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Le chef de l’Etat italien rappelle les principes de la "laïcité" à Benoît XVI

Publie le samedi 25 juin 2005 par Open-Publishing

de Jean-Jacques Bozonnet

Pour sa première visite d’Etat, vendredi 24 juin à Rome, Benoît XVI n’a eu que trois kilomètres à parcourir, dans une voiture découverte, depuis le Vatican jusqu’au Palais du Quirinal, siège de la présidence de la République italienne. Une délégation conduite par le ministre des affaires étrangères italien, Gianfranco Fini, l’attendait à la "frontière" des deux Etats, c’est-à-dire au bout de l’avenue qui mène à la place Saint-Pierre. Après une halte au centre ville pour saluer, en tant qu’évêque de Rome, le maire de la ville, Walter Veltroni, Rome, le pape a été reçu par Carlo Azeglio Ciampi, entouré de toutes les autorités politiques du pays.

Cette huitième visite d’un pape au Quirinal depuis la "normalisation" des rapports entre les deux Etats par les accords du Latran, en 1929, intervient dans une période de polémique sur le rôle de l’Eglise, voire du Vatican, sur les questions politiques de l’Italie.

La Conférence épiscopale des évêques italiens (CEI), avec l’appui de Benoît XVI, a contribué à faire échouer, les 12 et 13 juin, le référendum abrogatif de la loi sur la procréation médicalement assistée en prônant l’abstention. Les résultats n’avaient pu être avalisés, faute de quorum, et le débat avait profondément divisé la classe politique, y compris la sphère laïque. Le président Ciampi, qui s’était ostensiblement rendu aux urnes, a rappelé à son hôte son "orgueil de la laïcité de la République italienne", tout en se félicitant que les relations avec le Saint-Siège soient "un modèle de cohabitation harmonieuse et de collaboration".

"RACINES CHRÉTIENNES"

Pour Benoît XVI, qui avait déjà rencontré deux fois le président italien au Vatican depuis son élection, le 19 avril, "une saine laïcité de l’Etat est légitime, en vertu de laquelle les réalités temporelles sont régies selon leurs règles propres, sans exclure cependant les références éthiques qui trouvent leurs fondements ultimes dans la religion" . Ainsi, il a demandé aux responsables politiques de veiller à "la sauvegarde de la famille fondée sur le mariage", au respect du "droit des parents à un libre choix éducatif" pour leurs enfants, et à "la défense de la vie humaine depuis sa conception jusqu’à la fin naturelle".

Dans ces derniers propos, les promoteurs du référendum sur la fécondation artificielle ont vu la confirmation de leurs craintes, à savoir la possible mise en cause par l’Eglise de la loi sur l’interruption de grossesse. "Le pape est déjà prêt pour la prochaine campagne électorale, et il revendique d’en être un acteur" , a estimé Daniele Capezzone, le secrétaire du Parti radical.

Mgr Camillo Ruini, le président des évêques italiens, a toujours démenti une telle intention. Mais le doute est revenu avec la parution, le 21 juin, du premier livre de Benoît XVI ­ en fait, un recueil de textes écrits par Joseph Ratzinger lorsqu’il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. " Pourquoi n’acceptons nous pas d’avoir perdu cette bataille ?", interroge le chef de l’Eglise catholique. Parce que "reconnaître le caractère sacré de la vie humaine et son inviolabilité, sans aucune exception, n’est pas une question mineure" . Le pape souligne que "l’Eglise ne se résoudra jamais" aux lois sur l’avortement, parce que "il n’y a pas de petits homicides".

Dans cet ouvrage, intitulé L’Europe de Benoît, la crise des cultures, le pape s’indigne aussi que l’Europe ait "développé une culture qui exclut Dieu de la conscience publique d’une façon jamais connue précédemment dans l’humanité" .

Profitant de sa visite à Carlo Azeglio Ciampi, il est revenu sur l’ancienne revendication du Vatican en faveur de l’inscription des racines chrétiennes de l’Europe dans le préambule de la Constitution. Il a appelé les responsables politiques italiens à la rescousse : "L’Italie peut rendre de grands services à l’Europe, en l’aidant à retrouver ces racines chrétiennes qui dans le passé lui ont donné sa grandeur et qui peuvent encore aujourd’hui favoriser l’unité profonde du continent" , a-t-il plaidé.

Benoît XVI a manifesté son désir de voir le peuple italien " ne pas renier son héritage chrétien qui forme son histoire, mais le conserver avec attention afin qu’il porte encore des fruits dignes du passé" . Le chef de l’Eglise s’est dit confiant que " l’Italie continuera sa mission civilisatrice dans le monde". Le président Ciampi a reconnu que son pays a " de profondes racines chrétiennes", mais, a-t-il nuancé, " entrelacées avec ses racines humanistes".

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