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Néolibéralisme et retraite

Publie le lundi 18 octobre 2010 par Open-Publishing

un document d’analyse très intéressant qui met à plat le changement de société mis en branle en réaction au new deal de roosevelt au travers des retraites :

juste la conclusion du document :

CONCLUSION
La finalité sociale et politique des réformes de la protection sociale et des retraites en particulier revient à mettre en échec la socialisation du salaire qui s’effectue dans la mise en commun des cotisations sociales. Cependant ces contre-réformes ne constituent pas une restauration pure et simple des rapports sociaux tels qu’ils étaient avant 1945. Par rapport au libéralisme classique, le néolibéralisme commence dans les années 1930 d’une part en Allemagne (ordolibéralisme) comme résistance à la planification et à l’économie planifiée et d’autre part aux Etats-Unis (prédécesseurs de l’école de Chicago et des think tanks néo-conservateurs actuels) comme résistance au New Deal de l’administration Roosevelt aux Etats-Unis. Le néolibéralisme constitue le projet de destruction de tous les éléments de socialisation qui font partie du travail salarié. En effet, dans la perspective historique et anthropologique des néolibéraux, ces éléments de socialisation effective sont vus d’une part comme des obstacles irrationnels à la libre concurrence et d’autre part comme des prémisses d’une forme de société non capitaliste. En particulier, la retraite comme temps libéré du travail subordonné, comme possibilité de travail ou d’activité libre, doit disparaître. C’est pourquoi il faut pour les personnes âgées restaurer la situation de besoin, la dépendance. De là, chez les classes dirigeantes, l’hypocrisie des discours et mesures de "lutte contre la dépendance" des personnes âgées.
Les réformes des retraites font en effet partie depuis le début des années 1980 de toute une série de mesures visant à la baisse du "coût du travail". Le Livre Blanc sur les retraites de 1991 est très symptomatique à cet égard. Il souligne que le système de retraite construit à partir de 1945 va arriver à maturité en 2005. Autrement dit, les personnes nées en 1945 et qui partent à la retraite en 2005 sont les premières personnes dont toute la durée de vie active s’est déroulée sous ce système. Et c’est alors que les problèmes commenceraient ! Le Livre Blanc suggère par là que les classes dirigeantes ne soutiennent un régime de protection sociale que dans la mesure où ce régime ne manifeste pas complètement ses conséquences, car alors ce serait le trou financier. Et cela n’est pas propre aux experts français. Les classes dirigeantes ne soutiennent le bien public que pour autant qu’il ne soit pas trop favorable aux salariés.
Une des caractéristiques du management néolibéral s’exprime dans l’individualisation des salaires. Cette individualisation est quantitative, au moyen de primes différenciées, de primes en fonction de l’obligation de résultat. Mais surtout, l’individualisation entraîne pour le salarié la contrainte à se transformer en capital humain au travers de l’évaluation des compétences dans l’entretien d’embauche et par les entretiens périodiques dans l’emploi. Si les procédures et les mesures qui visent à faire de la pension la rente d’une épargne brouillent le lien organique entre salaire et pension de retraite comme prolongement du salaire, ce lien organique n’en existe pas moins. Mais ce lien est déformé dans l’individualisation, car, si le salaire est individualisé, la pension aussi tend à être individualisée : comme rente d’une capitalisation directe ou indirecte.
Les mesures inscrites dans l’actuel projet de loi permettent, selon les prévisions, de retrouver l’équilibre financier vers 2018-2020. Mais, dès ce moment, il est aussi prévu que les déficits réapparaîtront. Par conséquent, l’objectif principal du projet de loi n’est pas la "pérennité financière" mais plutôt l’allongement de la durée d’activité. L’objectif est aussi la baisse du niveau des pensions, puisque la réalisation d’une carrière professionnelle complète risque bien de devenir l’exception. Comme les difficultés persisteront le passage à un système à la suédoise serait rendu "logique" et "acceptable". D’ailleurs, obligation est faite au COR de produire un rapport au plus tard le 31 mars 2018 (article 1 er, alinéa 13). 1
C’est ce que confirme l’interview au journal Les Échos du président du Sénat, Gérard Larcher : la promesse d’une "réforme de système en 2018".17
Mais l’histoire n’est pas écrite définitivement. Ces contre-réformes peuvent être enrayées par les actions collectives résolues.