Accueil > Libérons la paix

Libérons la paix

Publie le dimanche 19 mars 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Demain, de Rome à New York, de Paris à Berlin, le monde pacifiste est appelé à descendre dans la rue pour manifester contre les guerres et les occupations en Irak, en Palestine, en Afghanistan et en Haïti. Une manifestation aura également lieu à Genève. Elle partira à 13 h 30 de la place Neuve et se rendra devant la mission des Etats-Unis auprès de l’ONU. Pour relayer cet appel, nous publions un texte de Giuliana Sgrena, notre consoeur du « manifesto », détenue pendant un mois en 2005 par un groupe de rebelles irakiens.

Il y a un an, je découvrais ce qui s’était produit durant mon enlèvement. Je savais que je ne serais pas abandonnée, je pensais qu’il y avait eu des mobilisations. Mais je n’aurais jamais imaginé que 500000 personnes étaient descendues dans la rue pour demander ma libération. Cette mobilisation a certainement contribué - au même titre que les tractations - à mon retour à la maison. « Libérez Giuliana, libérez la l’Irak », tel était le mot d’ordre de la manifestation (du 19 février à Rome, ndlr) que j’ai vue défiler dans de nombreuses vidéos et sur des centaines de photos.

J’ai été libérée, Mais l’Irak est encore occupé et il sombre dans une situation toujours plus dramatique, plus sanguinaire, où la guerre civile brandie par les Etats-Unis et leurs alliés en cas de retrait des troupes étrangères, déjà effective depuis deux ans, a explosé dans toute sa violence. Les morts irakiens ne se comptent plus.

D’ailleurs, qui les a jamais comptés ? Morts, blessés, enlèvements, 2000 femmes enlevées, viols, crimes d’honneur. On ne peut compter sur l’information. En Irak, elle n’existe plus : les parties en conflit ne veulent pas de témoins. Jill Carrol et deux autres journalistes sont encore entre les mains de ravisseurs.

« Libérez l’Irak. » Tout de suite. On ne peut plus attendre. Nous ne pouvons plus rester indifférents face à cette barbarie croissante, que j’ai pu ressentir sur ma peau. Mais nous ne pouvons pas pour autant nier aux Irakiens le droit de reconquérir leur souveraineté. Le seul moyen, c’est le retrait de toutes les troupes. En tant que pacifistes, nous devons commencer par agir immédiatement pour contribuer à la pacification d’un pays comme l’Irak. Précisément au moment où le conflit risque de s’élargir à l’Iran. Le président iranien peut se permettre ses provocations parce que les partis religieux irakiens liés à Téhéran contrôlent le sud de l’Irak.

Des 500000 personnes qui sont descendues dans la rue le 19 février 2005, certaines d’entre elles étaient mues par des motivation humanitaires. Elles voulaient me sauver la vie. Mais je suis convaincue qu’une majorité d’entre elles voulaient aussi manifester contre la guerre et pour l’Irak.

J’ai été l’opportunité de les rendre à nouveau protagonistes après la « défaite » subie lors du déchaînement de la guerre, malgré les défilés sans précédent de février 2003, lesquels avaient permis au mouvement pacifiste d’être défini comme la deuxième puissance mondiale.

Le 18 mars constitue l’occasion de redescendre dans la rue tous ensemble pour sauver un peuple qui agonise dans l’indifférence de qui prétend démocratiser l’Irak. La démocratie ne s’exporte pas. Si on veut aider un pays détruit par la guerre, il faut le reconstruire, mais certainement pas avec des chars et des fusils.

S’opposer à l’occupation est notre devoir et le droit des Irakiens. La question de la résistance a divisé le monde pacifiste et elle l’a en partie paralysé. Même si j’ai été victime d’un mouvement de résistance, je ne peux lui nier le droit de résister, y compris par les armes. Quand bien même je ne partage pas cette option, car elle n’a non seulement aucune chance de succès, mais elle utilise la violence pour imposer des choix à la population.

La violence, même lorsqu’elle est acceptée comme une nécessité - mais la non-violence ne signifie pas tendre l’autre joue -, ne peut être mythifiée. Le pacifisme doit défaire ce noeud sans pour autant se diviser. Il n’est pas indispensable de s’identifier à la résistance irakienne vu qu’il s’agit d’une nébuleuse composite dont on connaît les projets et les programmes pour l’avenir de l’Irak.

Mais malgré quelques dégénérescences, la résistance ne peut être confondue - contrairement à ce que certains soutiennent - avec le terrorisme, qui ne veut pas la libération de l’Irak, mais utilise ce territoire pour son propre djihad contre les infidèles. Les victimes des groupes terroristes, qui alimentent la culture de la mort avec des kamikazes, sont dans leur écrasante majorité des Irakiens.

Nous devons mettre un terme aux violations des conventions internationales, aux tortures que les occupants ont enseignées aux occupés et qui sont désormais pratiquées par le Gouvernement irakien.

Avec les Irakiens, en février 2003, j’ai partagé les espoirs de pouvoir éviter la guerre, l’attente de l’ultimatum, les bombardements. L’arrivée des Américains n’a pas constitué un motif de fête. « Je suis content de la fin du régime de Saddam, mais pas de la manière avec laquelle il s’est achevé », disaient de nombreux Irakiens.

Ils avaient raison.

il manifesto
 http://www.lecourrier.ch/modules.ph...

Messages