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La justice ce n’est pas les exécutions extrajudiciaires [issu du blog CPPN]

Publie le mercredi 4 mai 2011 par Open-Publishing
5 commentaires

Je reprends une note ironique publiée sur le blog CPPN à propos de l’exécution de Ben Laden et des réactions le concernant.

La note originale (avec les liens hypertextes et les illustrations est disponible ici)


Crève pourriture abolitionniste !

Pour reprendre le discours de Barack Obama et la Une du Monde : « Justice est faite » !

Ben Laden est mort. Passons rapidement sur les doutes qui subsistent sur cette affaire (doutes qui n’intéressent pas trop la presse française) et le fait que les médias tiennent pour acquis tout ce que lui balance l’administration US (sans possibilité ni volonté de recouper les informations avec d’autres sources) : Ben Laden a été tué dans une opération menée le 1er Mai, identifié (par qui ?) par son ADN et son corps a été balancé dans la mer (l’autopsie sera réalisée par les mérous). Ce n’est pas ça l’important. Ce qui est important c’est que la parenthèse ouverte en France le 9 octobre 1981 par cette crevure abolitionniste de Robert Badinter est en passe de se terminer.

Finis les atermoiements des droits-de-l’hommistes et la mauvaise conscience des gauchistes (qu’ils ne fassent pas les malins eux ou bien ils vont rejoindre Benny dans son école de plongée sous-marine en mer d’Oman), la plupart de nos hommes politiques et de nos éditorialistes sont d’accord : il faut se réjouir de l’application de la peine de mort pour Ben Laden. Il faut d’autant plus se réjouir de cette exécution qu’elle n’a pas été menée au terme d’un long processus coûteux avec procès, avocats, procédure d’appels et tout le toutim inutile qui ruine les caisses de l’État. Non ! Une balle dans la tronche (si on en croit – et qui sommes-nous pour en douter ? – le shérif Barack Obama) sans procès ! Mieux, si on en croit (et nous les croyons car cela est juste et bon) les officiels US, « Justice a été faite » sans même en avertir le gouvernement pakistanais, preuve qu’on ne doit même plus s’ennuyer avec la paperasserie et des concepts dépassés comme la souveraineté des États. « Un foie jaune au Kansas reste un foie jaune quand il arrive au Missouri » comme disait John Wayne (à moins que ce soit Donald Rumsfeld ?) et il n’est pas question de s’embarrasser avec des peccadilles comme les frontières. Pas de procès, pas de débats sur les attentats du 11-Septembre, pas de discussions sur les liens de Benny avec la CIA pendant la Guerre froide et ensuite. On s’en fout de tout ça ! C’est le passé et le passé est moins rapide et plus cher à exhumer qu’une bullet in the head.

Personnellement, j’aurais préféré qu’on le pende à un arbre, assis sur son cheval, avant de donner une grande bourrade sur le croupion du canasson mais l’esprit cow-boy se perd (un peu). Ne boudons pas notre plaisir cependant. En exécutant ainsi Ben Laden, les États-Unis nous montrent la voie vers un retour aux principes de la saine justice de nos ancêtres en y mêlant la haute technologie. On se prend à rêver à ce qu’aurait pu faire l’inquisiteur Torquemada s’il avait disposé de la surveillance satellite et de commandos avec vision nocturne et fusils d’assaut au lieu de soldats pouilleux avec des hallebardes.

Notre ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a déclaré sur BFM-TV : « Comme l’a dit le président Obama, aujourd’hui justice est faite », avant d’ajouter : « C’est quelque chose qui ne peut que satisfaire tous ceux qui se mobilisent pour la démocratie, les Droits de l’Homme ». Tu m’étonnes ! Une balle dans la tronche sans procès pour un criminel, ça ne peut que faire jubiler l’amoureux des Droits de l’Homme (qui fait souvent sa mijaurée mais qui, au fond, aime la senteur suave de la Lex Talionis à l’ancienne). D’ailleurs, je propose que lors des « semaines des Droits de l’Homme » qui sont régulièrement organisées dans nos écoles, on projette à nos enfants la série des « Justiciers » avec Charles Bronson. Cela les réjouira et leur fera comprendre les Droits de l’Homme dans un sens plus viril que ce à quoi on les a habitués jusqu’à présent.

De son côté, Gérard Longuet s’enthousiasme sur RTL : c’est un « symbole d’impunité » qui « tombe brutalement ». (Je précise, à toutes fins utiles, pour mes lecteurs distraits, que « le symbole d’impunité qui tombe brutalement » ne signifie pas qu’Ariel Sharon a glissé de son lit à l’hôpital de Jérusalem).

Le magistrat Philippe Bilger, qui peste sans doute régulièrement contre les carcans légaux qui l’empêchent de requérir une juste peine de mort, s’extasie également sur son blog sur la mort de Ben Laden : « Justice vient d’être faite au sens où, au-delà de l’officiel, il y a des événements et des issues qui satisfont pleinement ce que l’être humain, quoi qu’on en ait, attend ».

Bernard Henri Lévy qui, dans un édito traitant de « l’affaire Sakineh », le 14 octobre 2010,dans Le Point, se lamentait de devoir encore plaider contre la peine de mort et déclarait « La peine de mort n’est pas une peine, c’est un crime. La peine de mort n’est pas un acte de justice, c’est un acte de barbarie. » a visiblement changé son fusil d’épaule et, dans son prochain édito du Point (déjà publié sur son site internet ) se réjouit de l’exécution de Ben Laden. Depuis qu’il joue aux chefs de guerre en Libye, BHL s’est visiblement réconcilié avec les méthodes judiciaires popularisées par le général Bigeard.


Bref, tout le monde se réjouit de ce retour à la justice à l’ancienne et applaudit notre rude (mais bon !) maître Barack Obama. Et il y a de quoi ! N’est-ce pas Barack Obama qui a rétabli (ou plutôt maintenu, ne faisons par injure à George W. Bush) cette saine pratique de l’exécution extrajudiciaire après avoir laissé en place le camp de Guantanamo (malgré ses errements de la campagne présidentielle de 2008) ? Qui a rétabli les procès militaires d’exception que, dans un moment d’égarement, il avait suspendu ? Et qui a ( ce dont on avait trop peu parlé à l’époque) étendu à 75 pays, en juin dernier, les possibilités pour les forces spéciales US d’aller apporter la saine justice de par le monde ?

Barack, c’est un mec, un vrai.

J’attends donc avec impatience le jour où Robert Badinter viendra, sur les plateaux de télévision, simplement vêtu d’une chemise de lin blanche, pour présenter ses excuses au peuple français pour lui avoir fait perdre 30 ans de possibilités d’appliquer une vraie justice. Et ce jour là, je serai avec tous les éditorialistes et les « vrais défenseurs des Droits de l’Homme » pour le couvrir de goudron et de plumes, comme devrait nous y autoriser bientôt notre code civil enrichi par les dernières jurisprudences.

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