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L’honneur de la police disputé au tribunal

Publie le vendredi 24 octobre 2003 par Open-Publishing

L’honneur de la police disputé au tribunal

Débats de qualité après une plainte pour diffamation lancée par Sarkozy.

Par Marc PIVOIS

vendredi 24 octobre 2003

Quand Nicolas Sarkozy, qui, en mai 2002, vient d’être nommé ministre de
l’Intérieur, a lu ce tract, son sang de tout nouveau « premier flic de
France » n’a fait qu’un tour. « La BAC tue encore, la justice couvre
toujours. » Il signe aussitôt une plainte au nom de la police, qu’il estime
atteinte dans son honneur.

Sit-in. Hier, les trois responsables de trois associations signataires du
tract se retrouvaient au tribunal de Melun. La première est nationale : le
MIB (Mouvement de l’immigration et des banlieues) est né dans les années 90,
radicalement à la gauche de SOS Racisme. Bouge qui bouge a été créé en 1997
à Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne), après la mort de Khader Bouziane lors
d’une course-poursuite avec des policiers. H2B (Honoré de Balzac) a été créé
quelque temps plus tôt pour une affaire similaire, à Melun. Quand, les 21 et
23 mai 2002, deux autres jeu nes hommes sont tués à l’issue d’incidents avec
la police locale, chacun s’attend à la reprise d’émeutes au moins aussi
violentes qu’en 1997 dans le quartier de la Plaine du Lys. Ce ne sera pas le
cas : des défilés, des sit-in, des manifestations religieuses et politiques,
mais de voiture brûlée : pas une ! Le mouvement reste pacifique.

Pas de voiture brûlée, mais des mots. « Des mots revolvers, peut-être, mais
de simples mots », dira l’avocate de Bouge qui bouge, Nicole
Prévost-Bobillot. « Oui, je revendique ce tract, oui, j’accuse les brigades
anticriminalité d’avoir tué un tas de jeunes. Oui, ces meurtres ne sont pas
punis, pas plus que ceux du 17 octobre 1961 ne l’ont été », affirme Mobdeb
Bounabi, de H2B, qui veut « faire avancer la vérité » parce que « nous sommes
les enfants de la République qu’on a eu la chance d’aller à l’école de la
République ». A son tour, Tarek Kawtari, du MIB, rappelle le contexte dans
lequel ce tract a été rédigé : « On s’est réuni en se disant "soit on agit
politiquement et avec responsabilité, soit on laisse faire les jeunes et il
y aura 150 voitures brûlées". Ce que dit ce tract, c’est que nous voulions
connaître la vérité sur la mort de ces jeunes. »

Hier, à Melun, quelque chose avait changé au tribunal où les affaires
d’outrage, de rébellion et de diffamation envers la police étaient devenues
une spécialité. Avec chaque fois, de lourdes condamnations. Pas de présence
policière massive comme à l’accoutumée. Explication. Et surtout un ton
radicalement nouveau. Le procureur de la République a longuement expliqué
pourquoi l’enquête sur la mort d’un des jeunes avait conduit à un non-lieu.
Et il a invité la salle, comble, à poser des questions. Elles furent posées,
il y fut répondu. Courtoisement, de part et d’autre. « Dans ce tract, le
droit d’expression n’est pas en cause, mais la démocratie impose le respect
des autres. Il y a bien diffamation. » Il demande que chacun des prévenus
soit condamné à 500 euros d’amende.