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Les patrons du CAC 40 se sont largement augmentés en 2003

Publie le mardi 11 mai 2004 par Open-Publishing
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Malgré la morosité économique, la rémunération des dirigeants est restée en
hausse, ainsi que la distribution de stock-options. Les PDG des anciens
fleurons du secteur public, tels que Renault ou France Télécom, n’ont plus
rien à envier à leurs homologues du privé.

Tous avaient juré de faire preuve de mesure. Face à la mission
parlementaire, enquêtant sur les rémunérations patronales à la fin 2003,
certains dirigeants de grands groupes s’étaient même engagés à limiter leurs
prétentions financières à l’avenir.

Obligés par la loi sur les nouvelles régulations économiques de publier
leurs salaires, les PDG semblent loin d’avoir tenu leurs promesses.

En dépit de la morosité économique, des pertes pas encore toutes digérées
des années précédentes, les responsables des entreprises du CAC 40 ont connu
une année faste. En moyenne, leur rémunération - incluant le salaire fixe,
la partie variable calculée sur les résultats 2002, les jetons de présence
comme administrateur de leur groupe et de leurs filiales, et les avantages
en nature - s’est élevée à 2 millions d’euros, en hausse très sensible.
Celui d’Edouard Michelin, gérant du groupe de pneumatiques, a progressé 146
%, à 4,26 millions d’euros. En dehors de cette hausse très spectaculaire,
qui masque peut-être un début de règlement de succession patrimoniale,
l’augmentation a été en moyenne de 11,4 %. En 2003, la moyenne des
augmentations pour les salariés en France a été de 2,5 %.

Alors que les patrons français se sont considérés pendant longtemps comme
mal payés face à leurs homologues américains, ils sont peu à peu en train de
combler leur retard. Avec 6 millions d’euros, Lindsay Owen-Jones, PDG de
l’Oréal, est le dirigeant le mieux rémunéré de France. Il est aussi le seul
à avoir réalisé dix-huit ans de croissance à deux chiffres pour son groupe.
Sa rémunération soutient la comparaison avec les patrons d’outre-Atlantique,
si on exclut les stock-options. Antoine Zacharias (Vinci), Daniel Bernard
(Carrefour), Daniel Bouton (Société générale) ne dépareillent pas non plus.

Une certaine exception française semble même se dessiner par rapport au
reste de l’Europe. Les patrons français paraissent gagner bien plus qu’un
certain nombre de leurs pairs sur le continent. Ainsi, Guy Dollé, président
de la direction d’Arcelor, Jean-Philippe Thierry, président des AGF, Pierre
Richard, président de Dexia, qui dirigent tous les trois des groupes très
européens, figurent parmi les patrons français les moins bien payés. Hasard
ou résultat d’une pratique de conseils d’administration très européanisés,
où les usages sont très différents ?

Les écarts s’estompent aussi entre groupe privé et groupe public. Thierry
Breton, le président de France Télécom, est plus payé que Jean-Louis Beffa,
le PDG de Saint-Gobain ou Benoît Potier (Air Liquide). Louis Schweitzer, le
PDG de Renault, toujours détenu à 15 % par l’Etat, gagne plus de Jean-Martin
Folz (PSA) ou Serge Weinberg (PPR).

D’un groupe à l’autre, les critères de performance pour établir les
rémunérations se révèlent extrêmement variables, à en croire les rapports
annuels. Les uns privilégient la croissance du résultat net et de
l’auto-financement, d’autres ajoutent le chiffre d’affaire ou le cours de
Bourse. Certains préfèrent le ratio de désendettement ou la conclusion d’une
cession importante. Quels que soient les indices retenus, les calculs
aboutissent aux mêmes résultats. La part variable des salaires patronaux
versée en 2003, mais établie sur les résultats 2002 - qui a pourtant été la
pire année depuis dix ans -, a rarement diminué. Seuls, Gérard Mestrallet
(Suez), Patrick Ricard (Pernod Ricard), Jean-Marc Espalioux (Accor), ou
Jean-Philippe Thierry (AGF) ont accusé une baisse de rémunération, en raison
de leurs performances. Michel Pébereau (BNP Paribas) et Bertrand Collomb
(Lafarge) voient leur salaire diminuer, après avoir troqué leur statut de
PDG pour celui de président.

En 2004, la tendance ne devrait pas être modifiée, à en croire les chiffres
annoncés dans les rapports annuels. A l’exception de Jean-Martin Folz (PSA)
 dont la part variable va diminuer de plus de 200 000 euros à la suite de
la chute des résultats de son groupe en 2003 -, tous sont assurés de gagner
plus cette année, avant même d’avoir pris en compte les stock options.

"Pile, je gagne. Face, je ne perds pas", ironisait Joseph Stiglitz, prix
Nobel d’économie, en parlant des pratiques patronales aux Etats-Unis en
matière de distribution d’options d’achat d’actions. La critique pourrait
être reprise pour les dirigeants français. Rarement, autant de stock options
ont été accordés aux dirigeants français par les conseils d’administrations.
La raison de ce soudain engouement ? Les plans des années précédentes ayant
perdu tout intérêt à la suite de la baisse des cours, la plupart des groupes
ont massivement redistribué des options en se basant sur les nouveaux cours.
M. Owen-Jones s’est vu ainsi attribuer 1 million d’options sur des actions
de l’Oréal, Henri de Castries plus de 900 000 titres Axa, Gérard Mestrallet
350 000 options Suez. La palme revient à Jean-René Fourtou, PDG de Vivendi,
qui, en deux sessions de conseil, en janvier et avril 2003, s’est fait
accorder 1,5 million de titres. Il avait déjà obtenu 1 million d’options en
2002. En dix-huit mois de présidence, il a accumulé une plus-value
potentielle de 18 millions d’euros.

AVANTAGES EN NATURE

A cela s’ajoutent les à-côtés. Certains, comme Martin Bouygues, s’accordent
d’importants avantages en nature (124 000 euros). Thierry Breton, lui, se
fait payer son conseiller fiscal pour 10 000 euros par l’entreprise
publique. Le "capitalisme amical", avec ces postes croisés dans les conseils
d’administration, tel que le pratiquent de nombreux groupes, permet aussi
d’arrondir les fins de mois. Michel Pébereau (BNP Paribas) et Daniel Bouton
(Société générale) touchent ainsi plus de 150 000 euros de jetons de
présence comme administrateur de sociétés du CAC 40. M. Fourtou, lui, arrive
à la somme rondelette de 346 000 euros.

Ces chiffres ne donnent qu’une partie des rémunérations patronales. Car, en
dépit des obligations de transparence, les rapports annuels ne donnent pas
tout. Pas un mot n’est dit aux actionnaires sur les assurances personnelles,
les conditions financières en cas de départ anticipé, les compléments de
retraite payés par l’entreprise. Ce n’est qu’en cas d’OPA ou de crise, comme
pour Aventis ou Vivendi, que les actionnaires peuvent avoir un aperçu de
l’addition totale.

Au vu des performances économiques et boursières des groupes, les dirigeants
méritent-ils de tels émoluments ? Les économistes se disent incapables de
trancher la question, se contentant de relever que l’écart entre le salaire
minimum et la rémunération moyenne patronale (stock options inclus) est de
plus de 375 %, ce qui n’est pas un gage, à leurs yeux, d’optimisation
économique. A leur manière, un certain nombre de patrons, en dehors du CAC
40, disent la même chose. Ils ne se reconnaissent pas dans ces salaires de
stars, qui finissent par obscurcir la réalité économique des entreprises.

Martine Orange

http://www.lemonde.fr/web/recherche_articleweb/1,13-0,36-364263,0.html

Messages

  • Toutes ces hausses auto-octroyées sont parfaitement scandaleuses ! Et à côté de ça, je viens d’entendre à la radio que le gouv étudiait la possibilité d’augmenter la CSG pour les retraités, qui passerait à + 7 %, pour récupérer un peu + d’1 milliard d’€ ! La honte, je vous dis la honte !

  • LETTRE OUVERTE A MR CHEREQUE
    par Charles Hoareau

    J’ai cru comprendre en lisant la presse que vous étiez inquiet au
    sujet de l’équilibre financier de l’UNEDIC, suite à la décision de
    Marseille.

    Je tiens à vous rassurer : n’ayez aucune inquiétude.

    Peut être dans votre désarroi n’avez vous pas pu prendre connaissance
    des attendus du jugement ?

    Je vous en livre un extrait : « il apparaît que le résultat financier
    de l’assurance chômage était particulièrement excédentaire (excédent
    de 1,3 milliard d’euros en 2000, estimation de 220 millions d’euros
    en 2001). Ce n’est qu’à la suite d’une réduction volontaire des
    cotisations patronales et salariales constituant ses recettes,
    intervenue postérieurement, que le régime d’assurance chômage est
    devenu déficitaire. »

    Vous voyez, comme le disent les juges, il suffit de revenir au taux
    de cotisation antérieur et le déficit disparaît. D’ailleurs cela a
    été confirmé sur les ondes de France Inter où quelqu’un disait que la
    réintégration dans leur droits de tous les recalculés coûterait 1
    milliard d’euros. Tout va bien ! il resterait même 300 millions pour,
    par exemple, rétablir le fonds social que « dans son inquiétude »
    Nicole Notat nous avait enlevé.

    A la réflexion, je me dis que si vous aviez eu le temps de prendre
    connaissance de ce problème de cotisations votre inquiétude d’alors
    ne vous aurait pas contraint à signer un accord mauvais sur les
    retraites. Pensez donc, « Les Comptes de La Nation », publication que
    l’on ne saurait taxer de partialité ou d’inexactitude, indiquent au
    chapitre IV : Financement de la protection sociale, que la baisse des
    cotisations entre 1990 et 2000 représente 2% du PIB soit 30 milliards
    d’euros par an ! Et encore je vous passe le rapport FRIOT qui a mis
    en évidence que, dans un pays comme la France où la richesse double
    tous les 40 ans, il y aurait aujourd’hui de quoi indemniser tous les
    chômeurs (seuls 4 sur 10 le sont) et qu’il y aura dans 40 ans encore
    plus d’argent pour financer les retraites.

    Donc soyez rassuré.

    Pour être franc avec vous je dois vous avouer que moi aussi j’ai mes
    inquiétudes.

    Quand, un des 35 de Marseille, radieux depuis jeudi, chômeur
    recalculé de plus de 55 ans, m’a dit en janvier « si ça continue je
    vais me pendre », quand un chômeur breton a écrit à l’Huma pour dire
    qu’il allait se suicider dans une ASSEDIC, quand une chômeuse du nord
    a fait une grève de la faim.j’étais très inquiet. Et vous ? Où étiez
    vous ? On ne vous a pas entendu.

    Il faut croire que nous n’avons pas les mêmes inquiétudes.

    A la Ciotat, où le comité chômeurs 13 est né, on a connu un ministre
    du « déménagement du territoire » nommé Chérèque, s’opposant à la
    réouverture du chantier naval au nom des choix européens. « Il faut
    passer à autre chose » disait-il. 15 ans et plusieurs marées noires
    après La Ciotat ne construit toujours pas de pétroliers double coque
    et compte toujours autant de chômeurs. Je ne sais si l’adage tel
    père, tel fils est juste, mais j’en viens à me dire que l’autisme
    social est une maladie héréditaire.

    Charles Hoareau
    Le 18 avril 04