Accueil > Les faux philosophes du régime

Les faux philosophes du régime

Publie le mardi 19 août 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

« Les ennemis de toute politique autre que celle qu’ils nomment très à tort "démocratie", vu qu’elle est, de notoriété publique, le pouvoir d’une maigre oligarchie de dirigeants d’entreprise, de détenteurs de capitaux, de politiciens consensuels et de stars médiatiques, ont inventé depuis quelques années un truc dont ils usent maintenant contre quiconque leur déplaît : insinuer qu’il est antisémite. J’ai l’honneur d’être flanqué de vrais professionnels de cette insinuation. » (Tout antisarkozyste est-il un chien ?, Le Monde, 24 juillet 2008, http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-3232,50-1076627,0.html )

Cette affirmation d’A. Badiou est une réponse aux attaques de B. Henri Levy et de P. Assouline, qui insinuent que l’auteur de ces mots flirterait avec l’antisémitisme (*), affirmation parfaitement illustrée par le commentaire d’un obscur "philosophe", Daniel Franco :

"On en conclura, en bonne logique, que s’attaquer à l’oligarchie revient toujours jusqu’à un certain point à s’attaquer aux juifs, bref, que derrière le très reconnu pouvoir des riches opère secrètement un règne des juifs." (**).
Socrate était grec, donc tous les Grecs se nomment Socrate. Socrate était homosexuel, donc tous ceux qui n’aiment pas Socrate sont homophobes...

Ces penseurs de supermarché que sont B. Henri Levy, A. Adler, L. Joffrin, et autres Ph. Val, et maintenant D. Franco choisissent des idées, des oeuvres et des courants de pensée pour cibles et utilisent l’arsenal médiatique qui est à leur service pour les dénaturer, pour les corrompre, afin de leur donner une connotation idéologique. Ainsi, s’amuser de la signification magyare du nom de sarko serait-il synonyme d’antisémitisme. On atteint la quintessence du ridicule. Pauvres trissotins !

Cette manière grotesque de procéder pourrait faire sourir, tant elle est navrante. Cependant, il ne faut pas se réjouir trop vite en se moquant des accusations proférées par des parisianistes pédants :

En premier lieu, la méthode est parfaitement déloyale, puisqu’il leur suffit de focaliser sur les propos ou les écrits d’une personnalité jugée comme étant "ennemie", et de les revêtir du qualificatif d’ "antisémite", pour la neutraliser en la mettant hors-jeu durablement, l’antisémitisme étant une chose abjecte. De plus, ces accusations sont gravissimes pour la pensée elle même. Elles font d’abord, le temps d’une polémique, de l’antisémitisme la seule distinction entre les "bons" et les "méchants". Bien entendu, ceux qui ont des opinions éloignées de celles en vigueur à la Cour sont placés dans la catégorie "antisémite" : ainsi, les Français situés à gauche du parti socialiste sont des antisémites ; ainsi, ceux qui ne sont pas atlantistes sont antisémites ; il en va de même pour ceux qui sont touchés par le sort réservé aux Palestiniens, et bien sûr pour ceux qui s’estiment anti-sionistes, tout comme pour ceux qui doutent de la version officielle concernant les attentats du 11 septembre.

Elle s’attaque donc à la pensée car elle est une violence faite aux convictions morales et politiques d’une très grande majorité des Français, convictions qui se sont notamment forgées après la Seconde Guerre mondiale et qui se résument en quelques points fondamentaux :

 les racistes, quelqu’ils soient (antisémites, anti-noirs, anti-arabes, etc), sont des ennemis de l’Humanité ; l’extrêmisme de droite est par essence raciste ;

 la gauche (pas seulement socialiste, évidemment) peut porter des idées humanistes ;

 le pacifisme est une qualité ;

 les rapports sociaux ne doivent pas être fondés sur la prédation ;

 le meilleur système politique possible à mettre en place est la république sociale.

Or, force est de constater d’une part que lorsque ces penseurs d’opérette participent à des polémiques (qu’ils ont souvent eux-mêmes provoquées), l’obsession de voir des antisémites partout donne l’impression qu’il existerait plusieurs formes de racisme ayant chacune un degré différent de gravité ; d’autre part que les attaques sont curieusement portées non pas contre l’extrême droite mais contre la gauche non affiliée au PS ; ensuite que certains de ces philosophes auto-proclamés sont des va-t-en guerre : l’un applaudissant l’invasion de l’Irak décidée par les faucons américains, l’autre donnant une justification à l’intervention géorgienne en Ossétie du Sud et trouvant légitime une intervention des Etats-Unis et de l’UE contre les Russes (***) ; et enfin que leurs invectives surviennent au moment où les individus au pouvoir dans notre pays procèdent au démantèlement de la République sociale (destruction de l’Education nationale, destruction du système de santé, privatisation accélérée du réseau des transports...), mettent fin au rôle de la France comme terre d’accueil, et pompent littéralement les richesses du pays en les redirigeant vers les plus riches : aucune de ces ignominies n’est dénoncée par ces bien-pensants.

Les méthodes de ces prétendus "philosophes" sont très loin des idées des Lumières et de la Raison, et font plutôt penser à l’Inquisition ou à la chasse aux sorcières. Dans "Le Nom de la Rose", le moine qui empoisonne quiconque voudrait étudier Aristote (provocant l’arrivée de l’inquisiteur Bernard Gui) est violemment opposé au rire. Taxer d’ "antisémite" une remarque amusante sur le nom de famille d’un président (qui ne l’est pas du tout, lui), ou bien mener une campagne haineuse contre un caricaturiste, cela revient à se comporter comme ce moine intolérant et mauvais.

Enfin, et c’est aux directions des grands journaux et aux maisons d’édition que je m’adresse : qu’est-ce qui justifie que les propos de ces "penseurs" soient à ce point mis en valeur ? Leurs réflexions sont souvent de mauvaise qualité, ils participent à des campagnes de dénigrement, ils sont haineux et agités. Trouvez-vous par ailleurs normal, sain, que des individus s’attribuent eux-même le titre de "philosophe" ? Il est donc temps de poser la question de la légitimité de ces pseudo-intellectuels, cette problématique pouvant être étendue aux autres domaines de la pensée qui sont médiatisés (****).

Notes :

* « Dans un livre récent, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Alain Badiou s’autorisait de sa juste lutte contre l’ immonde pour réintroduire dans le lexique politique des métaphores zoologiques ( les rats … l’homme aux rats ) dont le Sartre de la préface aux Damnés de la terre avait pourtant démontré, sans appel, qu’elles sont toujours la marque du fascisme. », http://www.lemonde.fr/archives/article/2008/07/21/de-quoi-sine-est-il-le-nom-par-bernard-henri-levy_1075542_0.html

** Badiou, les chiens, les rats, les taupes, Libération, 30 juillet 2008 , http://www.liberation.fr/rebonds/342004.FR.php

*** « 
Qu’attendent l’Union européenne et les Etats-Unis pour bloquer l’invasion de la Géorgie, leur amie ? (...) Il est temps de changer de méthode. »
, écrivent Glucksmann et Henri-Lévy dans un article publié par Libération, jeudi 14 août dernier ( http://www.liberation.fr/rebonds/345021.FR.php ).

**** Ainsi, l’on peut se demander pourquoi les opinions d’individus tels que les frères Bogdanoff ou encore C. Allègre sont d’une manière aussi abusive relayées par les médias. Qu’ont-ils fait de si intelligent qui justifie leur poids dans les journaux et à la télévision ?

Messages

  • Qu’ont-ils fait de si intelligent qui justifie leur poids dans les journaux et à la télévision ?

    Ils vont-à-la-soupe. Il font ce que la mafia leur dit de faire. Ils lèchent les semelles de qui leur donnera un sussucre. S’ils ont un âme, ils ont mis leur porte-feuille dessus. S’ils ont une intelligence, ils l’ont mise au service de leur porte-feuille.

    Les générations futures - s’il y en a - ne leur en sauront pas gré.

  • Et bien, ça ne m’arrive pas souvent mais là, je suis d’accord avec tout ce qui est écrit ici. Personnellement, je suis surtout choqué par la hiérarchie qui est faite entre les différentes formes de haines. Je ne sais pas pourquoi l’antisémitisme serait plus grave que le racisme "traditionnel" ou l’homophobie, par exemple.

    Ensuite, j’ajouterai ceci à la liste que vous avez faite des nuisances de cette façon de penser (ou cette façon de ne pas penser) : Cela nuit aux juifs eux-mêmes. Si tout le monde est antisémite, c’est autant dire que personne n’est antisémite, or, il y a bien des antisémites.

    Je vous remercie pour ce blog que je découvre aujourd’hui.