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Les Ombres du souvenir

Publie le jeudi 23 septembre 2010 par Open-Publishing

de Roger Martin

Bonjour,

lorsqu’on ne dispose pas du soutien des médias, lorsque dans un roman noir on évoque Bellaciao, Le grand Soir ou l’Huma, lorsque vos héros de papier écoutent Ferrat, Baez, Anne Sylvestre, Leprest, Jamait ou Agnès Bihl, , toutes choses qui, évidemment, vont attirer sur le livre l’attention du Monde, de l’Express et du Figaro, on est bien obligé de faire son petit battage personnel ( j’ai pas dit "pub").

Alors si des lecteurs de Bellaciao ont envie de découvrir un roman noir qui parle de tout ça, je n’ai pas de scrupules à leur signaler "Les Ombres du souvenir" que je viens de publier au Cherche Midi.

Du roman noir social, politique et historique, où il est aussi question de RESF, des "identitaires" et puis, naturellement de chanson...

Fraternellement


Ajouté par Bellaciao

Roger MARTIN : Les ombres du souvenir. Le Cherche Midi éditeur.

de Oncle Paul

Près de vingt ans passés dans une geôle de la prison pour femme deombres-souvenir.GIF Rennes, et pour un crime qu’elle n’a pas commis, n’ont pas entamé la soif de justice d’Héléna Rénal, ni sa combativité. Elle est meurtrie bien sûr, mais elle n’abdique pas. Au contraire, elle crée une agence destinée à aider ceux qui sont victimes, condamnées mais innocentes. L’Agence du dernier recours a pour but de pallier les défaillances policières, cherchant et apportant les preuves d’erreurs judiciaires.

Et en cinq ans, elle a réussi à huit reprises à soulager la peine de familles éplorées au grand dam et à l’exaspération du commissaire Benoiste qui n’apprécie guère ses intrusions. Elle s’est installée à Avignon et c’est là qu’une ancienne codétenue, Jessica, qui l’avait aidée durant ses années de détention lui rend visite afin qu’elle enquête sur le décès suspect d’une prisonnière qu’elles ont toutes deux côtoyée durant leur séjour en tôle. Brigitte Schmitt serait morte étouffée durant la nuit mais personne ne s’est vraiment alarmé, rien de suspect n’ayant été décelé dans cette mort, et Brigitte étant sujette à des crises d’angoisse.

Jessica ne se serait pas inquiétée outre mesure sachant que Brigitte était légèrement mythomane, mais deux de ses frères, purgeant eux aussi une peine de prison, sont décédés dans des conditions pas très catholiques. Trois membres de la même famille décédant dans des conditions étranges en moins de quatre ans, cela seul suffit à Héléna pour se pencher sur ce dossier qui va vite sentir le souffre. Grâce à Serge Guérin journaliste en retraite mais qui a su garder de bons contacts, le père Schmitt est rapidement localisé.

Il vit en caravane non loin d’Avignon, boit outre mesure, violente et terrorise sa compagne, n’osant pas toucher la jeune fille qui vit avec eux. Héléna arrive à apprivoiser les deux souffre-douleur et grâce à leur complicité peut avoir accès à un album photo qu’elle s’empresse de numériser. Elle tâtonne, mais elle tique devant une des photos représentant l’homme avec en arrière plan un château probablement restauré. Ses recherches aboutissent à Clergeac en Lozère et elle décide d’entrer nuitamment dans le parc en passant par une brèche. Sa retraite est plutôt mouvementée, un comité d’accueil lui réservant une désagréable surprise. Des chiens et des hommes l’attendent et elle ne sait ce qu’elle serait devenue sans le renfort providentiel d’un homme qui prend les assaillants à revers.

Le lieutenant de gendarmerie David El Khaïdi est lui-même sur place car le cadavre d’un jeune homme a été découvert dans une réserve où vivent des loups. Or les premières constatations révèlent des traces indiquant que le mort n’est pas parvenu de son plein gré dans l’enclos mais y a été bousculé. Héléna et le gendarme vont unir leurs forces, leurs compétences, leur relations, leur énergie afin de non seulement démontrer le meurtre mais que celui-ci est lié au château. Cette propriété bien connue dans la région et qui abrite un centre de réinsertion pour adolescents en difficulté, principalement des drogués, et avec des résultats probants selon le Colonel qui dirige ce centre, bénéficie de protections haut placées. Ce qui n’a pas empêché trois anciens pensionnaires de décéder et leurs proches ont tenté d’intenter une action en justice. Les dossiers ont rapidement été mis sous l’éteignoir. Mais ce qu’ils vont découvrir, à force de pugnacité, sent le souffre.

Ce roman, qui parfois frise la biographie, est comme un devoir de mémoire, empruntant à des événements qui se sont déroulés quelques décennies auparavant, mais ancré dans un contexte actuel. La résurgence et la présence, de plus en plus flagrantes, de l’extrême-droite, d’éléments fascistes, par actes et par paroles, grâce à des encouragements démagogiques déguisés, sont minimisées, pourtant les faits parlent d’eux-mêmes. Certains pourront penser qu’il s’agit d’une fiction grossière, d’affabulation, mais Roger Martin n’écrit rien à la légère. Fortement documenté, il mélange allègrement personnages réels et fictifs dans une histoire charpentée et pas écrite dans le sens du poil. Fidèle à ses engagements, il ne peut feindre, comme certains hommes politiques, et laisse éclater son courroux parfois avec virulence mais toujours avec justesse. Fidèle à ses amitiés, il sait placer au bon moment des noms comme Joseph Kubasiak, ou des auteurs ou artistes engagés comme Jack London, Jean Ferrat, et bien d’autres. Un excellent roman qui devrait faire réfléchir.

http://mysterejazz.over-blog.com/article-roger-martin-les-ombres-du-souvenir-57187964.html

Interview de Roger Martin

de Bernard Strainchamps

Tu as publié un essai sur le Ku KU Klan. Tu as écrit avec Otero une série BD sur ce sujet dénommé Amerikkka, qui est en à 6 tomes. A présent, tu écris un roman sur la ségrégation dans l’armée américaine durant la seconde guerre mondiale. Pourquoi cet intérêt ?

J’aime à dire que j’ai appris à lire avec Jack London. J’ai donc été nourri dès ma jeunesse par un certain nombre d’auteurs américains. Il y avait aussi Mark Twain et ses Tom Sawyer et Huckleberry Finn, considérés à tort comme des ouvrages pour la jeunesse. Dans Huckleberry Finn, il était déjà question de racisme, d’esclavage et de Ku Klux Klan. Si l’on ajoute que peu après j’ai découvert le splendide La Route de la Liberté d’Howard Fast, qui se déroule pendant la période de la Reconstruction, et aborde les mêmes thèmes, on comprendra que mon intérêt ait duré bien après ces rencontres. Aussi quand j’ai découvert l’extraordinaire J’ai appartenu au KKK de Stetson Kennedy, l’infiltration du Klan en Georgie dans les années quarante par un progressiste blanc, la boucle était presque bouclée. Des certificats de langue et civilisation américaines à la fac d’Aix-en-Provence ont confirmé mes goûts. Je n’ai cessé d’être passionné par le sujet et mon amour des folksingers américains progressistes, blancs et noirs, Woody Guthrie, Pete Seeger, Leadbelly, Paul Robeson ou Cisco Houston m’a poussé toujours plus profondément dans mes recherches. Paradoxalement, bien que je sois passionné par des périodes entières de l’Histoire de France (la Révolution, la Commune de Paris, l’époque contemporaine mais aussi celle de Louis XI, Richelieu et Mazarin…) je crois mieux connaître celle des États-Unis, infiniment plus complexe et riche en surprises qu’on ne le croit trop souvent. Il était donc logique que je m’intéresse de très près à la ségrégation en général et à la ségrégation dans l’armée en particulier.

Tu es un grand spécialiste du roman noir. Tu aurais pu choisir de raconter
cette histoire par un salaud agissant. Tu as opté pour une enquête qui
se déroule aujourd’hui sous Bush 2. Pourquoi ce choix ?

Les salauds ne manquent pas. Ce sont souvent eux qui donnent du piment à un roman ou un film. Mais je ne pouvais faire raconter mon histoire par un salaud. D’ailleurs, en préambule, je dirai que je ne suis pas sûr qu’il y ait d’authentiques salauds dans mon livre. Des lâches, des suivistes, des gens qui craignent par-dessus tout de devoir exercer leur libre arbitre ou d’avoir à faire un choix, ça oui, mais d’authentiques salauds, je ne sais pas. Le père du héros n’en est pas un à mes yeux. Je ne crois pas avoir été caricatural avec lui. Il est aussi le produit de circonstances et d’une histoire qui le condamne à agir comme il le fait, sauf à se suicider ! L’agent - noir- de la DIA, n’est pas plus que lui un méchant total. Mais moi, j’avais besoin d’un être "neuf", naïf. Pas Candide, mais pas si éloigné de lui. Quelqu’un de jeune, dont la vie bascule à un moment où cela pourra l’amener à la changer. Il n’est pas trop tard. Quelqu’un qui se retrouve affronté à des choses et des faits dont il ignore tout, condamné à une adaptation radicale à une situation à laquelle rien ne l’a préparé, quelqu’un auquel le lecteur va pouvoir s’identifier parce que, comme lui, je l’espère, il est ignorant de 80% des faits qui vont être révélés. Quant à la période, l’ère bushienne finissant, elle est indispensable car un des sujets du livre c’est la faille profonde qui court à travers ce que certains s’obstinent à appeler la "communauté noire", une expression aussi mensongère que celle de "melting pot". La question de la ségrégation et du racisme est capitale certes, mais le fossé qui se creuse entre Douglas et son père, la découverte par ce jeune noir qui appartient à une "élite" financière noire d’un monde de Noirs pauvres où l’on ne vit pas, où l’on ne raisonne pas, où les valeurs ne sont pas, comme dans le sien, sont à mes yeux aussi importants. Douglas va peu à peu découvrir qu’on lui a volé une part essentielle de sa propre histoire, lorsqu’il va découvrir L’existence de Paul Robeson, écouter Strange Fruit, entendre l’histoire de la Double V Campaign… Au fur et à mesure que progresse l’action, l’enquête de Douglas, à mon sens, devient une véritable quête. Et cela ne pouvait prendre tout son sens que dans un contexte contemporain.

Nous apprenons que la cour d’appel fédérale américaine a annulé jeudi la
condamnation à mort de Mumia Abu-Jamal. Barack Obama peut encore
remporter les primaires démocrates. N-y-a-t-il pas un espoir de voir
très prochainement un autre visage de l’Amérique ?

Mumia et Barack Obama : deux personnages de mon roman. Le premier, Douglas n’a jamais entendu parler de lui avant de tomber sur une manifestation de flics facho réclamant qu’on le "grille sur la chaise électrique". Le second, inconnu de lui, dont il apprend dans le hall du Pittsburgh Courrier qu’il vient de déclarer sa candidature. Entre ce moment et la fin du roman, Obama a déjà opéré un virage impressionnant vers le centre. Les revendications du début sont mises en veilleuse pour refaire le retard initial sur Hillary Clinton. Inconnu en France (et aux États-Unis) lorsque j’attaque mon livre, Obama est devenu un des hommes politiques les plus connus de la planète. Mais, il n’y a pas à s’y tromper, il n’est ni Malcolm X ni Martin Luther King. Un démocrate moderne, l’équivalent d’un Bayrou. Rien de particulièrement dangereux pour les multinationales qui dirigent le pays. Quant à l’annulation de la condamnation à mort de Mumia, elle n’a rien de définitif, il peut être rejugé et de toute façon, elle s’est assortie de la réaffirmation de sa culpabilité. Près de trente ans qu’il est en prison, autant peut-être à faire. Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

Alors, à mon sens, de tout petits pas. C’est mieux que rien, mais je ne suis pas sûr que cela traduise un changement en profondeur !

Qu’apprécies-tu dans la culture américaine ?

Je l’ai dit, j’ai été nourri au lait de la littérature américaine (bien que je lise beaucoup de romans français et étrangers d’autres pays) et du cinéma américain. Mais c’était justement là que se révélait l’autre Amérique, celle qui dit non, celle qui se dresse contre les préjugés, le racisme, les puissants. Le looser n’a jamais été si beau que dans ces livres et ces films qui vous faisaient ressentir une chose très simple et très bête, mais essentielle, l’impression que le mal n’était pas toujours irrémédiable, que l’argent ne dominait pas toujours l’être humain, que la vérité et la justice avaient encore un sens. J’ai cité Pete Seeger, que Bruce Springsteen a honoré dans son superbe The Seeger Sessions, son avant-dernier disque. Près de 90 balais, toujours sur la brèche. Un type qui inscrivait sur ses méthodes de banjo et de guitare qu’aucun droit ne lui était réservé parce que ce qu’il expliquait, ce qu’il enseignait, il l’avait appris au contact des autres et que cela ne lui appartenait pas ! Alors, oui, je suis amoureux de cette Amérique là, je suis heureux que des Pete Seeger, des Joan Baez, des John Berry, des James Lee Burke existent ou aient existé. Grâce à eux (et beaucoup d’autres, dans d’autres pays) j’ai toujours envie de croire en l’être humain !

On sent que tu t’es fait plaisir à décrire la France par les yeux d’un
jeune américain influencé par un père pro Bush. Non ?

Bien sûr, cela permet quelques clins d’œil, quelques piques pas vraiment assassines, mais je n’ai rien inventé. Montesquieu, Voltaire et quelques autres l’ont fait beaucoup mieux que moi il y a plusieurs siècles. C’est un procédé bien connu ! Mais cela me permet aussi de détendre un peu une atmosphère souvent oppressante. Jusqu’à ce que mort s’ensuive est avant tout un roman noir. Très noir. Tout espoir n’en est pas absent, mais ces private jokes permettent ici et là de marquer une pause entre deux moments très durs.

Les falsificateurs de l’histoire sont à l’oeuvre partout et de tout
temps. Sauf qu’aujourd’hui, ils disposent d’outils de contrôle qui les
rendent pratiquement omniscients. Tu as très bien mis cela en scène dans
ton roman. L’activisme politique est-il condamné ?

Je n’aime pas ce terme d’activisme. Je lui préfère le bon vieux militantisme et je ne le crois pas dépassé. J’aime les rebelles. J’en suis un je crois. Que serait le monde sans ces gens qui ici ou là, aux États-Unis, en Chine, en Birmanie ou ailleurs, se dressent tout à coup contre l’arbitraire. Ils n’ont pas de vocation de héros, ce sont souvent des gens très simples, mais un jour, parce que les limites du supportable ont été franchies, ils prennent la parole et deviennent, comme le proclame le magnifique film de Francesco Rosi, "des hommes contre". Des hommes qui sont d’ailleurs, de plus en plus souvent, des femmes. Les moyens modernes sont terrifiants certes, mais le pire, c’est parfois ce terrorisme mou qui permet aux bourreaux de donner à leurs victimes le goût de leur geôle. Je crois que l’art et la littérature peuvent alors, plus que jamais être "une arme chargée de futur". Cela dit, je continue de penser que les ouvriers roumains de Dacia donnent aussi, une formidable preuve que le pire n’est jamais sûr !

Douglas Bradley n’a rien d’un révolutionnaire. On le ferait rire si on lui disait qu’il met en péril les valeurs conservatrices auquel il adhère pleinement. Et pourtant, il va suffire d’un grain de sable pour que tout son bel édifice de certitudes s’écroule…

Cela dit, mon roman se garde de tout préchi-précha. C’est avant tout, même s’il renferme quelques révélations, comme en témoigne l’avertissement que j’ai choisi de placer à la fin du volume, un récit plein de suspense. S’il permet en outre une véritable réflexion, et des découvertes, tant mieux !

http://www.bibliosurf.com/Interview-de-Roger-Martin