Accueil > Le numéro un du « Monde », Pierre Jeantet, confirme son départ

Le numéro un du « Monde », Pierre Jeantet, confirme son départ

Publie le samedi 5 janvier 2008 par Open-Publishing

Les tentatives de conciliation entre le directoire et la Société des rédacteurs du Monde, actionnaire de référence, ont échoué. Un administrateur judiciaire pourrait être nommé.

de Olivier Costemalle

Démissions confirmées ou reprises, menace de nomination d’un administrateur judiciaire, manoeuvres en coulisses : la crise du Monde a franchi un nouveau palier vendredi.

Deux des trois membres du directoire, Pierre Jeantet et Bruno Patino, ont confirmé la démission qu’ils avaient donnée le 19 décembre. Le troisième, Eric Fottorino, a annoncé de son côté qu’il avait « repris » sa démission et qu’il demeurait à son poste « pour ne pas ajouter la crise à la crise ».

Le groupe le Monde se retrouve donc aujourd’hui avec un directoire amputé de deux de ses trois membres et sous la menace de la nomination d’un administrateur judiciaire.

En décembre, les membres du directoire avaient accusé la Société des rédacteurs du Monde (SRM), actionnaire de référence du groupe, d’être à l’origine de la crise : son attitude de « défiance », avaient-ils expliqué, les mettait dans l’incapacité d’exercer leurs responsabilités.

Le directoire et la SRM avaient ensuite renoué le dialogue, au cours de plusieurs réunions destinées à concilier les points de vue. Jean-Michel Dumay, président de la SRM, avait même annulé ses vacances dans l’espoir d’arriver à une solution de compromis.

Mais aucun accord n’a pu être trouvé avec Jeantet et Patino. Le premier va quitter le groupe le 15 janvier. Le second a confirmé sa démission du directoire mais il entend conserver son poste de président des filiales du Monde que sont Télérama et le Monde Interactif.

En revanche, la décision d’Eric Fottorino de revenir sur sa démission donne un peu d’air à la SRM, qui estime qu’il n’y a pas vacance de pouvoir et donc aucune nécessité de nommer un administrateur provisoire, une option « inacceptable » pour elle.

Reste que la crise de confiance entre les actionnaires externes (Lagardère, Saint-Gobain,…) et les actionnaires internes (Sociétés des personnels du groupe) est telle qu’il leur sera difficile de se mettre d’accord rapidement sur la composition d’un nouveau directoire.

Or, Alain Minc, président du conseil de surveillance du Monde, laisse entendre que si le groupe n’a pas de directoire le 15 janvier, il demandera la nomination d’un administrateur judiciaire.

Eviction

Minc n’a pas digéré l’éviction en mai dernier de Jean-Marie Colombani, démis de la présidence du groupe à la suite d’un vote défavorable de la rédaction du « Monde ». Il a dû en outre, sous la pression de la SRM, accepter d’abréger son mandat de président du conseil de surveillance, qui s’achèvera de façon anticipée le 31 mars.

Voudra-t-il pour autant précipiter le groupe dans l’inconnu en demandant la nomination d’un administrateur judiciaire ? C’est à lui qu’appartient la décision. Dans son entourage, on indiquait vendredi qu’il allait consulter « les meilleurs juristes de la place de Paris » avant de se prononcer.

Le coeur de l’histoire est bien entendu une affaire de pouvoir et d’argent. Le groupe le Monde n’est pas en situation de faillite : il a diminué son endettement grâce à la vente, toute récente, de la filiale des Journaux du Midi (Midi libre, l’Indépendant, etc.), qui lui a rapporté 90 millions d’euros. Pierre Jeantet, comme les actionnaires externes, plaidait cependant pour une recapitalisation du groupe. Mais cette injection d’argent frais aurait eu pour effet de diluer le pouvoir de la SRM, qui ne serait alors plus cette dernière exception de la presse française : un groupe détenu par ses journalistes.

La question est maintenant de savoir si la SRM pourra à la fois conserver ses prérogatives et conduire, avec un nouveau directoire, le redressement économique du groupe le Monde, ou bien si un actionnaire extérieur (on parle de Lagardère et/ou de Bolloré) prendra le contrôle de l’entreprise à la faveur de la nomination d’un administrateur provisoire.

http://www.liberation.fr/actualite/ecrans/301780.FR.php