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Les Palestiniens en Israël et dans les Territoires Occupés : chercher la justice à l’étranger

Publie le lundi 3 octobre 2005 par Open-Publishing

N’ayant plus aucune confiance dans le système judiciaire israélien, les Palestiniens en Israël et dans les Territoires Occupés estiment devoir chercher justice auprès des cours de justice internationale, et spécialement en Europe pour leurs nombreux griefs vis-à-vis de l’état hébreu.

Les Palestiniens comme les militants étrangers des droits de l’Homme se sont longtemps plaints du fait que le système judiciaire israélien ne rendait pas justice de façon équitable lorsqu’il s’agissait de non-juifs, et particulièrement d’Arabes. Un député Arabe de la Knesset décrivait la semaine dernière le système judiciare israélien comme « accommodant pour les juifs et répressif pour les non-juifs ».

« La vérité », disait Ahmed Teibi, « est qu’un Palestinien ne peut pas se faire rendre justice en Israël, ni ici, ni dans les Territoires Occupés ». Il faisait référence à une étude faite par un professeur de l’université d’Haïfa, Arieh Ruttner, démontrant que les cours israéliennes pratiquent une discrimination systématique contre les Arabes, qu’ils soient dans la défense ou parmi les plaignants.

La remarque de Teibi est une réaction à l’acquittement, décidé la semaine passée par une commission d’enquête du ministère israélien de la justice, des policiers coupables du meurtre de 12 manifestants arabes en octobre 2000. La police paramilitaire avait alors ouvert le feu sur des milliers de « 48ers » - c’est-à-dire des Palestiniens chassés de leur domicile après la guerre de 1948 qui a eu pour effet d’expulser les ¾ de la population palestinienne de ce qui sera proclamé peu après comme étant l’état israélien - qui manifestaient contre la répression sanglante appliquée à l’encontre des Palestiniens de Cisjordanie. La commission a décidé qu’il n’y avait pas moyen de déterminer l’identité des tueurs, disant qu’elle n’avait d’autre choix que de classer les dossiers d’accusation de tous les officiers de police impliqués dans les meurtres.

Choqués par cette absolution donnée aux assassins, Teibi, le responsable du Mouvement Islamique Sheikh Raed Salah et d’autres responsables de la communauté Arabe en Israël disent maintenant vouloir en appeler à la Cour Internationale de Justice de la Haye. « Si un Etat ne peut pas ou ne veut pas rendre justice à une partie de ses propres citoyens, ces citoyens-là ont tout à fait le droit de chercher justice à l’extérieur contre leur propre Etat », a déclaré Azmi Bishara, un autre député Arabe à la Knesset. « Nous continuerons de poursuivre tous ceux qui sont responsables du meurtre de nos enfants, devant les cours israéliennes comme devant les instances internationales », a fait savoir le juriste Muhammed Baraka. « Si la justice israélienne ne peut pas ou ne veut pas assister ses citoyens, alors ceux-ci doivent se tourner d’un autre côté. »

Dimanche 25 septembre, des centaines de Palestiniens d’Israël ont manifesté à Jérusalem contre ce qu’un des manifestants à décrit comme « le racisme inhérent du système judiciaire israélien à l’égard des non-juifs ». Les protestataires criaient également des slogans et portaient des pancartes sur lesquelles était écrit : « Barak ! N’aie crainte ! Nous t’attendons à La Haye ! », faisant référence à l’ancien premier ministre israélien Ehud Barak, et « Avec Péres, Ezra et Sharon , c’est le fascisme qui gouverne ! ».

Si la « justice » appliquée aux citoyens Arabes israéliens est mauvaise, le traitement judiciaire infligé aux Palestiniens dans les Territoires Occupés est bien pire, et au-delà du scandaleux, car l’armée israélienne d’occupation se comporte et agit souvent à la fois comme enquêteur, juge et exécuteur de justice, et en plus comme meurtrier. La semaine dernière, le chef d’état-major israélien Dan Halutz a décidé de ne prendre aucune mesure disciplinaire contre les soldats qui le 24 août ont assassiné de sang froid cinq Palestiniens, y compris trois adolescents. Halutz est largement considéré, même par des israéliens, comme un criminel de guerre pour avoir ordonné le lancement d’une bombe d’une tonne sur un immeuble d’appartements à Gaza en 2002, tuant ainsi 14 personnes dont 11 enfants. L’armée israélienne avait alors sèchement déclaré dans un communiqué que parmi les victimes se trouvaient cinq « terroristes » du Jihad Islamique impliqués dans des attaques contre Israël.

Une enquête menée conjointement par l’organisation israélienne B’Tselem et le journal Ha’aretz avait conclu au contraire qu’aucune des cinq victimes mentionnées ne portaient d’arme au moment où le bombardement à eu lieu, et qu’aucune des victimes n’appartenait à un groupe militant.

Comme cela est habituel dans les cas où intervient la mort de civils Palestiniens, les résultats des enquêtes ont été ignorées par l’armée israélienne qui, selon B’Tselem, est responsable du meurtre de plus de 1700 civils Palestiniens innocents depuis septembre 2000. Le laxisme évident avec lequel la justice israélienne traite les forces de sécurité israéliennes qui se sont rendues coupables d’avoir assassiné ou estropié des Arabes et d’avoir démoli à coups de bulldozers leurs maisons ou leurs fermes, a poussé les Palestiniens et plusieurs groupes israéliens militant pour les droits humains à documenter de façon méticuleuse ces aggressions.

Ces efforts ont commencé il y a quelques jours à porter leurs fruits lorsque la police londonienne [anti-terroriste et contre les crimes de guerre] a lancé un mandat d’arrêt contre Doron Almog, ancien chef de l’armée israélienne dans la Bande de Gaza.

Plus précisément, le mandat était basé sur la destruction de maisons palestiniennes à Rafah, ainsi que sur l’implication d’Almog dans le meurtre d’une femme enceinte de neuf mois (Nouha Al-Magadmeh, le 3 mars 2003), le meurtre de trois jeunes hommes au nord de Gaza le 30 décembre 2001, et le lancement sur un immeuble d’appartements d’une bombe énorme qui avait tué le responsable du Hamas Salah Shehadeh et au moins 11 enfants.

Almog, qui était arrivé à Londres sur un vol d’El Al le 11 septembre, est resté plusieurs heures à bord de l’avion de ligne israélien à l’aéroport d’Heathrow avant de retourner en Israël.

Il est largement admis que quelques responsables britanniques pro-israéliens ont prévenu l’ambassadeur israélien Zvi Hefez du mandat d’arrêt lancé contre Almog, ce qui a permis à celui-ci de retourner honteusement en Israël. Selon les sources britanniques, le juge londonien Timothy Workman est à l’origine de la requête contre Almog sur la demande du cabinet de juristes Hickman & Rose, spécialisé dans les lois ayant trait au droits de l’Homme. Les mêmes sources nous ont fait savoir que la société Hickman & Rose avait appris le projet de séjour à Londres d’Almog quelques jours auparavant, donnant ainsi la possibilité aux hommes de loi de préparer un mandat d’arrêt qui lui serait destiné.

A ce qu’il parait, la firme britannique avait travaillé en étroite liaison avec des associations palestiniennes intervenant dans le domaine des droits humains, incluant le PCHR [Palestinian Centre for Human Rights de Gaza], et qui avaient documenté les violations du Droit perpétrées par l’armée israélienne dans les Territoires Occupés. Un juriste palestinien a déclaré à Al-Ahram Weekly que son association préparait une liste d’israéliens soupçonnés d’être des criminels de guerre et que cette liste pourrait être présentée devant les cours internationales de justice. La liste, selon lui, inclut des responsables militaires israéliens en Cisjordanie et d’autres membres de l’armée qui ont ordonné et exécuté des actes violant la loi internationale comme crimes de guerre ou crimes contre l’humanité.

C’est un fait qu’Israël continue de violer la loi internationale et en particulier la Quatrième Convention de Genève qui concerne la protection des populations civiles durant les conflits armés. Pour exemple, la nuit du samedi 24 septembre, les forces aériennes israéliennes ont attaqué et détruit une école dans les faubourgs de la ville de Gaza, blessant plus de 15 civils dont un bébé d’à peine 40 jours. L’armée israélienne a admis avoir visé l’école, disant que l’ancien responsable spirituel du Hamas, Sheikh Ahmed Yassin que les israéliens avaient assassiné deux ans plus tôt, y avait habité.

En attendant, l’affaire Almog a encouragé les Palestiniens de Jérusalem Est dont les maisons ont été démolies par les autorités d’occupation israélienne, à préparer un dépôt de plainte devant la justice britannique pour obtenir réparation face à des crimes de guerre commis par des israéliens. Les plus concernés par cette possibilité de dépôt d’une plainte sont Micha Ben-Nun et Zvi Schneider, responsables d’un département de la municipalité de Jérusalem et qui ont donné l’ordre des démolitions de maisons appartenant à des Arabes.

« Nous avons préparé ce recours depuis près de 6 mois », nous a dit Meir Margalit du Comité Israélien Contre les Démolitions de Maisons. « Nous sommes en contact avec l’homme de loi britannique Daniel Machover, dont le bureau est spécialisé dans les questions de droit humain. Notre principale accusation est basée sur le fait que les démolitions de maisons de populations civiles innocentes sont une violation de la loi internationale, et spécialement de la Quatrième Convention de Genève. »

Margalit dit croire que d’ici quelques années tous les pays de l’Union Européenne seront interdits d’accès pour ceux qui sont impliqués dans des démolitions de maisons de familles Arabes.

Le gouvernement israélien a réagi avec colère à la menace que des israéliens soient déférés pour des crimes de guerre devant des cours étrangères de justice. Plus tôt cette semaine, alors qu’il se trouvait à New York, Sharon protestait auprès de Tony Blair, lui disant moitié en plaisantant qu’il était réticent à l’idée de visiter Londres par peur d’être arrêté par la police londonienne pour cause de crime de guerre. A ce qu’il parait, Blair s’est excusé de l’affaire Almog, mais a répondu qu’il n’y pouvait rien à cause de la parfaite indépendance du système judiciaire britannique.

L’ambassadeur britannique en Israël, Simon McDonald, suite à une question posée par Al-Ahram Weekly mardi dernier, a répondu de la même façon. « La Grande Bretagne est fière de l’indépendance de ses tribunaux. Le gouvernement britannique ne peut dicter quelles plaintes individuelles sont déposées ou non devant les cours. L’expérience montre que les tribunaux britanniques ne tolèrent pas d’être abusés par des plaintes insignifiantes. »

Pour sa part, le gouvernement israélien à décidé dimanche 25 septembre d’allouer un fond d’aide spécial pour un montant d’un million de dollars afin de couvrir les possibles frais de justice au cas où des israéliens accusés de crimes de guerre soient arrêtés et poursuivis dans des pays étrangers.

Al Ahram Weekly.

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