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Les éducateurs ne veulent pas devenir des indicateurs

Publie le samedi 14 octobre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Prévention de la délinquance . Devant la mairie de Marseille, hier midi, comme dans plusieurs villes du pays, les professionnels étaient mobilisés contre la future loi sarkozyenne.

Marseille(Bouches-du-Rhône),

correspondance particulière.

« Avec cette loi, on passe du statut d’éducateur à celui d’indicateur ; la régulation sociale est transformée en contrôle social, toute marge éducative disparaît. Je travaille aujourd’hui avec un juge des enfants et mon futur interlocuteur devrait être le maire. Tout ce projet est une porte ouverte à la remise en cause de la justice adaptée pour les mineurs. Je suis ici pour faire passer ce message à celui ou celle qui sera élu en 2007. » Éducateur spécialisé à la protection judiciaire de la jeunesse de Marseille et syndiqué au SNPES, Vincent Massai était présent avec plus d’une centaine de travailleurs sociaux, hier midi, devant la mairie.

contre la délation

À l’appel de nombreux syndicats et associations, ils s’étaient rassemblés pour protester contre la nouvelle loi Sarkozy de prévention de la délinquance, déjà votée au Sénat, qui fait la clé de voûte de toute la politique qu’ils ne peuvent plus qualifier de préventive.

« Dès qu’un travailleur social va repérer un problème chez un jeune ou une famille, il devra en rendre compte au maire, dont le pouvoir de police sera renforcé au détriment de l’aide sociale et de sa fonction de magistrat au service de tous les citoyens », estime ainsi Henri Saint-Jean, formateur et responsable CGT action sociale. « Ce projet fait de tout citoyen un coupable potentiel, fiché... C’est une révolution philosophique de la fonction du travailleur social. Ce projet est le fruit d’une volonté politique : celle d’un ministre candidat qui veut placer la sécurité au centre des débats, avec les effets que l’on a vus en 2002, en occultant les droits au travail, au logement et à la santé. »

pour l’action sociale

Cette loi effraie même les futurs professionnels aujourd’hui en formation, telle Sophie, étudiante en 2e année pour devenir éducatrice jeunes enfants. « Ce projet s’attaque à la crédibilité du travail social qui est bâtie sur la confiance, explique-t-elle. En remettant en question notre secret professionnel, c’est toute l’éthique de nos métiers qui est jetée à terre. »

Éducatrice spécialisée de nuit à l’Association pour la réadaptation sociale (ARS) de Marseille, Laura ne dit pas autre chose : « On n’est pas des indics de police. Il est déjà difficile d’entrer en contact avec un public en rupture, ce sera encore plus compliqué avec cette loi. Or, si ce lien, souvent le seul, est rompu, la personne risque de tomber dans une marginalisation plus grande encore. Je suis présente aujourd’hui pour protester contre la stigmatisation grandissante des populations défavorisées, une vision simpliste et dangereuse des choses. »

« La véritable prévention, c’est l’action sociale, rappelle Me Rémy Cuisiniez, représentant du Syndicat des avocats de France. Nous, avocats, sommes sensibilisés à ces questions de secret professionnel et sommes à vos côtés pour lutter contre ce projet particulièrement délétère. » Les manifestants ont annoncé qu’ils allaient faire écrire en masse aux parlementaires et au premier ministre pour souligner les dangers portés par cette loi en leur demandant de ne pas la voter.

« Personne ne veut de ce projet, ni les professionnels, ni les associations, pas plus qu’une majorité de maires de droite. Cette loi, c’est 51 articles qui partent dans tous les sens, un texte vite fait et mal fait », constatait Marie Arlette Carlotti, vice-présidente du Conseil général, en charge de la protection de l’enfance, et députée européenne (PS), venue soutenir les manifestants. « Les gens doivent comprendre que ce texte n’est pas une solution à la délinquance dont ils souffrent parfois, mais un retour en arrière pour les libertés individuelles. Nous allons maintenant relayer politiquement ce message. »

Marc Leras, L’Humanité

Messages

  • Cela rejoint la pratique de la délation qui se généralise dans l’Education Nationale, voir l’article de "Aujourd’hui en France", samedi 14 octobre : des parents dénonçant des profs, des profs dénonçant des collègues, des profs dénonçant un inspecteur et les supérieurs hiérarchiques dont le ministre, qui sanctionnent et virent sur simple dénonciation. C’est le résultat conjoint de la baisse du nombre d’emplois et de la promotion au mérite, essentielle pour des salaires d’enseignants qui ont diminué de moitié par rapport au SMIC (passés de 2,5 SMIC à 1,2 SMIC en quelques années) . Chacun essaye de se placer en démolissant l’autre. Joyeuse ambiance de dénonciation à l’école sur fond de chasse aux immigrés, de camps de rétention, d’enfants de certaines ethnies arrêtés en classe et jamais revus etc.... Cela ne vous rappelle toujours pas Vichy ?

  • Cette loi a déjà été approuvée par les Sénateurs. Et maintenant c’est au tour des élus du peuple (les députés) de se prononcer.
    Le pire c’est qu’ils se basent sur un travail fait par l’Inserm sur les enfants "agités" en bas âge. Ce travail a abouti au fait qu’un enfant "agité" peut devenir ultérieurement un "délinquant". Et ils préconisent de le traiter avec la pilule qui rend docile : la RITALINE* qui est un médicament américain utilisé "largua manu" aux Etats-Unis par les pédo psychiatres. Le seul fait de dénoncer un enfant comme "hyper actif" peut faire de lui un futur suspect de délinquence et donc justiciable de cette pilule amère et infame qu’est la Ritaline. Faut-il aller les chercher dans les maternelles ou même dans les maternités ces futurs "racailles" de Sarko ?
    Je pense que si la loi passe en France, le devoir des médecins et de tous les travailleurs sociaux est de s’y opposer en pratique. Ne jamais dénoncer à un administratif communal. Il faut que le problème soit traité sur le plan médical uniquement.
    Rappelez-vous : "Se révolter est un droit, se rebeller est un devoir".

    Herbe Rouge