groupe de travail avec les partenaires
sociaux et de proposer "d’ici le 15 juin" - soit trois semaines avant le festival d’Avignon - un
nouveau périmètre pour ces annexes qui s’appliquent aujourd’hui à plus de 600 professions. Si les
travaux n’aboutissent pas, le gouvernement proposera sa propre définition.

C’est sans doute le dossier le plus sensible à gérer dans les mois qui viennent : la liste des
métiers qui relèvent de l’intermittence n’a cessé de s’allonger depuis la création du système, en
1969. Aujourd’hui, les plus gros employeurs ne sont pas situés dans le spectacle vivant mais dans le
secteur audiovisuel : il s’agit, par ordre décroissant, de France 3, Radio France, France 2,
l’Opéra de Paris, Europa Corp de Luc Besson, TF1 (Le Monde du 23 juillet 2003).
Outre les abus, comme l’emploi à plein temps d’un assistant sous le régime de l’intermittence -
qualifié de "permittent" -, la question est de savoir si certains métiers, tout en étant ponctuels
dans le temps, doivent relever des annexes 8 et 10. Des activités très variables sont concernés :
le menuisier qui travaille sur un plateau, le cameraman d’une chaîne de télévision, ou encore
l’employé d’un parc de loisir... L’enjeu est de transférer certains métiers dans l’annexe 4 des
intérimaires.

Le sujet - explosif - est depuis longtemps exploré, et balisé, mais n’a jamais été tranché,
faute de consensus.
Par ailleurs, un plan de soutien en faveur du spectacle vivant va être lancé, dans lequel l’Etat
versera 30 millions d’euros. Jérôme Bouët, directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des
spectacles au ministère de la culture, va engager une concertation avec les partenaires sociaux,
en liaison avec les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), pour constituer ce plan,
dont les grandes lignes devront être élaborées avant la fin du mois de juin.
UN ACCORD DE FORMATION
Pour renforcer la lutte contre les fraudes, le gouvernement entend "soumettre tous les
financements publics" (aides, subventions) aux conditions d’emploi et à la régularité du recours à
l’intermittence. Les entreprises qui recourent à la sous-traitance - notamment dans le secteur audiovisuel -
ne seront pas épargnées puisque, dans ce cas, "la responsabilité sera assumée par le donneur
d’ordre". Le dispositif législatif et réglementaire déjà mis en place doit être achevé d’ici à la fin
de l’année afin d’améliorer la collaboration entre l’Urssaf, l’inspection du travail et les
Assedic.

Le ministre de la culture compte sur la "détermination sans faille" de son collègue chargé de la
cohésion sociale, Jean-Louis Borloo.
Pour que l’entrée des jeunes dans le régime de l’intermittence soit moins "anarchique" et
"aléatoire", M. Donnedieu de Vabres "presse" les partenaires sociaux de négocier un accord de formation
professionnelle qui garantisse aux jeunes une "qualification", un "statut" et "une rémunération qui
ne soit pas celle de l’intermittence". Concrètement, à l’avenir, le gouvernement estime que ce
n’est pas à l’Unedic de financer, via les indemnités, l’entrée des jeunes dans l’intermittence, mais
à la formation professionnelle et aux régions de le faire. La récente loi de décentralisation a
d’ailleurs accru leurs responsabilités en la matière.
Jeudi 6 mai, M. Donnedieu de Vabres devait recevoir, un à un, les partenaires sociaux. Le 7 juin,
le ministre convoquera, sous sa présidence, le Conseil national des professions du spectacle
(CNPS) - qui s’est déjà réuni le 19 avril - pour faire un premier compte rendu des avancées qui auront,
espère-t-il, déjà eu lieu.

En lien avec le CNPS, un débat national sur les perspectives de
l’emploi culturel en France aura lieu. Il servira de base à un débat d’orientation à l’automne, au
Parlement. Le gouvernement veut désormais éviter que le débat ait lieu "dans la rue".

Le Monde