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de Michel Onfray
Bien que scie philosophique (wébérienne) l’habituelle opposition entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité permet de clarifier plus d’un débat. Les cyniques se réclament de la seconde et rient de la première ; les ingénus pratiquent à rebours. Un philosophe digne de ce nom gagne à tenir ces deux instances pour des forces également nécessaires. Giorgio Agamben, un philosophe italien qui compte en Europe, a récemment illustré dans un journal la position naïve qui déclenche si souvent le rire de la servante Thrace.
Le philosophe pique une colère contre la biométrie. Premier reproche : elle crée un soupçon généralisé et nous transforme tous en criminels virtuels. Oui, et alors ? Sauf pour l’irénique un peu niais ou l’angélique demeuré, sinon le philosophe accroc à l’éthique de conviction contestataire, nous sommes tous des délinquants potentiels.
Demandez à Monsieur de La Palisse : avant son forfait, tout criminel commence par être innocent ! Je suis un délinquant virtuel et, tant qu’on ne me traite pas en délinquant réel, la suspicion à mon endroit ne me gène pas de la part de gens dont le métier est de suspecter le quidam pour l’intérêt général et le bien public, et non par pur caprice.
Second reproche : la biométrie agit en prémices d’une société totalitaire. Agamben active souvent le paradigme nazi dans son oeuvre pour penser la cité. Ainsi fait-il du camp la matrice de toute politique. Or, souvenons nous l’usage de la photo d’identité dans l’économie de la Shoah... Dès lors tremblons pour la dangerosité virtuelle de la biométrie en nos temps dépolitisés ! Penser par analogie est toujours périlleux. Car en regard d’une pareille démonstration, informés des logiques du système concentrationnaire, nous devrions également décréter virtuellement homicide le train - et refuser tout usage du chemin de fer.
Drapé dans sa toge de pure conviction, Agamben annonce publiquement renoncer à tout papier d’identité. Conséquence, plus de passeport, plus d’avion, plus de cours à l’université californienne où il enseigne. Ce qui ne punira que lui et ses étudiants. Or la biométrie mérite moins une condamnation de principe qu’un jugement en regard de ses usages. Récusons l’ustensile dans les mains cyniques, certes, et affinons l’usage post-moderne de cet instrument utile pour prévenir les violences généralisées.
Messages
1. > L’ingénuité philosophique, 13 février 2006, 22:42
Bonjour Michel Onfray,
si vous pouviez être un peu plus accessible dans vos textes ça serait vraiment bien. Vos idées sont très interressantes mais il faut avoir un moteur de recherche, du temps, et une bonne dose de courage pour aller au fond.
Quand on sort du boulot, difficile de se renseigner sur le monde et sa condition en son sein. Tout le monde n’est pas Proudhon xD
Par exemple pour ce texte, quel rapport avec l’actualité ?
Une bonne chose, serait par exemple, de définir les termes techniques et une courte description des personnes mentionnées dans vos textes :) Je veux pas vous faire la leçon, loin de moi cette prétention, je constate juste qu’il est difficile de vous lire, et je ne me crois pas plus bête que n’importe qui.
Amicalement,
Un DjEuNZ !!!
1. académisme, 16 février 2006, 19:47
Onffray est loin d’être le plus illisible, ceci dit il vaut mieux par exemple avoir une licence
en philo, ça peut pas faire de mal ! Le sociologue Bourdieu (qui lui même était illisible) avait
critiqué la prétention de la philo à se mettre au dessus de toutes les sciences sociales et à pratiquer un certain académisme, c’est à dire une façon de se positionner dans le champ du savoir, de placer des points de repères pour adeptes, on peut parler par exemple, très éventuellement au nom du peuple, toutefois le langage utilisé ne lui sera pas accessible, le langage utilisé s’adressera avant tout aux universitaires, c’est une histoire de légitimation,
çà permet par exemple d’assurer sa carrière à la fac, de devenir directeur de collection, etc...
J’avais fait philo uniquement pour comprendre les textes des philosophes, les profs ne m’ont
aucunement aidé, au mieux leurs cours consistaient à paraphraser les textes (du bourrage de crâne) ou à apprendre à discourir, à faire de la rhétorique (à tourner autour du pot, branlette
pseudo-philosophique).
J’ai compris "La critique de la raison pure", non pas avec les profs de la fac, mais avec une
brochure sur le sujet destinée aux bacheliers !
Beaucoup de bouquins d’Onffray sont en poche (livre de poche), ils sont passionnants !
Un parmi d’autres :
Politique du rebelle
livre de poche, biblio essais, n°4282
Joe
http://grenouillenews.free.fr
2. réponse de michel, 14 février 2006, 14:35
Je te rassure ce n’est pas que tu es bête, c’est juste qu’en étant incompréhensible je parviens à créer une illusion d’intelligence et de profondeur philosophique. Mais chut il ne faut le dire à personne...
3. > L’ingénuité philosophique, 18 février 2006, 09:44
La dernière phrase est pour le moins inquiétante.
"Or la biométrie mérite moins une condamnation de principe qu’un jugement en regard de ses usages. Récusons l’ustensile dans les mains cyniques, certes, et affinons l’usage post-moderne de cet instrument utile pour prévenir les violences généralisées."
Il y aurait donc un bon usage, "post-moderne" (mais oui, mais oui !) du flicage généralisée, de la surveillance et de la soumission des corps au contrôle de "big brother".
Le bon usage, "post-moderne", il a déjà été décrit dans un excellent roman de SF de Ira Levin, "Un bonheur insoutenable", republiée récemment.
Il en faut conseiller la lecture à notre ami Onfray qu’on a connu mieux inspiré.
Denis COLLIN