Accueil > La Tribune veut du concret
de Sébastien Homer
Ils l’ont juré la main sur le coeur. Tant Étienne Mougeotte, nommé à la tête des rédactions du Figaro, que Nicolas Beytout, en quittant le journal de Serge Dassault pour prendre la tête du pôle médias de LVMH (le groupe de Bernard Arnault) et la présidence des Échos, ont assuré être les garants de l’indépendance des rédactions, Beytout brandissant ses états de service au Figaro et Mougeotte, l’aval de l’actionnaire. Autant dire que les salariés restent dubitatifs et, comme on nous l’a dit aux Échos, « mobilisés ».
Ainsi, à la Tribune, titre que LVMH revend pour s’emparer des Échos, les salariés se sont fendus d’un communiqué sans équivoque : « Les conflits d’intérêt, ça suffit ! » Et de demander à Bercy de se saisir du dossier et à LVMH de reporter la nomination de Beytout à la tête de son pôle médias le temps, au moins, que
la Tribune soit revendue au PDG de NextRadioTV, Alain Weill.
Qui, jeudi dernier, a rencontré les élus du CE. Si a été salué quelqu’un de « très motivé, très optimiste », les salariés n’en restent pas moins « méfiants ». Car, après qu’une bonne partie des informations dont la primeur devait leur être reservée a été dévoilée par la presse (notamment le fait qu’il mettait la main sur le titre pour un euro !), lui qui promet une nouvelle formule l’an prochain et un journal redressé d’ici trois ans sera venu, a déploré un syndicaliste, « sans business plan ». Il en a transmis des « éléments » vendredi en fin d’après-midi en vue d’une nouvelle rencontre mercredi.
« On reste vigilants. Parce que ses engagements sont plutôt minces, commente un élu. Il a dit qu’il ne ferait pas de plan social. C’est en fait plus compliqué. Devant nous, son seul engagement a été de nous dire qu’il n’y aura pas de licenciement collectif pendant un certain temps, sous réserve que son plan de redressement sur trois ans soit respecté. Et en laissant entendre que les départs suite à l’ouverture d’une clause de cession ne seront pas forcément remplacés. Idem sur l’indépendance éditoriale. Il nous a dit que son groupe était indépendant. Mais pas que ses radios et sa télé l’étaient. Et quand il nous a assuré que nous aurons les moyens de faire un produit de qualité, on lui a rappelé que nous, on faisait de l’information, pas des produits. »
Ajoutant : « N’engageant que sa holding personnelle, News
Participation, et non son groupe NextRadioTV, de fait, sans débourser un centime, il se contente des 40 millions d’euros d’investissement que Bernard Arnault injecte avant de se concentrer sur les Échos. Et en guise d’économies, il mise sur le déménagement du journal et la mutualisation avec BFM et RMC. Sans plus de détail. Peut-être pour ne pas se mettre d’entrée les salariés à dos… »
Dans l’attente d’une nouvelle rencontre cette semaine, les représentants des salariés auront poursuivi, comme cela se fait aux Échos, leur négociation avec LVMH, notamment sur les engagements sociaux de ce dernier. « Ils sont prêts à discuter de nos demandes. C’est déjà ça », commente un élu. Et un journaliste de conclure : « En troquant la Tribune pour les Échos, Bernard Arnault, l’homme le plus riche de France, a déboursé plus de 400 millions d’euros. Ce serait petit de sa part s’il renâclait à en lâcher quelques-uns de plus pour garantir notre avenir. »
http://www.humanite.fr/2007-11-26_Medias_La-Tribune-veut-du-concret