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La Grande-Bretagne veut révolutionner son Etat providence
Publie le mercredi 6 octobre 2010 par Open-Publishingde Nicolas Madelaine
C’est sans doute la réforme la plus radicale que poursuit le gouvernement Cameron. Le but est de regrouper plusieurs prestations sociales en une seule et de la calculer de telle sorte que le bénéficiaire soit incité à travailler.
Le Premier ministre David Cameron vient de donner à Birmingham, où les conservateurs britanniques tiennent leur congrès jusqu’à demain, le feu vert à ce qui est sans doute le projet de réforme le plus radical du nouveau gouvernement : la réforme de fond en comble de l’Etat providence de la Grande-Bretagne.
L’idée est aussi simple qu’elle sera ardue à mettre en oeuvre. Le gouvernement veut d’abord regrouper le plus possible de prestations sociales pour les personnes en âge de travailler -allocations chômage, pensions d’invalidité, aides au logement, crédits d’impôt pour les bas revenus, etc. -en une seule dite « crédit universel ». Et pour chaque individu, l’Etat veut ensuite calculer cette prestation -son montant et son retrait progressif éventuel -de telle sorte que son bénéficiaire soit encouragé à travailler, même pour quelques heures par semaine. En France, cette logique est à l’oeuvre dans le remplacement du RMI par le revenu de solidarité active (RSA).
Actuellement, reconnaissent de nombreux experts outre-Manche, la perspective de perdre une aide d’Etat sûre décourage d’accepter un travail souvent mal rémunéré et précaire. C’est pour débarrasser le pays de ce « piège à la pauvreté » que le ministre du Travail et des Retraites, Iain Duncan Smith, ancien leader conservateur, veut faire passer cette réforme sur laquelle il a travaillé plusieurs années dans l’opposition. « Il s’agit en effet d’une très ambitieuse réforme, explique Mike Brewer, spécialiste de ces questions à l’Institut d’études fiscales (IFS), un think tank britannique. Le fait que le gouvernement se donne la durée de deux Parlements pour la mettre en place rend le projet plus réaliste même s’il l’expose aux risques politiques d’une élection générale. »
Les obstacles à la réforme
La première difficulté de ce projet est opérationnelle, notamment informatique. L’intérêt de regrouper ces prestations dépendant souvent de différents ministères est d’éliminer les fraudes, de s’assurer que les citoyens perçoivent bien toutes les aides auxquelles ils ont droit, et d’obtenir un total permettant de calculer un retrait des prestations non dissuasif quand les bénéficiaires accroissent leur participation au marché du travail. Mais ce ne serait pas le premier projet informatique ambitieux d’un Etat à connaître un fiasco.
La deuxième difficulté est qu’il faut un calcul juste de l’étalement du retrait des prestations sociales, d’autant que ces incitations pécuniaires à travailler devraient être accompagnées de conditions dures pour encourager à un retour au plein-temps. La troisième difficulté est que Londres s’est lancé dans une cure d’austérité. Donc pour enclencher un système incitatif au retour au travail, il faudra prendre de l’argent ailleurs. Quelque 15 milliards de livres de dépenses d’Etat providence sont menacées.
L’ancienne ministre du Travail travailliste, Yvette Cooper, a expliqué que son parti avait conclu, en étudiant ce projet, qu’il coûterait trop cher ou punirait les revenus les plus faibles. Le projet de loi sera présenté au Parlement l’an prochain.