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Les marins-pêcheurs et la mondialisation

Publie le dimanche 1er juin 2008 par Open-Publishing

ANTOINE MAURICE

Les marins pêcheurs de la côte atlantique française sont en grève contre le prix du carburant. Et rien ne parvient à persuader certains d’entre eux de reprendre le travail. Au contraire, d’autres professionnels de la pêche en Italie, en Espagne et au Portugal leur emboîtent le pas, parce que leur protestation a ainsi plus de chances d’être entendue par la Commission européenne qui gère la politique commune de la pêche.

Les marins pêcheurs ont un côté attachant, presque romantique. Vu de Suisse, ils habitent l’extrémité du continent européen bordée par l’océan, ce qui donne à ce dernier sa forme et sa nature océane.

Ensuite, parce que comme les agriculteurs et de façon peut-être plus héroïque, ils arrachent à la nature une partie croissante de notre alimentation. Les travailleurs de la mer n’ont jamais eu la vie facile, ni sous la forme traditionnelle des petits patrons de pêche, ni comme marins ou employés de ces derniers.

Le travail se fait en grande partie de nuit, les heures sont interminables, le gros temps est fréquent, la vie de famille est éclatée. Tout cela pour des rémunérations qui aujourd’hui couvrent de moins en moins les coûts.
L’autre rive atteinte par les marins pêcheurs est leur embarquement progressif dans un monde plus vaste que l’océan lui-même. La grève les oppose aujourd’hui en apparence au gouvernement français et sur le prix du pétrole.

Mais derrière le gouvernement il y a la pêche industrielle, développée d’abord par les Coréens et les Japonais, qui couvre désormais toutes les mers du monde de façon plus efficace que la pêche traditionnelle. Il y a surtout une gestion des fonds marins et des flottes par la politique communautaire de la pêche.

Cette politique tente de faire entrer les pays de pêche au même pas dans la modernité industrielle, en pesant sur leurs filières : modernisation des flottes et de la transformation du poisson. Elle pèse principalement sur la répartition des ressources en poissons par les quotas de « capture » qui, en plus de leur but de conservation des espèces et des stocks, favorise forcément les pêches les plus industrialisées, comme celles du Danemark ou du Royaume-Uni.

En somme, les marins pêcheurs français comme d’autres professions avant eux se voient placés devant la mise en demeure du progrès technologique et de la viabilité économique, accélérée par les effets du marché mondial : souci écologique de la gestion, délocalisation des industries vers des flottes à bas coût, concentration de la grande distribution entre quelques corporations qui monopolisent la marge bénéficiaire et maintenant prix déchaîné du carburant.

La politique communautaire, censée les protéger, expose donc aussi les marins pêcheurs au vent du plus grand large, celui de la mondialisation. Ce ne sont pas les premiers qui se trouvent ainsi pris, localement, dans la nasse.

Il est difficile de leur demander de participer de bon cœur à leur disparition ou leur reconversion, comme dit l’euphémisme de la mondialisation.