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Les diamants, un travail pauvre et sale

Publie le samedi 30 octobre 2004 par Open-Publishing
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de MARINA FORTI

Une riche affaire, les diamants mais pas pour ceux qui les extraient de la terre :
surtout pas pour les chercheurs artisanaux. Extraire les diamants peut être un
travail artisanal ou une industrie moderne et mécanisée. Cela dépend de la nature
du terrain et du gisement : il y en a de souterrains et alors les creuser est
une question de mine avec des galeries qui s’enfoncent en profondeur. Et il y
a les diamants alluvionnaires, traînés dans le lit des fleuves par les grandes
pluies : chercher des diamants est alors un travail artisanal, des pelles et des
tamis et des journées, les pieds dans la boue, à creuser, tamiser, laver. Une
vie misérable et un gain de subsistance. Deux organisations qui connaissent bien
la filière des diamants ont mené une enquête "sur le terrain" dans trois pays - Angola, République Démocratique du Congo et Sierra Leone - où la production alluvionnaire est très importante et occupe plus ou moins un millions de chercheurs : aucun ne fait plus d’un dollar par jour en moyenne, un revenu de "pauvreté absolue".

C’est une enquête de Global Witness, organisation dont le siège est à Londres et qui s’occupe du lien pervers entre certaines matières premières et les conflits ; et de Partnership Africa Canada, organisation canadienne. Deux des organisations d’aide internationale ou pour les droits humains ont dénoncé, dans les années 90, comment les diamants ont été utilisés par des armées rebelles et régulières pour financer certains des plus sanguinaires conflits africains (justement dans les trois pays considérés : Angola, Congo et Sierra Leone). On les appelait les "diamants sanglants" : leur dénonciations ont amené à des enquêtes des Nations Unies, des embargos, et finalement à un accord négocié multilatéral appelé "Kimberley Process", du nom de la ville sud-africaine où se réunirent pour la première fois les représentants des pays producteurs et acheteurs de diamants et les plus grandes entreprises minières et commerciales.

Le Kimberley process (Kp) s’est traduit à la fin par un accord entré en vigueur le 1er janvier 2003, sponsorisé par l’Onu : il dit que tout diamant brut doit avoir un certificat du gouvernement du pays exportateur, de manière à garantir qu’il ne provient pas d’une région en guerre (personne ne pourra plus vendre ni acheter de pierres sans ce certificat). Chaque pays est responsable de ce qu’il affirme, son certificat est considéré comme bon et il n’y a pas de système obligatoire d’inspection - ce que les organisations pour les droits humains considèrent comme une faiblesse du système. Mais il y a un système de monitorage volontaire qui après tout s’est démontré efficace : au point qu’après une enquête du Kp, au printemps de cette année, la République Démocratique du Congo a été exclue pour d’évidentes violations.

Depuis hier, à Ottawa, au Canada, le Kimberley Process tient son assemblée plénière annuelle : il y a les représentants de plus de 40 pays désormais, des industries et des entreprises commerciales, et des Nations Unies. Et c’est bien pour cela que Global Witness et la Pac ont diffusé leur enquête sur la façon dont les diamants perpétuent la pauvreté pour ceux qui les cherchent (Rich man, poor man : Development diamonds and poverty diamonds. Une seconde enquête analyse par contre la fragilité des mécanismes de contrôle internes à de nombreux pays : The Key to Kimberley : International diamonds controls. Cf :www.globalwitness.org). Ils démontrent que les diamants alluvionnaires ne produiront jamais un grand rendement pour les gouvernements en question parce qu’il est en fait impossible de taxer une production aussi fragmentée et artisanale. Ils décrivent surtout la pauvreté des chercheurs, des gens qui travaillent "à leur compte" mais qui doivent souvent payer des protections à ceux qui contrôlent le territoire, ou aux intermédiaires qui rachètent leurs pierres : "ils travaillent dans une économie/casino, ils espèrent devenir riches" mais réussissent seulement à se maintenir debout dans la boue ; le mythe du gain continue pourtant à attirer des gens sans autres possibilités économiques - alors que la violence, les vols et la contrebande sont latents. "Tant que les chercheurs de diamants africains n’auront pas un revenu décent pour leur travail, fait remarquer Ian Smillie de Partnership Africa Canada, "les pierres seront toujours un facteur déstabilisant dans ces pays".

Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/28-Ottobre-2004/art89.html

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