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Les premiers effets sociaux de la crise se font sentir.

Publie le mardi 11 novembre 2008 par Open-Publishing

de Claire Guélaud

Les signes de dégradation de la situation économique et sociale se multiplient, à quatre jours de la publication par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) de la première estimation, très attendue, de la croissance française au troisième trimestre. Une nouvelle contraction du PIB après celle du deuxième trimestre (- 0,3 %) signifierait, en effet, que la France est entrée en récession.

Dans un environnement économique plus que maussade, aggravé par l’arrivée des premiers froids, les associations de lutte contre la pauvreté assurent qu’elles commencent à constater, sur le terrain, les premiers effets de la crise. Le Secours catholique rend public, jeudi 13 novembre, son traditionnel rapport annuel, intitulé cette année Familles, enfance et pauvretés. L’association, qui a aidé 1,4 million de personnes en 2007, y souligne la part de plus en plus importante prise par les plus de 50 ans dans ses centres d’accueil. "Beaucoup de familles en situation de précarité viennent se nourrir ou s’habiller dans nos centres pour pouvoir payer leur loyer", note également une permanente de l’association.

Le constat dressé par la Croix-Rouge française n’est pas très différent : "La situation continue de se dégrader. Les pauvres sont plus pauvres, et d’autres couches de la population se fragilisent", explique Didier Pillard, directeur de l’action sociale. "De nouveaux publics se présentent depuis le début de l’année dans nos 650 points de distribution alimentaire et dans nos épiceries sociales : de plus en plus de retraités ; des travailleurs pauvres à temps complet, par exemple des employés municipaux, et des étudiants."

L’antenne locale de Toulouse a constaté une hausse de 100 % de la population fréquentant les épiceries sociales. A Redon (Ille-et-Vilaine), cette même population aurait augmenté de 26 % en un mois. En attendant le doublement des crédits du Plan national d’aide alimentaire, qui devraient passer de 10 à 20 millions d’euros en 2009, certaines délégations en sont réduites à diminuer de moitié leurs colis pour pouvoir aider tout le monde. Sensibles à la détresse croissante des populations qu’elles rencontrent, quatorze grandes associations de lutte contre la pauvreté, toutes adhérentes du réseau Uniopss, ont prévu de tirer la sonnette d’alarme, le 28 novembre, auprès des pouvoirs publics et de l’opinion.

Les dernières données émanant de l’Insee, des douanes ou du ministère de l’économie n’incitent guère à l’optimisme. Elles confirment que septembre a été particulièrement mauvais, ce que laissaient présager toutes les enquêtes de conjoncture. L’Insee a annoncé, lundi 10 novembre, une baisse de 0,5 % de la production de l’ensemble de l’industrie en un mois. Hors énergie et agroalimentaire, cette baisse est encore plus marquée puisqu’elle atteint - 0,8 %. Le déficit commercial français s’est creusé de 6,250 milliards en septembre, ce qui ne s’était jamais vu. Sur un an, il frise les 55 milliards d’euros, un record !

Les principaux partenaires européens de la France - Royaume-Uni, Espagne, Allemagne et Italie - étant eux-mêmes en difficulté, leur demande a nettement diminué. Les exportations françaises ont donc reculé, pour s’établir à 34,3 milliards d’euros. Cette situation devrait durer : en Allemagne, la production industrielle a connu au mois de septembre sa plus forte baisse depuis treize ans, et les industriels européens anticipent un net ralentissement de leur production dans les prochains mois. Quant aux importations françaises, elles sont en train de ralentir, même si la consommation des ménages semble avoir plutôt bien résisté.

La dégradation des finances publiques est nette. Eric Woerth, le ministre du budget, et Christine Lagarde, la ministre de l’économie, ont d’ailleurs revu à la hausse leurs prévisions de déficit et d’endettement publics et à la baisse leurs hypothèses de croissance. Au 30 septembre, le solde général d’exécution du budget était négatif de 56,6 milliards d’euros, soit 4,4 milliards de plus qu’à la fin septembre 2007, et les rentrées de l’impôt sur les sociétés (IS) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) fléchissent.

Le marché du travail subit aussi le contrecoup de la crise. Selon les données de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), le rythme de progression des intentions d’embauche, hors intérim, décélère : il est tombé à + 1,5 % au troisième trimestre contre +7,9 % au deuxième. L’emploi intérimaire a baissé de 4,7 % entre août 2007 et août 2008. Après avoir reculé pendant plus de dix-huit mois, le nombre d’allocataires du revenu minimum d’insertion (RMI) est resté stable au deuxième trimestre à 1,14 million de personnes. Quant au nombre des demandeurs d’emploi indemnisés, il s’est accru de 1 % en septembre.

Le nombre des défaillances d’entreprises s’est accru de 8,9 % en un an. Les impayés ont augmenté de 125 % au troisième trimestre selon la Coface. Enfin, les statistiques que la Banque de France a publiées le 7 novembre 2008 témoignent du durcissement des conditions d’octroi de prêts aux particuliers et aux entreprises, malgré les efforts déployés par le gouvernement auprès des banques.

http://www.lemonde.fr/economie/arti...