Accueil > La cohérence d’un vote.

Contrairement donc à ce qu’affirment des politiciens et médiocrates tout aussi rivés à la sauvegarde de leurs intérêts personnels qu’ils ont été démentis par les électeurs, il y a une forte cohérence dans l’alliance qui a porté le "non" au Traité Constitutionnel Européen.
Elle se construit d’abord autour du refus de la politique Euro-libérale des deux dernières décennies. La prégnance du mot « social » dans le débat, son hégémonie dans les discours des partisans du « non » y compris quand l’importance de la « question sociale » ne caractérise pas leur famille politique, montrent bien où se trouve le centre de gravité des arguments qui ont conduit au refus de ce texte.
La sociologie de ce vote traduit bien cette cohérence. Une immense majorité des ouvriers et des employés a voté « non ». La seule catégorie socio-professionnelle où le « oui » soit nettement majoritaire est celle des cadres supérieurs et dirigeants d’entreprises. On serait en droit de dire qu’il y a bien eu un « vote de classe » ce 29 mai. La répartition régionale le confirme. Le « non » dépasse les 60% dans le Nord industriel, dans les régions industrielles de la Loire et du Centre, enfin dans les régions industrielles fragilisées du Midi. Si l’on ajoute à ces régions celles où le « non » a dépassé les 55%, c’est bien une carte de la France du travail que l’on dessine. À l’inverse, les couches sociales liées aux services mondialisés, à la communication et à la finance, elles ont voté « oui ». Le résultat de Paris intra-muros et des banlieues de l’ouest parisien est clair à cet égard.
Osons alors une formule : la victoire du « non » est celle des prolos contre les bobos (bourgeois-bohèmes).
Le refus du Traité est donc, d’abord et avant tout, le refus des politiques économiques et sociales qui l’ont précédé et qui se trouvent dans le titre III. En un sens, c’est aussi le rejet de « l’Acte Unique » européen qui instituait le grand marché comme mécanisme clé de l’Europe.
On ne peut pas ne pas en tenir compte.
Jacques Sapir économiste.