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La majorité des mineurs présentés aux juges étaient "inconnus" des tribunaux

Publie le vendredi 25 novembre 2005 par Open-Publishing
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de Nathalie Guibert

ls sont français, ils ont 16-17 ans, des pères ouvriers ou chômeurs, des mères plus ou moins débordées, des résultats moyens à l’école. Et ils sont, pour la grande majorité d’entre eux, inconnus de la justice. Les mineurs déférés dans le cadre des récentes violences urbaines en Ile-de-France ne correspondent pas au profil décrit par le ministère de l’intérieur, celui de "racailles" dont "80 %" seraient connus pour des faits de délinquance.

La police se fonde certes sur le fichier des infractions constatées (STIC), dont toutes ne débouchent pas sur des procédures judiciaires. Mais éducateurs et magistrats soulignent qu’ils n’ont pas eu affaire, ces dernières semaines, au lot commun des mineurs présentés à la justice : il s’agit, cette fois, de jeunes rencontrant plutôt moins de difficultés familiales et davantage scolarisés. La majorité d’entre eux sont inscrits dans des formations professionnelles, souvent en apprentissage.

A Bobigny, sur 89 mineurs présentés au tribunal dans le cadre des violences, 37 étaient "connus" au plan pénal ou civil, une dizaine d’entre eux bénéficiant d’une mesure de protection de l’enfance. A Créteil, parmi 77 mineurs déférés mi-novembre, 15 seulement étaient connus par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). A Nanterre, sur 41 mineurs, 22 étaient "inconnus en délinquance", alors que 13 faisaient l’objet d’une prise en charge dans un cadre pénal. A Pontoise, 9 des 42 adolescents présentés étaient suivis par la PJJ.

Le noyau dur des mineurs délinquants n’a pas été impliqué dans les émeutes, ou bien n’a pas été pris par la police. La direction de la PJJ de la Seine-Saint-Denis a constaté que ses foyers étaient restés très tranquilles. "Certains des participants aux violences étaient motivés par la haine et l’envie d’en découdre, mais il y avait aussi une dimension ludique dans tout cela", estime Régis Lemierre, du service éducatif auprès du tribunal (SEAT) de Nanterre. Loin de toute revendication politique ou sociale, "la génération "game boy" a agi comme dans un monde virtuel : il y avait les copains, ça brûlait de partout, c’était fascinant", précise-t-il.

Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, confirme cette dimension, en citant l’exemple d’"un garçon de 15 ans, connu du tribunal car suivi par l’aide sociale à l’enfance pour avoir subi de graves maltraitances" : "Il dormait, à minuit, quand les copains sont venus le chercher. Il est descendu, plus pour aller jouer avec eux que pour casser. Il s’est trouvé mêlé à l’agression de policiers."

Dans de nombreux cas, les éléments fournis par la police n’ont pas permis aux juges de mettre ces mineurs en examen. A Bobigny, ils ont attribué le statut de témoin assisté à plus du tiers des adolescents présentés. "Beaucoup ont évité le contact avec la police, dans un jeu du chat et de la souris", précise M. Rosenczveig. Bon nombre ont, au final, simplement été remis à leur famille.

Sur la base des enquêtes sociales réalisées pour les juges, se dessine le portrait de ces adolescents : quelques récidivistes, des jeunes entre deux eaux, d’autres sans histoires. "On n’a pas arrêté les véritables émeutiers. On a tapé dans la petite fraction de jeunes désoeuvrés qui ont assisté à ce que d’autres faisaient", affirme un magistrat du parquet.

Eddy S. (tous les noms et prénoms ont été changés), 16 ans, est "connu". Vols, recels, dégradations de biens publics, violences : depuis l’âge de 11 ans, il a accumulé une dizaine d’antécédents judiciaires sérieux, mais bénéficie d’un suivi éducatif depuis quelques mois seulement. Sa famille, d’origine malienne, est installée dans la Seine-Saint-Denis depuis dix ans. Son père est invalide ; sa mère, femme de ménage. Il y a neuf enfants au domicile. Le couple vit séparé et la situation des enfants est fragile. Eddy a été exclu du collège avant la 3e. Il dit avoir "démissionné", selon cette pratique illégale et inavouée de l’éducation nationale qui consiste à faire signer une lettre de "démission" aux élèves encore soumis à l’obligation scolaire. L’adolescent demande de l’aide aux éducateurs. Il veut entrer en apprentissage et devenir électricien.

Anton P., 16 ans, a redoublé une fois, à l’école primaire, puis s’est fait exclure du collège. Déscolarisé pendant plusieurs mois, il a fini par trouver une place en CAP mais connaît des difficultés. Il fume trop de cannabis. Ses parents sont sans profession. Leur fils devrait bientôt être placé par la PJJ.

Lucien G., 17 ans et demi, père ouvrier retraité, mère au foyer, affirme ne manquer de rien à la maison. Il prépare un bac professionnel et souhaiterait poursuivre ses études en BTS. Il est connu pour une infraction, commise il y a déjà plusieurs années, pour laquelle il avait reçu une admonestation.

Farid E., 14 ans et demi, a des parents séparés, un père ouvrier et une mère sans profession, qui s’occupe seule de ses six enfants, nés de plusieurs unions différentes. C’est un élève en difficulté, inscrit dans une section d’enseignement adapté au collège. Il est plutôt remuant, mais serviable à la maison. Influençable, il s’est laissé convaincre de faire le guet pour un "grand". Sa mère, inquiète, veut déménager et quitter la cité.

Mohammed S., 17 ans, né au Maroc, est arrivé en France il y a quatre ans. Il a un petit frère. Sa mère est nourrice ; son père, sans emploi. Le jeune homme est en CAP dans le secteur sanitaire. Ses résultats ne sont pas brillants : il aurait préféré apprendre la cuisine. Mais il n’a aucun problème de discipline. Il aimerait devenir pompier.

Dylan B., 17 ans, le dernier d’une famille de quatre enfants, n’a, lui non plus, aucun antécédent judiciaire. Son père est ouvrier spécialisé, sa mère employée. Il a suivi une scolarité sans encombre jusqu’en 4e. Quand il a commencé à moins bien suivre, sa mère lui a obtenu une place dans un internat, pour effectuer sa classe de 3e. Ses parents sont inquiets : après son diplôme de vendeur obtenu en apprentissage, il n’a pas trouvé d’emploi, malgré tous ses efforts.

Kevin V., 16 ans, a quatre frères et soeurs. Il est en CAP par apprentissage. Ses parents - père ouvrier, mère assistante commerciale - ont divorcé et il continue de les voir. Un autre profil "rien à signaler", comme disent les juges.


CHIFFRES

Du 29 octobre au 18 novembre, selon le dernier bilan établi par la chancellerie, 3 101 personnes ont été mises en garde à vue à la suite des violences urbaines, 135 informations judiciaires ont été ouvertes, 562 majeurs incarcérés (dont 422 déjà condam- nés à des peines de prison ferme) et 577 mineurs ont été présentés aux juges des enfants (dont 118 ont été placés sous mandat de dépôt).

MODE D’EMPLOI

En cours de procédure, le juge des enfants peut ordonner un placement provisoire, un contrôle judiciaire, une détention provisoire ou une liberté surveillée. Lors du jugement, en dehors d’une peine, le mineur peut faire l’objet d’une mesure éducative (une admonestation, une remise à parents, un placement ou une mesure de réparation).

http://www.lemonde.fr/web/article/0...

Messages

  • Bonjour

    Je suis moi-meme responsable d’une association dur Nice.
    Je peux vous dire que nous autres responsables associatifs, et autres artistes avont crie depuis des annees ce que des gamins de 16-17 ans ont reussi a faire entendre au monde entier .

    Dire qu’il fallait pas de violence c’est VRAI , mais ces jeunes que l’on veuille ou non on gagner.
    Les femmes et hommes poltiques se plient sur ce dossier si brulant.

    Les discours ne valent plus rien dans cette republique.
    La violence est devenue un veritable outil comme les syndicalistes .
    En france si vous voulez vous faire entendre faut appartenir a "l’elite " ou tout casser.

    Amicalement Karim