Accueil > Le triomphe de Sharon

Le triomphe de Sharon

Publie le samedi 28 janvier 2006 par Open-Publishing

Dans le GUARDIAN (http://www.guardian.co.uk) du 28/01, le député travailliste de Manchester Gerald KAUFMAN publie un commentaire sur le récent triomphe du Hamas en Palestine. L’optimisme n’y est pas de rigueur mais l’analyse est nettement plus clairvoyante que les habituelles mièvreries de la caste politico-médiatique hexagonale.

Traduction : Valère


UN TRIOMPHE POUR SHARON

Dans son coma à l’hôpital Hadassah Ariel Sharon a parachevé son triomphe final. La victoire du Hamas aux élections de mercredi n’est pas seulement la conséquence inévitable de tout ce qu’il a fait en tant que premier ministre, mais c’est aussi précisément ce qu’il aurait souhaité.

La semaine dernière je débattais à la Chambre des Communes : « Si le Hamas réussi comme il le doit aux élections, la responsabilité en reviendra au gouvernement Israélien pour avoir alimenté ses racines. Ce qui est triste c’est que le Hamas, le Likoud et Kadima ont besoin les uns des autres. Les Israéliens peuvent dire : nous sommes contraints de faire ce que nous faisons car le Hamas et le Jihad islamique sont de réels dangers. Le Hamas et le Jihad islamique peuvent dire : « nous n’avons pas d’alternative car les Israéliens nous oppriment."

Le raz de marée du Hamas est la conséquence directe de la frustration totale ressentie par les Palestiniens face à l’échec de tous à faire quoique ce soit face à la pauvreté abjecte et à l’oppression dans laquelle ils passent chaque jour de leur vie.

Ni l’actuel gouvernement Israélien, ni le Hamas ne veulent négocier un accord débouchant sur une solution avec deux états. Tout au long de son existence, le Hamas a toujours été en état d’insurrection ; et ceci convenait très bien à Sharon. Le dernier numéro du « New Yorker » contient un long article du journaliste israélien Ari Shavit relatant 20 heures de conversations s’étalant sur 6 ans qu’il a eu avec Sharon jusqu’à son attaque. Shavit décrit le développement des politiques de Sharon qui conduisent à la transformation d’un état relativement modeste et ascétique en un occupant tyrannique.

Il conduit à la conclusion évidente que Sharon n’a jamais voulu d’un accord avec les Palestiniens. Ce qu’il a fait, c’est prendre des décisions unilatérales pour renforcer la mainmise d’Israël sur l’ancienne Palestine mandataire (sous mandat britannique).

Quand, ni par générosité ni dans le cadre d’une étape vers un accord, Sharon évacue les colons de la bande de Gaza et que Shavit lui demande si la prochaine étape serait un retrait important de Cisjordanie, il lui répond : Il n’y a aucune possibilité de faire ceci...il n’y a qu’un seul retrait unilatéral. Il n’ay aura aucun autre retrait.

Les politiciens occidentaux ont été assez crédules pour croire que le retrait de Gaza était une étape sur la feuille de route devant conduire à une solution à 2 états. Les électeurs palestiniens qui vivent une situation sans espoir ont mieux compris. Leur vote pour le Hamas dit au monde : si nous ne pouvons pas avoir notre état, nous opterons pour la résistance armée.

Quand Yitzhak Rabin était ministre de la défense et refusait de négocier avec Arafat, il [Arafat] l’avait averti : si vous ne discutez pas avec l’OLP, vous vous retrouverez face au Hamas. Rabin avait appris. Sharon n’a jamais voulu apprendre.
La politique israélienne qui favorise délibérément le Hamas ne se terminera pas pour autant avec Sharon. Ehoud Olmert qui lui a succédé est peut-être même encore plus récalcitrant que Sharon comme je l’ai constaté quand je l’ai interviewé il y a peu de temps pour un film de la BBC. Quand il parle, comme il le fait depuis qu’il a remplacé Sharon, de retraits de Cisjordanie, il ne le fait pas en envisageant des négociations avec les Palestiniens, mais dans l’optique d’un plan destiné à rendre plus solide le déploiement militaire Israélien.

Sa réponse immédiate au résultat de l’élection a été d’affirmer qu’il ne négocierait pas avec un gouvernement comprenant le Hamas. Les « neocons » qui entourent Bush ont descendu en flamme avec une joie lugubre la victoire du Hamas. Elle s’accorde parfaitement à la prochaine étape de leurs plans dans la région. Benyamin Nethanyahou, le leader extrémiste du Likoud a clairement affirmé sa position et celle des « neocons » : « aujourd’hui est né le Hamastan, mandataire de l’Iran, semblable aux talibans » ; le gouvernement israélien a déjà averti de la possibilité d’une réaction si l’Iran poursuivait son programme nucléaire : suprême hypocrisie au regard du fait qu’Israël a joué un rôle clé dans l’armement de l’Iran dans le cadre de l’Irangate sous Ronald Reagan et pour ne rien dire de la détention par Israël d’armes nucléaires depuis plus de 40 ans.

Les conséquences de la guerre d’Irak sont à présent évidentes pour tous, telles que beaucoup d’entre nous les dénonçaient avant qu’elle ne commence. Une guerre Américano-israélienne contre l’Iran - même si cette fois les Britanniques refusent d’y être impliqués - serait une catastrophe non seulement pour la région mais pour le monde entier. Excepté la nature indéniablement odieuse du gouvernement Iranien, c’est un fait que l’Iran ( contrairement à l’Irak, à Israël et aux Etats-Unis) n’a jamais mené de guerre d’agression contre un autre pays.

Notre gouvernement, par des déclarations de Tony Blair et de Jack Straw a réagi raisonnablement. Il doit maintenant user de toute l’influence qu’il peut avoir sur la Maison Blanche pour insister sur la mise en œuvre de la feuille de route.
La réaction personnelle de Bush jusqu’à maintenant a été moins désolée qu’on aurait pu le croire : « Quand vous donnez aux gens le droit de vote, que vous leur laissez la chance de s’exprimer dans les urnes et qu’ils sont mécontents du statu-quo, ils vous le feront savoir."

Il faut bâtir là dessus et ne pas perdre de temps. Armageddon, après tout, est en Israël.