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Le Luxembourg n’est plus certain de dire "oui" à la Constitution
Publie le jeudi 2 juin 2005 par Open-Publishing
Prochain pays à soumettre la Constitution européenne au vote populaire, le Luxembourg, actuellement à la tête de l’UE, enregistre lui aussi une poussée des partisans du "non" qui inquiète fortement le gouvernement de Jean-Claude Juncker.
Le scrutin grand-ducal est prévu le 10 juillet. Selon le dernier sondage réalisé début mai par l’institut Ilres pour la radio RTL, le "oui" au traité est tombé à 59%, contre 41% en faveur du "non". Une précédente enquête qui remontait à octobre 2004 accordait au "oui" 76%, contre seulement 24% au "non".
Le Premier ministre s’est dit récemment "très attentif aux craintes exprimées par les électeurs et à la progression du non". Son ministre de l’Economie, Jeannot Krecké, a indiqué quant à lui que le gouvernement grand-ducal "se faisait du souci".
Doyen en exercice des dirigeants de l’Union européenne, réélu triomphalement en 2004 après près de 10 ans au pouvoir et plus de 20 ans de présence au gouvernement, M. Juncker a menacé de démissionner, en cas de rejet de la Constitution.
"Je ne m’imagine pas rester à la tête d’un gouvernement pour défendre le non", a-t-il averti dès décembre dernier.
Son partenaire de coalition, le parti ouvrier socialiste (LSAP) du chef de la diplomatie Jean Asselborn, a assuré qu’il démissionnerait aussi du gouvernement dans un tel de cas de figure, ce qui provoquerait une crise politique inédite pour le pays.
Directeur général de l’Ifres, Charles Margue a fait remarquer que plus les Luxembourgeois se disaient informés sur les enjeux de la Constitution européenne, plus ils s’y opposaient.
Le phénomène peut difficilement rassurer un gouvernement qui a lancé une grande campagne de communication pour le oui.
Pour la première fois et à quatre reprises ces derniers mois, la Chambre des députés a ouvert ses portes à tous les citoyens souhaitant prendre la parole à la tribune pour s’exprimer sur la Constitution.
Les sondages Ilres montrent que les opposants au traité se recrutent essentiellement chez les ouvriers.
Leur inquiétude est attisée par la peur du chômage, qui a progressé de 1,6% en avril et s’établit en mai à 4,6% de la population active, sur fond de plans sociaux dans l’industrie avec notamment la firme japonaise TDK qui a licencié le mois dernier près de 10% de ses effectifs.
La crainte existe aussi d’une suppression de l’indexation automatique des salaires en fonction de l’inflation, montrée du doigt par le patronat.
Les Luxembourgeois sentent de plus en plus que leur "modèle social", fondé sur l’institutionalisation du dialogue entre le gouvernement, le patronat et les syndicats sur les grandes questions sociales, prend l’eau.
Les quatre principales formations politiques, le Parti chrétien social de M. Juncker, les socialistes, les libéraux et les Verts appellent tous à voter oui le 10 juillet.
Le "comité pour le non à la Constitution", qui regroupe des personnalités proches des communistes dissidents (De Link), se montre néanmoins extrêmement actif en multipliant les rencontres et à travers une campagne d’affichage sauvage dans les lieux les plus stratégiques de la capitale.
Reste que l’ex-parti communiste n’a plus de représentant au parlement depuis les dernières élections de juin 2004.
A la chambre des députés, seul le parti populiste ADR, qui avait initialement défendu le oui, est en train de changer son fusil d’épaule. Ses dirigeants ont applaudi lundi le non massif de près de 55% des Français.
L’issue du référendum du 10 juillet reste donc incertaine. Pour l’anecdote, la dernière consultation populaire au Luxembourg remonte à 1937. La question portait sur l’interdiction du Parti communiste. L’issue du scrutin avait été fatale au gouvernement de l’époque.