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Le Forum de Davos limoge son directeur

Publie le lundi 1er novembre 2004 par Open-Publishing

Figueres, ex-président du Costa Rica, est accusé d’avoir perçu des pots-de-vin d’Alcatel.

de Michel TAILLE

Alcatel porte la poisse aux anciens présidents du Costa Rica. Vendredi, José María Figueres, ex-chef de l’Etat d’Amérique centrale (1994-1998), a dû démissionner de son poste de directeur du Forum économique mondial de Davos à cause d’une affaire de pots-de-vin versés par la multinationale. La presse de son pays l’accuse d’avoir indirectement perçu 900 000 dollars des Français pour leur permettre d’emporter des marchés. Les « affaires » costaricaines d’Alcatel gagnent ainsi le temple mondial du libéralisme après avoir ébranlé l’Amérique centrale.

Moins limpide. Le 14 octobre, un autre ex-président, Miguel Angel Rodríguez (1998-2002), a dû démissionner de son poste de secrétaire général de l’Organisation des Etats américains, à Washington (Libération du 27 octobre). Il est depuis aux arrêts dans son pays, accusé d’avoir reçu d’Alcatel au moins 140 000 dollars en « récompense » de l’attribution d’un marché.

Abel Pacheco, le chef d’Etat en exercice, doit, pour sa part, justifier le versement de 100 000 dollars de l’entreprise française pendant sa campagne électorale, suivi quelques jours après son entrée en fonctions de la signature d’un nouveau contrat.

Dernier visé, José María Figueres assure dans le quotidien suisse le Temps n’avoir « jamais, ni durant [sa] présidence, ni après », eu de contacts avec Alcatel. Dans un communiqué diffusé par son avocat à San José, il explique avoir effectivement reçu « 8 paiements pour un total de 906 355,31 dollars », mais pour un travail de consulting effectué après la fin de son mandat. Pendant trente-neuf mois, l’ex-président aurait simplement donné « des conseils en divulgation de technologies de communications » à une entreprise locale nommée Desarrollos Interdisciplinarios. Cependant, d’après la télévision costaricaine Canal 7, qui a révélé l’affaire en début de semaine, le négoce était moins limpide. Desarrollos Interdisciplinarios est en fait dirigée par un ex-conseiller de Figueres, lui-même sous-traitant d’une filiale de l’entreprise française : Alcatel Standard SA, basée en Suisse. Selon l’ancien subordonné, le but des « conseils en divulgation » était limité à l’obtention de marchés pour Alcatel : une commission de 1,5 % était prévue sur les contrats accordés au groupe par le monopole costaricain de communications, l’ICE, où Figueres a nommé sous sa présidence plusieurs amis politiques. Avant commission, 2,7 millions de dollars de paiement d’Alcatel Standard SA ont été équitablement divisés entre Figueres, son ex-subordonné et la soeur du directeur local d’Alcatel, philologue bombardée consultante pour l’occasion.

Aujourd’hui, José María Figueres promet la transparence sur ses comptes, au Costa Rica comme en Suisse, et dénonce dans le Temps une « calomnie colportée par [ses] adversaires politiques ». Secoués par un mois de révélations à scandale, les deux partis politiques qui se partagent la vie politique costaricaine depuis plus d’un demi-siècle se sont empressés de marquer leurs distances.

« Demander pardon ». Son propre frère s’est empressé de préciser que le groupe d’entreprises familiales n’était en rien impliqué dans l’affaire. Figueres, enfin, se serait « limité à demander pardon », quand son représentant politique au Costa Rica lui a demandé, mercredi, des explications sur ses pratiques dans le domaine du consulting. La justice costaricaine n’a pas réagi pour l’instant. Mais le forum de Davos, qui organise tous les ans des rencontres de la crème mondiale de l’économie et de la politique, a démissionné son directeur en découvrant « par la presse » qu’il « était payé comme consultant au moment où il a pris ses fonctions ».

http://www.liberation.fr/page.php?Article=250118