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Les trois dénis de la gauche antilibérale (video)

Publie le lundi 22 octobre 2007 par Open-Publishing
14 commentaires

Denis Pingaud, le conseilleur de José Bové ici

de Pingaud Denis

C’est un premier paradoxe. Bien que généralement considérée comme laminée par la séquence électorale de 2007, la gauche radicale n’a pas connu de revers spectaculaire.

La multiplication de ses candidats a donné le sentiment d’une multiplication d’échecs. À l’examen des chiffres, cependant, l’érosion de son audience globale apparaît finalement mesurée. S’agissant de la présidentielle, si l’on agrège le score des mouvements trotskistes, du parti communiste et de José Bové, le déclin est relatif : 3 300 000 voix le 22 avril dernier contre 39300001e 21 avril 2002, soit un recul de 16%.

Malgré un contexte d’exceptionnelles mobilisation et polarisation du corps électoral autour des candidatures de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal, seulement perturbées par l’émergence de celle de François Bayrou, près d’un électeur sur dix s’est porté sur des candidats s’affichant clairement "antilibéraux". C’est encore beaucoup. Par comparaison, le recul de la droite extrême, séduite par la nouvelle offre politique de la droite parlementaire, est beaucoup plus net : 1 640 000 voix en moins, soit un recul de 30 %.

Autrement dit, le double réflexe de vote utile pour Ségolène Royal, au nom du traumatisme de 2002, ou pour François Bayrou, en forme de protestation contre un système politique verrouillé par les élites PS ou UMP, n’a pas fonctionné autant qu’il y paraît. La résistance de la gauche radicale est d’autant plus significative que la baisse du nombre de ses suffrages est pour environ la moitié imputable au mouvement historique de déclin électoral du parti communiste. S’agissant des législatives, le score total de l’extrême gauche et du parti communiste est en progression d’environ 200 000 voix pour atteindre 2 100 000 voix.

Compte tenu du plus faible niveau de participation des électeurs et, surtout, d’un mode de scrutin très défavorable aux courants politiques minoritaires, c’est encore beaucoup. fl est intéressant de noter que la légère progression est due au score des candidats trotskistes (Lutte ouvrière, LCR) ou altermondialistes (bovéistes, alternatifs), alors que le parti communiste ne peut que stabiliser ses positions. La cristallisation persistante d’un vote protestataire à gauche du parti socialiste pose évidemment question. Les électeurs « antilibéraux » ont manifesté leur défiance vis-à-vis de la candidate du parti socialiste. Ils ont jugé son programme trop timoré sur un certain nombre de points de clivage avec la logique de l’économie de marché. Ils ont également considéré sa campagne trop illisible entre la promotion de la démocratie participative et la défense de valeurs sémantiquement ancrées à droite comme l’ordre juste.

Au-delà de cette réticence à franchir le Rubicon du vote utile, les soutiens de la gauche radicale n’ont pas seulement manifesté un désarroi de représentation politique. Ils ont témoigné de la permanence d’une opposition irréductible entre une gauche gouvernementale empêtrée dans la définition d’un social-libéralisme à la française et une gauche extrême contestant la logique économique libérale et défendant toujours la « rupture » avec la société de marché1. Parce qu’il a conservé une légitimité électorale, cet affrontement historique et classique dans la gauche hexagonale n’est pas près d’être dépassé. Les commentaires rapides et les péripéties médiatiques n’y changeront rien. Il existe en France un bloc électoral qui ne se résout pas à l’évolution irrésistible du parti socialiste vers une « troisième voie » dont le blairisme serait le laboratoire d’idées.

La défaite de Ségolène Royal est aussi le fruit d’une absence de dynamique unitaire de toute la gauche. L’épuisement du modèle social-démocrate, fût-il mâtiné de préoccupations écologiques, suscite d’ailleurs partout en Europe les mêmes questionnements. Comment imaginer une autre voie que celle d’un simple accompagnement de la mondialisation libérale ? Y a-t-il place, à gauche, pour des forces alternatives et crédibles face aux partis socialistes, aujourd’hui dominants ?

L’émergence de la gauche radicale en Europe

Pour un observateur européen averti, la résistance électorale de la gauche radicale française ne saurait constituer une surprise. Dans de nombreux pays, en effet, la même frustration et la même quête d’une partie des électeurs conduisent à la cristallisation de positions électorales à gauche de la social-démocratie. On pourrait même ajouter que cette tendance lourde se substitue à la vague verte des années 1990 qui connaît désormais un reflux certain. En Allemagne, la constitution récente du Linkspartei a montré qu’une alliance entre des courants issus de cultures hétérogènes — anciens communistes, syndicalistes radicaux (1G Metal et Ver. di), sociaux-démocrates de gauche, altermondialistes — pouvait déboucher sur des succès électoraux. Crédité de 8,7 % des voix lors des élections législatives de septembre 2005, le Linkspartei est devenu la quatrième force politique du pays, derrière les libéraux du FDP mais devant les Verts, avec un groupe parlementaire de 54 élus.

Tout récemment, lors des élections régionales du Land de Brême, il a confirmé sa percée en obtenant 8,7 % des voix, profitant à l’évidence d’une certaine défiance du corps électoral vis-à-vis de la grande coalition entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates. Bien qu’au Bundestag la configuration théorique « Linkspartei ÷ Verts + sociaux-démocrates » donnerait une majorité absolue pour gouverner, les désaccords sont trop profonds entre les différentes composantes de la gauche. Les principaux points d’achoppement entre le Linkspartei et le SPD sont révélateurs : retrait des troupes allemandes engagées en Afghanistan, fixation d’un salaire minimum autour de huit euros de l’heure, revalorisation des petites retraites des ouvriers de l’industrie (parmi les plus basses des grands pays développés), reconstruction d’un système d’indemnisation du chômage très profondément bouleversé par des mesures d’inspiration libérale à la fin du mandat de Gerhard Schröder.

En Italie, la gauche radicale est incarnée depuis une décennie par Rifondazione Communista. Lors des élections législatives d’avril 2006, qui ont vu la courte victoire de l’Unione de Romano Prodi, ce parti est devenu la deuxième force électorale (avec près de 6 % des voix) de cette coalition allant du centre gauche à l’extrême gauche. Le nombre de ses députés est passé de 12 à 41. Sa progression a été encore plus forte aux élections sénatoriales concomitantes, le nombre de ses sénateurs passant de 4 à 27. Désormais membre à part entière du gouvernement, pour la première fois de son histoire, il n’en est pas moins traversé par des débats internes sur le sens de cette participation. En février 2007, deux de ses sénateurs ont refusé de voter la confiance au gouvernement sur sa politique étrangère, ce qui a provoqué la démission de Romano Prodi, néanmoins reconduit dans ses fonctions à l’issue de cette crise.

La stratégie de Rifondazione Communista consiste à peser dans la coalition pour empêcher, selon ses termes, une gestion « sociale-libérale » de la crise économique. Plus stratégiquement, le parti se positionne clairement en alternative de gauche au projet de constitution d’un grand parti démocrate, prévu pour l’automne 2007. Rassemblant les anciens communistes de Democratici di Sinistra et la Margherita de centre gauche de Romano Prodi, la nouvelle formation entend symboliser la recomposition et le déplacement de la gauche italienne vers une stratégie centriste et modérée. De façon plus anecdotique, mais tout aussi symptomatique, la gauche radicale émerge dans plusieurs pays de l’Union européenne. Aux Pays-Bas, le Socialistische Partij s’est révélé le grand gagnant des élections législatives du 22 novembre 2006, en obtenant seize sièges et en devenant ainsi le troisième parti politique néerlandais.

Cette percée s’est faite dans les milieux populaires et aux dépens du parti travailliste, membre de l’Internationale socialiste. Issu de l’extrême gauche marxiste-léniniste des années 1970, le Socialistische Partij a progressivement rassemblé différents courants d’orientation antilibérale, des militants syndicaux et associatifs, des altermondialistes et des groupes venus de la gauche du parti travailliste. Son programme est intitulé « De meilleurs Pays-Bas pour le même prix ». Il prône de profondes réformes économiques et sociales, comme une fiscalité accrue pour les revenus les plus élevés, un relèvement du minimum social de 10 %, des transports publics gratuits pour les enfants de moins de douze ans et les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans, la possibilité pour les électeurs de renvoyer le gouvernement et un droit d’approbation des comités d’entreprise sur les salaires des dirigeants de leur entreprise.

Au Portugal, le Bloco de Esquerda a fait une percée remarquée lors des élections législatives de février 2005 en obtenant plus de 6 % des voix et huit sièges de députés. Résultant de la fusion de plusieurs partis d’inspiration communiste, trotskiste et altermondialiste, il défend un programme de rupture avec la politique du gouvernement socialiste de José Socratès. Ses principaux thèmes d’opposition concernent le combat contre la précarisation de l’emploi, la défense du système de santé et de services publics, la dénonciation de la corruption des élus et la lutte contre la dégradation climatique. Au Danemark, l’Alliance rouge et verte a consolidé ses positions aux élections de 2005 en obtenant six sièges de députés. Issue d’un regroupement de plusieurs formations de la gauche radicale, elle est présente au Parlement depuis 1 994. Son programme se définit comme alternatif à celui du parti social-démocrate, actuellement dans l’opposition. Il prône notamment des mesures de transformation sociale et écologique en rupture avec l’économie libérale. Il n’y a donc pas d’exception française.

La séquence électorale de 2007, dans ses particularités liées au statut de l’élection présidentielle, à l’enjeu d’une présence du parti socialiste au second tour ou au désir d’un renouvellement du personnel politique, a confirmé, malgré son tassement, le poids d’un courant politique dont l’étiage électoral se situe autour de 10 % des suffrages, c’est-à-dire un niveau sensiblement supérieur à celui de ses homologues européens. Pour autant, et c’est un deuxième paradoxe, les « antilibéraux » français ont prouvé à la fois la persistance de leur audience et leur impuissance spectaculaire à dessiner les contours d’une offre politique alternative à celle du parti socialiste. Le mode de scrutin majoritaire à deux tours aux élections législatives n’y est pas pour rien qui, à la différence de la plupart des pays européens, ne permet de s’imposer au Parlement que dans le cadre d’une coalition gouvernementale.

Electoralement, la gauche radicale compte désormais beaucoup plus que les Verts, dont l’effondre- ment a été spectaculaire à la présidentielle (— 61 %) comme aux législatives (— 26 %). Politiquement, elle est cependant aussi nue. Comme les Verts, la nébuleuse antilibérale a semblé incapable de proposer un chemin aux électeurs déçus de l’expérience de la gauche plurielle et sceptiques quant au projet de la candidate socialiste. Pis, peut-être, elle a même brouillé les pistes en offrant le spectacle d’une division inexplicable et d’un programme insaisissable. Cet échec est d’autant plus étonnant qu’elle ne manquait pas d’arguments après sa campagne victorieuse pour le non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne. Même si elle n’a contribué que partiellement à ce refus populaire, son impact sur le résultat final a été indéniable.

Pourquoi s’est-elle donc révélée incapable de transformer l’essai, deux ans plus tard ? A défaut d’une réponse définitive, il est peut-être préférable de s’en tenir pour l’instant à quelques hypothèses, en éliminant d’emblée celle selon laquelle le vote « antilibéral » ne serait qu’un mouvement purement protestataire, éphémère et creux. Une telle vision se heurte, en effet, à toutes les données durables d’opinion. La gauche radicale est portée par une aspiration fondamentale à une organisation plus juste de la société et, par conséquent, par une contestation radicale des mécanismes du capitalisme financier globalisé, Qui pourrait nier la pertinence et la crédibilité d’une revendication comme celle de « répartir les richesses autrement », qui fut le fondement de l’Union de la gauche des années 1970 et dont l’actualité est encore plus patente dans un monde où le chef d’une entreprise cotée au CAC 40 gagne trois cents fois plus que le smicard !

Le déni de démocratie

La première hypothèse, qui explique le dénuement « antilibéral », a trait au déni de démocratie. La gauche radicale, dans toutes ses formes partidaires ou non, n’a pas vraiment fait le deuil d’une conception avant-gardiste, centralisée et finalement élitiste de l’action politique2. Cet évitement explique les palinodies de la recherche d’une candidature unitaire pour l’élection présidentielle, et l’absence de tout front commun pour les élections législatives. Et il éclaire le malentendu inattendu sur la proposition faite par José Bové d’organiser des primaires pour choisir un candidat. Au lendemain du référendum du 29 mai 2005, les « nonistes » de gauche avaient pourtant tous les atouts en main pour faire émerger une perspective unitaire pour 2007. Pendant un an, ils avaient défendu les mêmes arguments et fait tréteaux communs devant des foules nombreuses.

Leur alliance était portée par un mouvement d’opinion puissant, convaincu que le débat sur le projet de Constitution européenne préfigurait une discussion plus fondamentale sur les nouveaux contours d’une politique de transformation sociale. La cause était entendue, même chez les communistes : pas question de refaire programme commun ou gauche plurielle avec le parti socialiste. Début 2006, dans un réflexe classique d’appareil, les deux principales parties prenantes politiques d’une possible unité « antilibérale » — le PC et la LCR — ont commencé de justifier l’engagement de leurs candidats respectifs tout en laissant la porte ouverte, sous la pression de leur base, à une solution commune. Elles se sont même engagées dans un processus de confron tation programmatique, sous la houlette de la fondation Copernic et d’une commission de travail pilotée par Yves Salesse.

Il est apparu que, sur le fond, les convergences étaient très prononcées. Ce qui devait aboutir, par la suite, à un programme en 125 propositions, jamais réellement critiqué par l’une ou l’autre des parties. Néanmoins, avec un même élan, le pc, la LCR, mais aussi l’ensemble des organisations, courants, individus peuplant la coalition antilibérale en charge de trouver un candidat commun ont communié dans le déni d’une procédure démocratique de désignation d’un candidat commun. II eût été pourtant assez simple, à l’instar de la gauche italienne, d’organiser une votation citoyenne ouverte à tous les électeurs désireux de soutenir le programme antilibéral et de choisir son porte-parole présidentiel. Dans le même temps, le parti socialiste ne manifestait-il pas sa capacité à désigner sa candidate dans un cours globalement respectueux de la volonté des militants ?

Le refus de s’en remettre à des primaires pour choisir un candidat unique s’est concrétisé par l’adoption d’une procédure complexe, dite du « double consensus s, supposée dégager un accord à partir des souhaits exprimés par les collectifs locaux et de l’opinion de chacune des composantes politiques de la coalition antilibéraie. Cette usine à gaz donnait de fait un droit de veto aux forces les mieux organisées et les plus réticentes à abandonner leur drapeau. Il va de soi que chacune en a profité pour résister ainsi à la pression unitaire et pour produire un discours mensonger destiné à défendre ses intérêts particuliers. La LCR a justifié de faire cavalier seul au motif que le candidat devrait impérativement s’engager à ne pas chercher un accord de gouvernement avec le parti socialiste. Cette position revenait de facto à limiter l’intérêt d’une démarche visant à construire un nouvel équilibre des forces électorales à gauche.

Le parti communiste a tenté d’instrumentaliser la dynamique collective en créant de toutes pièces plusieurs centaines de collectifs unitaires, comme au bon vieux temps d’une époque révolue. Cette stratégie défensive n’avait pour seul but que d’imposer Marie-George Buffet comme candidate. Quant aux autres parties prenantes, dont la plupart étaient des minorités organisées en fractions des principales formations politiques de la gauche — LCR, Verts, PC ou PS —, elles ont privilégié un conservatisme groupusculaire amplifiant leur raison d’être plutôt que de s’en remettre à la sanction d’un corps électoral dépassant largement leurs zones de chalandise. Le double consensus a fini par conduire à un trop-plein de candidats, révélant ainsi que les ambitions, au demeurant légitimes, n’étaient pas si camouflées par la prétention à faire de la politique autrement3.

À tel point que le paysage anti-libéral est aujourd’hui balkanisé autour de clubs et d’appels divers à la refondation de la gauche, qui ressemblent fort aux écuries présidentielles socialistes. Cet échec mérite réflexion. Survenant après les tristes déboires de l’association altermondialiste ATTAC — enfoncée par des pratiques de fraude électorale —, il témoigne de l’impasse à laquelle conduit une vision de la politique qui, dans une société où grandit la demande d’expression démocratique, continue de privilégier les avant-gardes aux militants, les appareils aux citoyens. Le déni du pouvoir

Le dénuement politique de la gauche radicale peut s’expliquer également par une deuxième hypothèse : le déni du pouvoir. Les « antilibéraux » hésitent toujours à en assumer les risques et les exigences. Leur programme extrême à gauche en témoigne. Les 125 propositions qui faisaient à peu près consensus entre tous, de la LCR au pc, constituaient plus un projet de société qu’un pacte présidentiel propre à convaincre les électeurs. Ce n’est d’ailleurs pas tant le coût faramineux des mesures qui posait problème. Son chiffrage n’était que le miroir révélateur des transferts massifs de valeurs, ces vingt dernières années, entre le monde du travail et le monde du capital.

La vraie question, qui n’a toujours pas de réponse, était la mécanique de mise en oeuvre de ces mesures dans l’exercice du pouvoir. Or, ce sujet est resté sans réponse pour plusieurs raisons. Premièrement, le parti communiste n’a pas dressé de bilan convaincant de sa participation au gouvernement de la gauche plurielle. Le revers électoral de 2002, celui de Lionel Jospin mais aussi et surtout celui de Robert Hue, n’a eu pour effet que de le faire basculer vers le camp antilibéral, nonobstant la gestion au coup par coup de ses intérêts électoraux locaux avec le parti socialiste, lors des élections intermédiaires. D’une certaine façon, il lui est aujourd’hui beaucoup plus facile de justifier sa présence, puis son départ, dans les gouvernements de Pierre Mauroy entre 1981 et 1984, que d’expliquer sa participation sans faille dans les gouvernements de Lionel Jospin, entre 1997 et 2002.

Deuxièmement, la plupart des contributeurs à la rédaction des 125 propositions ont un trait générationnel et politique commun. Ils ont, pour beaucoup, forgé leurs convictions dans le gauchisme politique des années consécutives à mai 68. Cette période a été dominée, après l’effervescence maoïste, par la culture trotskiste, et l’idée qu’un programme politique n’avait pour principale fonction que de souligner l’impossibilité, pour le système capitaliste, de digérer » les revendications fondamentales des salariés. En d’autres termes, le programme reste un outil de mobilisation et, par définition, n’a pas vocation à être appliqué autrement que dans un contexte de bouleversement politique et social. Troisièmement, les militants associatifs, syndicalistes ou altermondialistes ralliés à la cause antilibérale théorisent l’action politique comme étant principalement ancrée dans les mouvements sociaux. ils tergiversent volontiers devant la perspective de traduire politiquement leurs demandes, parce qu’ils sont empreints d’une culture implicite qui est celle d’un anarcho-syndicalisme hérétique à toute forme de compromission avec le pouvoir.

Ils sont rejoints en cela par la LCR, dont le fonds de commerce théorique est de se définir comme un parti anticapitaliste de la grève, des luttes et de la résistance et dont l’objectif final reste une transformation révolutionnaire de la société aux contours — faute de modèle, après la nuit stalinienne — imprévisibles. Ce trou noir face aux conditions concrètes de l’exercice du pouvoir a eu pour conséquence des discours perpétuellement instables durant la campagne électorale. Quand l’enjeu central de l’élection présidentielle était d’expliquer en quoi et comment le souhaitable pouvait être possible 4, les candidats antilibéraux ont préféré se cantonner dans des positionnements toujours plus à gauche que la gauche et des postures censées fédérer les révoltes et les résistances à l’ordre économique libéral.

Il est très significatif, à cet égard, que les quartiers populaires et les banlieues défavorisées aient été leur terrain privilégié d’expression, au risque parfois d’une concurrence ou d’une surenchère déplacées. Après tout, l’embarras de la gauche parlementaire sur les questions de sécurité et de politique du logement n’offrait-il pas une fenêtre politique à la gauche radicale pour s’adresser à des électeurs qui s’étaient massivement inscrits sur les listes depuis quelques mois ? Pour autant, celle-ci s’est montrée incapable de formuler un programme audible et crédible pour en finir avec la tendance à la ghettoïsation. Les électeurs des cités ont répondu en votant, autant que les autres, pour Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy.

Le déni de stratégie

Troisième et dernière hypothèse du dénuement politique de la gauche radicale : le déni de stratégie. A trop se méfier de la démocratie et du pouvoir, il devient difficile d’expliquer aux électeurs quels sont les rapports de force souhaitables et les compromis possibles qui donneraient aux « antilibéraux » un rôle actif dans un processus de transformation politique, sociale et écologique. Du refus affiché de toute négociation possible avec le PS au double langage ambigu sur la maison commune de la gauche, les antilibéraux ont oscillé dans le refus de définir clairement une stratégie politique d’alliances. Dès lors, ils devenaient illisibles.

La LCR, d’une certaine façon, est la plus limpide dans sa logique isolationniste. Son thème de la « délimitation « avec le social-libéralisme l’a conduite à théoriser le refus de toute discussion avec le parti socialiste pour exercer le pouvoir. Il ne s’agit même plus, comme dans les vieux préceptes trotskistes du front unique ouvrier, de se servir de l’unité de toute la gauche pour mieux révéler la compromission de certains appareils politiques. La stratégie ressemble plutôt à un renvoi dos à dos de la droite et de la gauche. II faut noter, à cet égard, que le désistement pour Ségolène Royal — de la part d’Olivier Besancenot comme d’ArIette Laguiller — témoigne d’un changement de pied tactique par rapport à 2002 quand les trostkistes refusaient à l’avance de choisir au deuxième tour.

Le traumatisme du 21 avril ne permettait pas une consigne abstentionniste qui eût pourtant été dans le prolongement du discours de dénonciation du social-libéralisme. Le parti communiste et les autres forces anti-libérales, de leur côté, ont donné le sentiment de tenir au mieux un langage confus, au pis un double langage ! Il ne suffisait pas, en effet, d’expliquer l’idée toute simple selon laquelle il n’y avait pas de majorité de gauche possible sans le soutien électoral des « antilibéraux ». Encore fallait-il éclairer les électeurs sur les conditions d’un accord avec le parti socialiste pour une éventuelle participation à un gouvernement.

Le flottement stratégique n’a pas été sans conséquences sur le déport d’une partie des voix potentielles de la gauche radicale vers François Bayrou, perçu comme le seul à même d’offrir une solution de partenariat gouvernemental pour constituer une majorité de gauche alternative à la droite. L’oscillation stratégique a été illustrée de manière caricaturale par les prises de position publiques successives du philosophe Michel Onfray, à l’origine d’un appel en faveur d’une candidature unique de la gauche radicale. Partisan de José Bové, début janvier, il a soutenu ensuite Olivier Besancenot, quand ce dernier est apparu comme le cristaffisateur d’un vote radical à gauche.

Puis, il a déclaré voter blanc au deuxième tour de l’élection présidentielle, avant de vanter les mérites du parti communiste, après les élections législatives, comme creuset possible d’une recomposition antilibérale... Déni de démocratie, déni du pouvoir, déni de stratégie : voilà qui explique sans doute la contradiction entre un score global de la gauche radicale française sensiblement supérieur à celui des « antilibéraux » en Europe et une prégnance politique nettement inférieure à celle, par exemple, de Rifondazione Communista en Italie ou du Linkspartei en Allemagne. La reconnaissance et le dépassement de ces trois dénis sont une condition essentielle pour lui permettre de tirer un trait sur son échec politique. C’est d’ailleurs le troisième, et dernier, paradoxe de la séquence électorale 2007 pour les « antilibéraux » : malgré leur impuissance manifeste, ils n’ont probablement jamais bénéficié d’une situation aussi favorable pour déployer leurs thèses et convaincre le peuple de gauche.

La société française n’a pas soudainement basculé à droite avec l’élection de Nicolas Sarkozy. Et la gauche parlementaire est confrontée à un redoutable défi : une refondation idéologique qui prenne acte de l’impasse des mécanismes classiques de redistribution sociale, au niveau national, dans une économie mondialisée. Contrairement à une idée trop répandue, la France n’est pas devenue droitière. L’histoire des dix dernières années serait illisible à l’aune d’une telle analyse. Les études d’opinion continuent de révéler des aspirations profondes à la régulation d’un système qui produit autant d’inégalités que de richesses, et dont la traduction concrète est le démantèlement progressif des protections sociales qui fondaient le contrat d’après guerre entre classes et générations. Et les mouvements sociaux, qui vont du soutien massif aux grèves de 1995 jusqu’aux mobilisations victorieuses contre le CPE, se sont traduits aussi électoralement aux élections européennes et régionales de 2004 comme lors du référendum sur la Constitution européenne de 2005.

Toutes frappées par la dérégulation généralisée, les catégories sociales cherchent une issue dont l’horizon n’est pas le modèle libéral anglo-saxon, mais la redéfinition d’un contrat durable dont l’État national ou la puissance européenne serait le garant5. La victoire de Nicolas Sarkozy résulte d’ailleurs beaucoup d’une forme de réhabilitation du volontarisme politique, quel que soit le jugement que l’on peut porter sur son programme. Les milieux populaires, notamment, désarçonnés par les atermoiements ou les renoncements de la gauche face aux conséquences de la mondialisation, ont fait le choix d’une promesse de protection. Dans ce contexte, le parti socialiste doit résoudre une équation complexe.

L’actualité de la social-démocratie en Europe est aujourd’hui incarnée par des expériences discutées comme le blairisme au Royaume-Uni, ou des projets discutables comme la grande coalition en Aile-magne, ou l’alliance gouvernementale avec le centre en Italie. La modernité de la gauche gouvernementale ressemble à une dissolution de son identité politique traditionnelle au profit d’une troisième voie dont les bases idéologiques n’ont plus rien à voir avec l’utopie de la transformation sociale, progressive et pacifique. La refondation que chacun appelle de ses voeux devra donc expliciter les nouveaux objec tifs et les nouveaux moyens d’un projet social-démocrate. Cette interrogation est une opportunité pour les « antilibéraux *. Elle ouvre encore plus l’espace politique à une critique radicale du capitalisme mondialisé et financiarisé. Car le rétrécissement des marges de manoeuvre de l’Etat national et le bouleversement des conditions de production rendent caduques les solutions classiques de redistribution.

Pour inscrire sa marque dans ce travail de refondation, la gauche radicale devra cependant s’efforcer d’exister autrement que comme une collection de groupuscules politiques. II lui faut oublier sa pusillanimité chronique face au rassemblement et clarifier ses responsabilités devant l’exercice du pouvoir. Entre l’alliance avec le partf socialiste sans conséquence politique, pratiquée par les communistes entre 1997 et 2002, et le repli dans le mouvement social sans traduction électorale, une autre voie est sans doute possible, dont la constitution d’une force unitaire est une condition de crédibilité. De ce point de vue, les « antilibéraux » sont mal partis. Le score électoral d’Olivier Besancenot risque de renforcer la LCR dans sa logique de délimitation politique avec le parti socialiste et la gauche parlementaire.

L’appel à la constitution d’un nouveau parti anticapitaliste, qui n’est pas sans évoquer les déclarations faites au lendemain du résultat flatteur de 2002, masque mal une stratégie identitaire de repliement et de renforcement de l’organisation trotskiste. Cette préoccupation première sera progressivement justifiée par la nécessité de resserrer les rangs et les idées face à l’offensive « antisociale » du nouveau gouvernement. Le parti communiste, de son côté, est devenu un agrégat de sensibilités fort différentes entre les partisans d’une évolution idéologique parallèle à celle de la social-démocratie, les nostalgiques de l’anticapitalisme et du stalinisme ou les mouvementistes ralliés à l’idée de l’unité antilibérale. Cette faiblesse chronique rend peu probable — à moins d’éclatement — une marche en avant pour construire une nouvelle force de la gauche radicale.

Elle rend aussi difficilement imaginable une solution de type Linkspartei évoquée par la gauche du parti socialiste. La chance de la gauche radicale, pour dépasser ses propres limites politiques, réside peut- être dans la succession de scrutins de listes qui ponctueront les trois prochaines années électorales : municipales en 2008, européennes en 2009 et régionales en 2010. L’obligation de se ras sembler pour constituer des listes, peser électoralement et, éventuellement, obtenir des élus est un facteur d’unité non négligeable. Cette perspective reste toutefois hypothétique ou éphémère tant que n’aura pas été pensé un aggiornarnento durable, et non tactique, sur les conditions d’exercice du pouvoir et la stratégie d’alliance avec le parti socialiste.

1. Cf. Denis Pingaud, Les Taupes et les Éléphants, Paris, Hachette Littératures, 2004.

2. Cf. Philippe raynaud, l’Extrême gauche plurielle. Entre démocratie radicale et révolution, Paris, Autrement, 2006.

3. Cf. Alain Lecourieux et Christophe Ramaux, « Gauche antilibérale : autopsie d’un suicide., Libération, 19 janvier 2007.

4. Cf. Stéphane Rozès, * Comprendre la présidentielle", Le Débat, n° 141, septembre-octobre 2006.

Le Débat du 01 octobre 2007

Messages

  • Merci pour cette analyse (à lire, pas juste la vidéo). Il soulève des questions très pertinentes dont je n’entends pas parler. J’espère que beaucoup la liront. rebral

  • La LCR a justifié de faire cavalier seul au motif que le candidat devrait impérativement s’engager à ne pas chercher un accord de gouvernement avec le parti socialiste. Cette position revenait de facto à limiter l’intérêt d’une démarche visant à construire un nouvel équilibre des forces électorales à gauche.

    Pas d’accord : je pense au contraire que l’indépendance totale vis à vis de la gauche libérale (du PS) est une condition nécessaire pour réquilibrer les rapports de force à gauche.

    Aujourd’hui les rapports de force sont tels que passer des accords avec le PS pour investir des institutions amène inéluctablement à la satellisation et l’effritement (voir ce qui est arrivé aux Verts et au PCF). Sans compter que, le moins qu’on puisse dire, ça brouille le message et le projet politique porté. Après on s’étonne que les gens ne fassent plus la différence entre la gauche et la droite...

    Je suis persuadé qu’il faut l’unité mais dans l’indépendance totale du PS (c’est à dire constituer systématiquement une opposition de gauche, anticapitaliste), pour sortir de cette situation et reconstruire quelque chose de sérieux...

    Chico

    • Oui. Le diagnostic est intéressant sur une poussée , électorale, des forces à gauche des anciens partis sociaux démocrates en Europe. Il voit bien la défiance existante qui fait cette nouvelle délimitation. Cette défiance se construit sur les difficultés des partis sociaux-démocrates partout en Europe sous le choc de l’offensive ultra-libérale contre les travailleurs qui assèche les possibilités de compromis capital-travail (ce dernier aspect est le moteur de la dérive à droite des nomenclaturas des grands partis de gauche ).

      Effectivement par contre il mélange un peu tout en parlant des concepts trotskystes de front unique ouvrier (def. : alliances dynamiques partant de bas en haut, des partis de travailleurs dans des batailles sociales et politiques) et en les mélangeant à la notion d’union de la gauche.

      Une union de la gauche est vide de sens car elle renvoie à autre chose en ce moment : une alliance avec des partis qui n’ont plus le socialisme au centre de leur projet, qui n’ont plus les travailleurs au centre de leur idéologie, au centre de leurs tactiques, au centre des batailles politiques, et qui n’organisent plus, et ne cherchent plus, à organiser les travailleurs . Le PS pour l’essentiel, comme les radicaux, comme la moitié des verts ne sont plus que des partis démocrates, au sens américain du terme. La réalité est cruelle et imparable.

      On peut mener des batailles avec ces partis sur certains terrains, mais des alliances politiques sont vides de sens et ne renvoient pas du tout à une alliance de partis mettant au centre de leurs projet la lutte de classe et une autre société. Les travailleurs qui sont dans le PS sont avant tout des adhérents et ne pèsent en rien dans l’orientation de ce parti. Pas plus du moins que des travailleurs adhérents à l’UMP, même si ces derniers sont + à droite.

      La question gouvernementale ne se conçoit que si celle-ci permet de développer la confiance en soit des travailleurs, l’organisation des travailleurs (partis, associations, comités, syndicats, assemblées, coordinations, etc) et d’aider aux luttes des couches populaires contre la bourgeoisie.

      Poser les questions d’unité, de participation à un gouvernement , à une majorité, etc, sans se poser les questions concrètes désignées ci-dessus me semble mauvais. Surtout que la capacité "corruptive" du PS, par ses alliances avec le PCF, est terrible et très puissante.

      Pour pouvoir s’unir il faut d’abord se délimiter et avoir une identité puissante.

      Cette identité passe par une défense basique et élémentaire des intérêts des travailleurs et des couches populaires. C’est le B A BA qui seul permet la confiance des travailleurs en un parti nouveau.

      Les alliances de sommet (qui ne peuvent être qu’ainsi vu la nature du PS devenu pure machine électorale) sont affaiblissantes dans le cadre actuel. Elles sont de beaux petits jouets quelque part quand on s’écarte du ressenti d’une partie des travailleurs qui vont sur des votes d’extrême gauche justement parce qu’ils croient n’être pas vendus à nouveau pour un plat de lentilles.

      La délimitation doit donc se faire durement, les alliances ensuite pourront éventuellement se faire sur des bases beaucoup plus saines. Pour parler cruellement, la question de savoir où doit s’abattre le couperet est une bonne question pour laquelle je n’ai pas de religion en termes de boutiques, du moment qu’il y ait d’un côté l’essentiel du PCF débarrassé de sa droite, LO, la LCR , les anars , etc, au centre du jeu, et non comme supplétifs dans de cathédrales de guimauve , d’une nouvelle caste de gauche.

      Mais plus encore, la délimitation doit se faire par rapport, à nouveau, aux luttes populaires et ouvrières, au renforcement des organisations sur ce terrain ainsi qu’au renforcement des luttes et de la capacité à les mener.

      Pour ce qui est de la LCR, elle a diagnostic juste (changement de période historique, possibilité de reconstruire un grand parti de travailleurs) mais elle n’en a pas les moyens seule. Par contre elle a des faiblesses en termes d’orientation , une fois dépassée la question de l’organisation.

      L’essentiel des communistes se situe dans le PCF et sur ses pourtours. Du moins c’est encore comme cela. Le projet de besancenot, du moins de ce que j’ai pu entendre, semble + se concentrer sur les jeunes (et moins jeunes) travailleurs venant à la radicalité, souvent récemment. Et c’est la première fois que je vois la LCR ne plus se concentrer sur le désir de convaincre des communistes (du PCF).
      Entre les excès du passé et une théorisation de partir seuls à l’assaut du ciel, il me semble qu’il y a de la place. Il ne faut pas ainsi tirer un trait sur ce qui est l’essentiel encore des forces de résistance au capitalisme.

      Jamais ce qui fait l’âme du PCF, dans le sens le plus positif, n’a été si proche de vous. Et vous si proches de la base du PCF. Il me semble donc que les militants du PCF, tout autant que ceux de la LCR ou de LO, et bien d’autres, doivent être au centre de votre projet, en constituer la colonne vertébrale.

      Ce projet que vous avez, pour l’essentiel, est largement partagé par une grande partie du PCF.

      Par ailleurs, le guévarisme comme vitrine ne résout aucun des problèmes posés. Indépendamment, on n’a pas à parler de parti guévarriste , ça ne renvoie à rien en tactique, en forme d’organisation sur ce qui semble nécessaire en Europe et même dans l’essentiel de l’Amérique Latine actuellement (je parle là des questions de renversement de la bourgeoisie).

      L’effort aurait dû se concentrer plus loin sur la question des types d’organisations nécessaires (comment résoudre par exemple la question de la division syndicale en même temps que la question des déficits démocratiques dans les syndicats existants, comment traiter la défiance de fond par rapport aux sociétés nomenclaturistes en apportant des réponses plus fortes et plus crédibles, comment d’une façon plus résolue et complexe traiter les questions de propagande, ...).

      Copas

    • Le projet de besancenot, du moins de ce que j’ai pu entendre, semble + se concentrer sur les jeunes (et moins jeunes) travailleurs venant à la radicalité, souvent récemment. Et c’est la première fois que je vois la LCR ne plus se concentrer sur le désir de convaincre des communistes (du PCF).

      Oui, c’est en grande partie exact, il me semble (même si nous pensons que la place de nombreux militants du PCF est à nos côté dans ce nouveau parti). Mais il faut voir que c’est le résultat d’un constat d’échec : nous pensions que de larges secteurs organisés du PCF (et d’autres partis) étaient susceptibles de basculer et de travailler avec nous : nous parlions de (souhaitions une) recomposition. Mais ça ne s’est pas passé comme ça. Nous parlons donc maintenant de reconstruction et nous adressons prioritairement aux militants (au sens le plus large, anciens et encartés ou jeunes radicalisés), en tant qu’individus, et non plus à des structures organisées. Bref, pas de recomposition impulsée par le sommet (par des dirigeants, des appareils) car ça ne marche pas. Essayons donc de reconstruire par la base.

      Par ailleurs il est vrai que nos forces sont minuscules pour une telle tâche. Mais pouvons-nous ne pas l’essayer ? Personnellement, même si certains de mes camarades se méfient comme de la peste de la personnalisation, je pense que les qualités politiques d’Olivier Besancenot sont un atout important.

      Par ailleurs, Copas, je profite de l’occasion pour dire que j’apprécie beaucoup tes interventions diverses sur ce forum.

      Salutations.

      Chico

    • Je ne parle pas de construction de sommet PCF-LCR. Quoique au fond ça aurait quand même beaucoup plus de gueule que bien des alliances chamaloo.... J’en profite d’ailleurs pour le signaler au passage à la camarade Buffet : La solution est à ta main gauche, la main droite n’agrippera que des feux follets ! C’est une perte de temps sans espoir. Un désespoir sans bornes ! Mais bon, là n’est pas mon propos.

      Il n’y a pas de raccourcis, et au moment où existe un véritable soulèvement multi-formes dans le PCF car ses militants ne veulent pas mourir comme ça, vous vous tournez vers ailleurs et je le regrette.

      Si tu regardes bien ce que vous annoncez vouloir faire, il est évident que bien des communistes sont sur la même longueur d’ondes (alors qu’ils ne l’étaient pas avec ce qu’est la LCR). Alors quoi ?

      Ne crois-tu pas préférable de commencer un parti avec dix fois plus de militants au boulot qu’avec 3000 pour s’adresser aux jeunes qui commencent à se radicaliser ?

      Dans mon boulot, quand je forme un jeune qui arrive ça me bouffe du temps sur mon travail. Si j’en forme deux, je ne bosse plus, et la production tombe (t’inquiètes c’est de l’administratif). Pas possible et pas toléré...Au delà de tout stress imaginable...

      Un parti que tu construis c’est la même chose.... Si t’as 3000 ouvriers et qu’ils en forment 3000 autres, tu n’as plus de temps à la production, tu es sur de fermer. Combien de fois avez-vous eu des nébuleuses de sympathisants sans rien pouvoir faire parce que vous aviez par ailleurs les rouages déjà portés au rouge ? (j’en profite là pour dire à vos potes de LO, à nouveau, qu’ils doivent cesser de se tater sur l’eau trop chaude ou trop froide, et qu’ils arrêtent de bouder leur bonheur sur votre tentative).

      Alors évidemment pas d’alliances de sommet pour faire autre chose, mais bien sur des décisions dynamiques et courageuses de tous , pas pour se précipiter sur de nouvelles formes d’alliance électorales ou autour d’alliances électorales, ces dernières devant être totalement soumises à la reconstruction d’un camp des travailleurs foisonnant en syndicats, partis, maisons communes (bourses du travail), réseaux, au service de conquêtes sociales.

      Copas

  • Trés bonne analyse, fouillée et travaillée, dont je partage beaucoup d’idées.

    Déni de démocratie et déni de stratégie.

    Mais les échéances électorales succéssives à répétition annuelle qui viennent, ne permettront pas de tenter de résoudre ces questions difficiles. les "forteresses" militantes ou historiques, et, la génération des protagonistes, comme vous l’avez signalé, sont très prégnantes et sans doute (!!!) légitimes. Et en plus, l’effervescence du n’importe quoi et tout azimut de Sarko ne permet pas d’affronter ces questions de façon même plus sereine ou approfondie.

    C’est pourtant nécessaire.

  • Bonjour,
    Denis Pingaud propose un "aggiornamento sur les conditions d’exercice du pouvoir et la stratégie d’alliance avec le parti socialiste" de la part de certains anti-libéraux et de la LCR.
    Les choses sont claires, il nous propose de refaire de coup de la gauche plurielle des années 1980. Et ceci dans des conditions que je dirais de "dégradées".

    * Le PS est de plus en plus social-libéral, même tendance centre droit avec Bayrou tant au niveau national que local ou les choses s’éclaircissent avec les municipales ou les leaders locaux des villes PS appèlent clairement à un accord avec le MODEM.
    * Le PC était, à l’époque , une force électorale aussi puissante que le PS et une force sociale d’importance pour ne pas dire plus. Aujourd’hui, les forces anti-libérales, très hétérogènes au niveau politique (faiblesse), ne sont en rien comparable a ce qu’était le PC.

    On ne peut parler d’alliance que lorsque le rapport de force est présent. Sinon, c’est la poule avec le renard dans le poulallier.

    Daniel Dauphiné.

    • C’est le moteur de l’existence même de partis sociaux-démocrates qui est en panne.

      Les baffes qu’ont encaissé les travailleurs ces dernières trente années ont affaibli tout le monde. La social-démocratie (au sens de fond de partis réformistes passant des alliances avec le capital par l’adossement à une classe ouvrière puissante et bien organisée : PCI, SPD, Parti Travailliste en étaient les archétypes, chacun avec une genèse différente).

      Ce moteur est épuisé et les appareils de ces partis n’ont plus de possibilités de survie qu’en mutant définitivement en partis démocrates (au sens américain ou maintenant italien) , c’est à dire en faisant des bébés nomenclaturistes bourgeois (DSK, Lamy, Royal, Lang, Fabius, etc).

      Sans réactivation puissante de luttes ouvrières, de luttes populaires et l’obligation faite à une bourgeoisie de passer des compromis, il n’y a plus place à de puissants partis sociaux-démocrates en Europe (encore une fois, je vous prie je parle de la social-démocratie au sens originel pas aux farces DSKistes). Les tentatives d’occuper l’espace laisser par les partis-sociaux démocrates en droitisant les orientations sont vides de sens et sans efficacité.

      Les tentatives de passer alliance avec le PS français, le SPD allemand, sont des tentatives d’alliance avec des feux-follets incapables de tenir 3 jours un engagement, si pour autant qu’ils ne se tordent pas dans tous les sens pour ne pas s’engager concrètement. Ces tentatives là sont couteuses et affaiblissantes, ne permettent pas d’améliorer un rapport de forces. En même temps qu’elles nous salissent vis à vis des travailleurs.

      Par contre, il ne faut pas confondre le déplacement vers la droite des partis sociaux-démocrates vers des transformations en partis bourgeois, avec l’espace politique, l’espace social, les possibilités de construire des points d’arrêts et des rassemblements de forces politiques tournés essentiellement vers la prise de confiance en soit des travailleurs, le renforcement de leurs organisations démocratiques (syndicats, partis , assemblées générales, associations, comités, réseaux,etc), et le soutien aux luttes sociales. Et non pas se poser des questions saugrenues de gouvernement , d’alliances pour avoir des postes dans l’état. Ces postes ne se conçoivent pas sans des postions de force, tenir une mairie ne se conçoit pas sans rapport de forces et d’autres formes d’organisations puissantes que des bulletins de vote.

      Là l’espace existe encore pour commencer à placer des appuis, restructurer, lutter pied à pied maintenant pour disposer de forces non négligeables lors des grandes offensives avenir des travailleurs et des couches populaires.

      On ne fera pas dériver dans l’autre sens, vers la gauche, le PS, en passant alliance avec eux, car les raisons de leurs glissements vers un appui quasi-total à l’ultra-libéralisme renvoie à une situation de fond, une évolution profonde des rapports de force entre les classes.

      Par contre, la question de courants issus de la gauche du PS se pose, ainsi que d’éventuelles alliances avec eux. Mais à condition qu’elles soient tournées vers une utilité ouvrière.

      Copas

      * Classe ouvrière (je l’entends au sens élargi du terme, 75 à 80% de la population)

  • Analyse vraiment très interessante où chacun en prend pour son grade....mais qui nous sort des anathèmes sectaires que l’on trouve à chaque coin de site !!!
    Allons de l’avant ! Ca ferait un bon texte préparatoire à l’AG extraordinaire du PCF !!!!

  • Cet échec mérite réflexion. Survenant après les tristes déboires de l’association altermondialiste ATTAC — enfoncée par des pratiques de fraude électorale —,

    Cette partie de l’analyse au moins est inexacte en ceci qu’elle laisse implicitement entendre qu’une fraude électorale serait à l’origine de la déliquescence d’ATTAC. La fraude électorale de 2006 portait sur quelques centaines de bulletins. Les auteurs n’ont toujours pas été démasqués (et il n’est pas sûr qu’ils soient encore activement recherchés). A l’issue du scrutin, le président sortant, Jacques Nikonoff était, quoi qu’il en soit, largement réélu et n’avait nullement besoin de ce procédé dont il a été la première victime. Non seulement il n’est même plus membre du Conseil d’Administration d’ATTAC, mais la nouvelle équipe vient de l’empêcher de prendre la parole lors de l’Université d’été d’ATTAC.
    En vérité, la déstabilisation d’Attac par des organisations qui la composent (Collège des Fondateurs) et quelques membres minoritaires de sa direction avait commencé depuis des mois. Il suffit de voir les vieilles et violentes charges dans la presse contre son président par des dirigeants actuels d’ATTAC.

    Dès le lendemain (oui, dès le lendemain, pas huit jours après) du vote victorieux sur le TCE, trois dirigeants d’Attac aujourd’hui aux manettes s’en prenaient publiquement à lui dans des journaux complaisants qui ne rechignèrent pas à publier leur texte. Comme s’il urgeait de ne pas laisser Attac s’auréoler de la part importante qui lui revenait dans cette victoire.
    Mais la fronde avait commencé depuis belle lurette. Auparavant c’était la personnalité de Nikonoff qui était contestée. L’affaire de la fraude fut l’arme qui allait décapiter, là où les autres s’étaient émoussées.

    Le scrutin de décembre 2006 a donné quatre sièges sur quarante-deux (avec pourtant 36 % des voix), à «  Avenir d’ATTAC », la tendance fidèle au président sortant et aux orientations qui firent le succès d’ATTAC. Les quatre élus viennent de démissionner, marginalisés, écartés d’une partie des informations qui circulaient sur des listes secrètes de la majorité, dans l’impossibilité de s’opposer à une dérive POLITIQUE.

    Pour ne donner qu’un exemple, le bimestriel Plan B de novembre ironise à juste titre sur la résolution N° 9 pour l’Assemblée générale d’octobre 2007 d’Attac qui invite les militants à débattre sur la question : «  Dans quelle mesure les médias sont les acteurs de la mondialisation libérale ?. » Du temps de l’ancienne équipe, cette question avait été tranchée. On mesure là le grand bond en arrière.

    S’agissant d’Attac comme des autres organisations dont le comportement est analysé ici par Denis Pingaud, il convient de distinguer les discours des intentions, le dire du faire. Il convient d’observer les glissements qui ne sont pas dits mais qui sont visibles.
    Redisons-le, Attac n’est pas affaiblie par une fraude, la fraude a été le moyen (les autres ayant échoués) d’affaiblir Attac, association dont l’image et le dynamisme faisaient de l’ombre à certaines organisations qui la composent et dont les orientations sont différentes (quelques-unes étaient favorables au OUI au référendum).

    On remarquera d’ailleurs que, les "historiques" débarqués, la nouvelle équipe a pesé moins que la mouche du coche dans la production d’idées et la création d’un courant de masse à l’occasion des présidentielles et des législatives, pour ne citer que ces deux cas.
    L’Attac d’hier va nous manquer dans les batailles qui s’annoncent. Quelques-unes sont déjà amorcées sans elle.

    Maxime Vivas

    • Denis Pingaud, le conseilleur de José

      Denis Pingaud, un communicant qui préfère l’ombre

      par Sylvia Zappi

      Personne ne l’a jamais vu à une réunion. Son nom est inconnu dans les collectifs de campagne. Pourtant, c’est lui qui conseille José Bové sur sa communication : Denis Pingaud, directeur de la stratégie chez Euro-RSCG C & O, demeure discret. Conseiller en stratégie de grosses entreprises, il préfère rester en retrait. Et explique que son lien avec l’ancien leader de la Confédération paysanne relève de son "domaine personnel".

      Le parcours de ce communicant l’aura fait toucher à tout. Tant professionnellement que sur le plan politique. Diplômé de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, il a débuté sa carrière au Matin de Paris, avant de devenir chargé de mission, en 1984, au cabinet de Laurent Fabius à Matignon. Il tente l’Ecole nationale d’administration (ENA), mais jette l’éponge : il préfère la communication. Et crée alors sa propre agence.

      Dans ses jeunes années, il avait assidûment milité à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), jusqu’à faire partie du bureau politique de l’organisation. C’est là qu’il se lie à l’autre "conseiller" de José Bové, Christophe Aguiton. Au début des années 1980, il file au Parti socialiste (PS), ne croyant plus en la doxa trotskiste. Denis Pingaud est encore aujourd’hui très proche des réseaux fabiusiens. "C’est un ami qui donne des conseils informels sur les médias", reconnaît Claude Bartolone, bras droit de M. Fabius.

      Ce quinquagénaire à l’allure élégante n’était pas un habitué des milieux altermondialistes. Ceux qu’il fréquente sont ceux de Médecins sans frontières ou du PS. C’est à l’enterrement de son frère aîné, en 1999, qu’il rencontre José Bové. François, nommé "préfet délégué" par François Mitterrand pour organiser le démantèlement du camp militaire du Larzac, était un proche du leader paysan. Denis Pingaud est séduit. Il suit José Bové au Forum social mondial de Porto Alegre (Brésil) en 2001, réalise un documentaire pour France 3, et rédige une biographie, La Longue Marche de José Bové (Seuil, 2002, 250 p.).

      A un an de la présidentielle, ses deux "amitiés" ne lui posent pas de problème de cohérence. Il a cherché à jeter des ponts entre José Bové et Laurent Fabius en organisant des rencontres lors de la campagne, en 2005, pour le non au référendum sur le traité constitutionnel européen. 2007 risque de les éloigner. Mais M. Pingaud répond : "Fabius est le meilleur au PS pour rassembler toute la gauche. En rassembleur de la gauche radicale, Bové peut aider la gauche à gagner au deuxième tour."

      Sources : Le Monde

      http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=46388

  • Merci pour vos divers commentaires, Copas, Chico, et les autres, mais vous n’avez pas relevé dans ce que disait Pingaud, quelque chose que je n’avais pas entendu ailleurs, à savoir la critique de la mécanique du "programme de transition", destinéee à mettre en crise politique (ce qui n’est déjà pas si mal), à deséquilibrer le système, mais pas à prendre le risque de gouverner...
    A présent, bien entendu, les choses ne se posent pas de la même façon. Il n’y a pas d’élections en vue (sauf municipales). Donc, disons, pour faire court, qu’on peut s’en remettre aux luttes combiné à la politique protestataire : on est en terrain familier, "on sait faire" à la lcr. Soit.

    De toutes façons il faut déjà qu’elles aient lieu ces luttes et qu’elles gagnent, et ça c’est pas gagné ! rebral

    • Je ne suis pas à la LCR. Par ailleurs je me suis contenté là d’une critique rapide des points avancées par notre ami.

      On ne peut parler de tout en un seul texte, ni en 10.

      Si tu parcours un peu à droite et à gauche ce que disent les uns et les autres tu verras que déjà une série d’éléments permettent déjà de mieux traiter les questions d’organisation afin d’éviter que des castes s’autonomisent par rapport à des organisations, où qu’elles soient situés dans le camp du mouvement social. Tu verras également des intérêts puissants pour les structures d’auto-organisation à tous niveaux (associations, comités, SCOP, etc).

      Je dis ça à la caricature, mais on ne peut aborder tout dans une discussion ainsi.

      Par ailleurs la question du programme de transition qui est une orientation prise par Trotsky correspond à une période sans espace politique réel et n’a pas été réellement testé. Je ne suis pas sûr que cela soit la meilleure des orientations. des choses dedans sont très intéressantes, mais elles me semblent être des leviers très insuffisants en soit pour propulser des logiques de transformation révolutionnaire.

      Pour ce qui est du mouvement social, effectivement ce n’est pas par la satisfaction de revendications salariales et autres qu’il va renverser une société. Personne ne dit cela, et notre ami est gonflé de penser que ce serait la position des radicaux en France. C’est une accusation outrée.

      La défense d’une classe (qui existe) passe par ....... la défense de ses conditions d’existence économiques, culturelles, sociales, écologiques, en conditions de travail, de logement, etc. Ca ne permet pas en soit que celle-ci puisse prendre contrôle de son propre destin, il s’en faut de beaucoup, mais je dirai que c’est un minimum "syndical" pour tout parti qui désire une société socialiste. Ce n’est pas suffisant en termes politiques mais sans cela , en contournant cela, on n’a que deux espaces qui s’ouvrent devant nous : le parti démocrate ou alors aller chercher une concession dans le meilleur cimetière.

      Une partie de la reprise de confiance en soit d’une classe passe par sa capacité à la mobilisation sociale. Elle passe par des batailles dans les entreprises pour les libertés essentielles d’expression, d’organisation, de circulation, etc.

      Mais plus encore elle passe par une perspective politique cohérente et crédible qui tire de réelles leçons du passé des sociétés nomenclaturistes, en perçant à jour les racines de ces sociétés au travers même des processus de transition ou de défense des intérêts des travailleurs dans les sociétés capitalistes. Et des réponses adéquates à adopter.

      Sur ce dernier point aucune formation politique ne réponds, à mon sens, convenablement à ce dernier aspect. Mais ceci étant dit je dois avouer que du coté de la gauche radicale on s’approche + de réponses convenables sans vraiment réussir à construire une démarche cohérente sur la question vieille et antique des genèses des castes bureaucratiques. Par contre, dans la gauche actuelle, plus on va vers la droite et plus pèsent les précurseurs de l’autonomisation d’une caste politique pour en arriver au PS où le cordon ombilical a été définitivement coupé et nous sommes en pleine symbiose avec la classe bourgeoise.

      Ainsi plus on va vers la droite et plus nous avons mépris, mensonges et manipulations afin de propulser des interets individuels puissants, des interets de caste , des interets bourgeois. La question des alliances avec des forces qui n’ont réussi, jusqu’à maintenant, qu’à réussir à affaiblir leurs alliés sur la gauche (PC et Verts), à affaiblir la force du mouvement social, des organisations qui faisaient vivre au quotidien l’espérance d’une société plus humaine, ne serait-ce qu’en humanisant les présents, qui n’ont réussi qu’à faire reculer le reculer le rapport de forces capital-travail en faveur du capital, part d’un biais sous-estimant les questions de pouvoir et de corruption des possibilités d’avancées.

      Le moteur de la destruction des partis sociaux-démocrates (tels que j’en parle) n’est pas une invention, ni le fruit de l’intention de la gauche radicale, c’est l’écroulement des compromis capital-travail de ces 60 dernières années, qui fait que l’absence de grain à moudre vide de sens ces intermédiaires entre travailleurs et patrons, qui se sont nourris pendant longtemps d’une grande puissance de la classe ouvrière et son organisation.

      Un renouveau du mouvement social et vvvvoooouuuffffff, ces forces réformistes se renforceraient, des castes intermédiaires essayeraient de se reconstruire.

      Passer des alliances avec une quelconque force politique n’a de sens que par la commodité qu’elle apporte. Si celle-ci permet de faire progresser l’organisation démocratique en bas, et de développer le bien-être et le contrôle sur leur propre vie par les travailleurs, la liberté des individus , alors oui ! ce qui est important dans ces affaires, comme dans n’importe quel segment des luttes sociales ou des démarches pour humaniser des pans quelconques de la société, c’est la prise de confiance en soi des travailleurs, qui permet de petites ou grandes ruptures idéologiques dans la tête collective et individuelle des travailleurs, leur permettant de se porter avec plus d’aisance vers des questions libératrices plus larges et paradoxalement plus concrètes.

      La question de la culture de la contestation n’est pas un terrain choisi par les réformistes ou les révolutionnaires de toute obédience, mais renvoie au fait que la classe ouvrière n’est pas dans la situation de la bourgeoisie quand elle n’a plus eu que le pouvoir politique à conquérir après s’être formé à la gestion pendant des centaines d’années.

      La classe ouvrière est dans une situation de pression continue à l’aliénation en étant soumis à une idéologie puissante et en se situant hors des systèmes d’apprentissage à la gestion .
      Cette particularité rend complexe la marche vers une autre société et construit un danger permanent dans ses avancées vers une autre société par l’apparition de castes intermédiaires parlant en leur nom.

      Ces difficultés ne se résolvent pas par l’alliance avec des champions du jivarisme . Elles ne se résolvent pas par un enkystage dévastateur dans l’état, sans contrôle du bas .
      Les alliances gouvernementales dans les conditions où elles se sont faites dans la gauche ces dernières dizaines d’années (et partout dans le monde) ont été dans la quasi-totalité des cas des alliances affaiblissantes où l’espérance d’humanité est sortie plus affaiblie qu’elle n’était au début du processus.

      Comprendre pourquoi c’est traiter également la question sociale, car celle-ci est au coeur de nos sociétés et malheureusement à la périphérie concrète souvent de la gauche. On regarde des fois comme horriblement ringard de distribuer des tracts au petit matin dans une entreprise, de faire de la politique dans une entreprise. On a tord.

      Par contre parallèlement à la reprise de confiance en soit de la classe travailleuse, il faut explorer les questions de l’éducation, de l’apprentissage de la gestion démocratique anti-buraucratique et anti-bourgeoise parmi les travailleurs.

      Les coopératives, des municipalités construites d’une façon originale (mais hélas inexistantes actuellement) pourraient favoriser ces apprentissages et des tests de grande échelle. Des syndicats pensés complètement différemment que le fonctionnement actuel concret de ceux-ci permettraient d’avancer, etc Le mouvement social, au travers de revendications et d’assemblées, comités, coordinations de travailleurs permettraient également d’avancer vers les apprentissages de gestion et de résolution par des couches plus larges de travailleurs.

      De nouvelles formes d’organisation articulées autour de fonctionnement en réseaux peuvent également participer à ces processus d’affirmation en soi d’un espace d’une classe qui donne courage et désir au plus grand nombre de se mouiller à la responsabilité (pas au sens bourgeois, au sens libérateur et de prise en main des individus de leur propre sort).

      Je rejoins Maxime Viva sur le fait qu’un ATTAC plus puissant nous manque, car cette association a accompli un formidable travail dans la construction d’un rapport de forces meilleur dans quelques pays, en propulsant l’éducation populaire des masses. Je pense que l’arrivée de confrontations précises et puissantes (Mai 2005) a précipité les contradictions qui couvaient sous l’angle de plusieurs attaques.

      ATTAC est un des éléments indispensables du dispositif permettant un progrès idéologique dans les masses les plus larges.

      Un des éléments.... Mais encore une fois toutes ces discussions sont fragmentaires.

      Copas

    • Copas, merci, je regrette pas ma question, passionnante réponse : la démocratie socialiste, quoi... Plein d’éléments développés qui d’habitude restent des formules toute chétives et paresseuses, "jivarisées" pour reprendre ton vocabulaire...
      Ma foi, si les idées sont formulées, c’est déjà un premier pas... Elles peuvent être reprises de proche en proche... Devenir des forces matérielles... Un bémol : je peux me tromper mas je ne peux m’empêcher de penser que ces idées-là, on les entend guère au pcf, c’est pas vraiment cette culture politique-là... Mais avec internet, peut-être qu’il y aura dorénavant plus de brassage... rebral