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Jugé pour s’être opposé à une expulsion

Publie le vendredi 26 mars 2004 par Open-Publishing

Le procès est reporté au 3 NOVEMBRE 04 à Bobigny

DE SON DEPART pour Kinshasa, Marc Sévenier, domicilié depuis près de
quarante ans à Sartrouville, se souviendra longtemps. Poursuivi avec un ami
chorégraphe pour « incitation à la rébellion et outrage envers des personnes
chargées d’une mission de service public », il doit être jugé aujourd’hui, à
13 heures, par le tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). En
clair, il lui est reproché de s’être opposé le samedi 31 janvier à
l’expulsion d’un ressortissant congolais embarqué sur un avion à destination
du Congo-Kinshasa.

Le jour des faits, cet intermittent du spectacle âgé de 57 ans est
tranquillement calé dans son siège du vol Air France AF 898 en partance pour
la capitale de la République démocratique du Congo. L’avion n’a pas encore
décollé qu’un cri fuse à l’arrière de l’appareil. Un ressortissant Congolais
encadré par trois policiers vient d’être monté à bord, menottes aux poignets
et aux chevilles. Ses entraves le blessent et il s’en plaint. « Ça a été la
seule manifestation de mécontentement de cette personne », tient à préciser
Marc Sévenier qui, à ce moment-là ne s’est pas manifesté.

« J’ai demandé à ce qu’on règle une fois pour toutes cette histoire » Mais
les réactions des passagers, pour la grande majorité congolais, ne tardent
pas. « Plusieurs personnes se sont émues de sa condition et ont juste
réclamé qu’il soit traité comme un être humain, ajoute le technicien de
spectacle. Une femme a lancé : Vous n’avez pas le droit de faire voyager cet
homme ficelé comme un cochon ! » Selon les déclarations de Marc Sévenier, le
commandant de bord intervient à son tour pour s’opposer à l’expulsion du
clandestin ainsi entravé.

Une longue négociation s’ensuit. Plusieurs
passagers s’impatientent. Le commandant de bord repart dans son cockpit puis
revient. Sans résultat. Après deux heures d’attente, la colère gronde.
C’est là que j’ai demandé à ce qu’on règle une fois pour toutes cette
histoire, témoigne Marc Sévenier. Soit les policiers redescendaient avec
leur prisonnier, soit ils le libéraient de ses menottes et nous pouvions
décoller. » Une brève altercation oppose ensuite l’intermittent du spectacle
et un fonctionnaire. « Il m’a rétorqué que ce genre de discours du XVI e
arrondissement était dangereux. Je lui ai alors répondu que j’habitais une
banlieue ouvrière », rapporte le Sartrouvillois.

Les policiers décident de
redescendre avec l’expulsé. Mais quelques minutes plus tard, quinze
policiers reviennent chercher celui qu’ils désignent comme rebelle.
En garde à vue pendant six heures « Sur le coup, je n’ai pas compris. Ils
m’ont demandé de les suivre, précise encore Marc Sévenier. Je me suis braqué
sur mon siège et ils m’ont emmené de force. » Dans l’empoignade, il perd ses
chaussures et se voit conduit avec son ami chorégraphe et une autre
passagère au commissariat de Roissy. « Mon ami n’a absolument rien dit. Il a
simplement demandé ce qui se passait aux policiers venus me chercher. »
Placé en garde à vue pendant six heures, un officier lui rapporte les propos
qu’il aurait tenus dans l’avion.

« Il m’a expliqué qu’on me reprochait
d’avoir dit : Sarko facho, la police dehors ! Je lui ai simplement expliqué
que je n’avais jamais prononcé ces mots. » Trois jours plus tard, Marc
Sévenier partira finalement pour Kinshasa. « Pour la petite histoire, une
jeune femme en procédure d’expulsion se trouvait à bord, mais sans menottes.
Le voyage s’est déroulé sans encombres, relate-t-il. Pour mon procès, je ne
m’attends pas à une clémence particulière de la justice. Je voudrais
simplement comprendre... »

Le Parisien