Accueil > Partie de campagne pour les intellos chinois
Pour lutter contre le chômage de masse des jeunes, le gouvernement central chinois recycle les vieilles idées de la Révolution Culturelle. Pas très râgoutant.
Si la poussée de nationalisme chinois sur internet et les manifestations anti-françaises ont déjà fait long feu, elles auront temporairement servi à détourner l’attention des Chinois des vrais problèmes économiques et sociaux du pays. C’est par exemple le cas du chômage de masse qui frappe les jeunes. S’il n’existe aucune statistique nationale précise, quelques informations données par le gouvernement permettent de saisir l’ampleur du phénomène. Ainsi, selon des officiels chinois, au cours de ces dernières années, le taux de chômage des étudiants diplômés du premier cycle universitaire atteignait les 70 % ! Quand on sait qu’en 2008, cette seule catégorie représentait 5,59 millions de jeunes, on se dit que ça en fera des chômeurs… Du coup, les commentaires vont bon train dans les journaux et sur les blogs. En ligne de mire ? L’incapacité du gouvernement central à faire face. Même le Premier ministre Wen Jiabao a été contraint de reconnaître que « la création d’emploi dans le pays le plus peuplé du monde qui est le nôtre se révèle une tâche extrêmement délicate ».

Fort pratique pour donner du grain à moudre aux jeunes Chinois, le grabuge autour du passage mouvementé de la flamme olympique en France aura aussi servi à masquer l’incapacité des autorités à innover pour résorber le chômage des jeunes. Les grands énarques chinois n’ont en effet rien trouvé de mieux que de dépoussiérer et de réinstaller le mouvement d’envoi à la campagne (xiaxiang). Petit rappel historique, ce dernier était courant pendant la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (1966-1969) et consistait à inciter arbitrairement les « jeunes instruits » (zhiqing) à s’installer à la campagne pour y être rééduqués par les paysans. Pendant douze ans, de 1968 à 1980, ce ne sont pas moins de 17 millions de jeunes, diplômés du primaire ou du secondaire, qui ont été envoyés en rééducation avec peu de chance d’en revenir.
Mais qu’importe, ces dernières semaines, le Parti Communiste Chinois (PCC) a décidé de lancer une grande campagne d’embauche de 100 000 diplômés pour les envoyer pendant cinq ans… à la campagne. Ces jeunes seront désignés pour travailler comme « assistants aux chefs des branches du PCC » ou comme « assistants des chefs de comités de villages » et auront la charge « d’aider les paysans à maîtriser les technologies agricoles », de « sensibiliser le public local à la santé et aux techniques » et, enfin, de « promouvoir des activités culturelles ». En contrepartie de ce réjouissant programme, ils devront « se mettre à l’écoute des masses » et recevront pour la peine « un contrat de trois ans avec une assurance sanitaire adéquate et un salaire variant selon la durée du service ». Et, afin que leur tâche ne soit pas trop ardue, Li Yuanchao, le puissant directeur du département de l’organisation du PCC – le service des ressources humaines – a demandé aux officiels locaux du Parti de « créer un environnement sain pour le travail et la vie de ces nouveaux recrutés ». Pour Li, il s’agit avant tout d’une mesure stratégique pour le Parti car ce dernier se doit d’adapter « ses futurs cadres de base à la situation des régions rurales ».
Tout comme en 1968, le Parti cherche à assurer sa survie politique en déployant des cohortes de diplômés vers les campagnes afin d’apporter les bonnes techniques et la bonne parole aux paysans – source légitime de son pouvoir – qui mesurant sa mansuétude se tiendront pour un temps à carreau. Le Parti réglera du même coup, comme en 1968 là encore, le sort d’une population étudiante qu’il définit comme « oisive » et qui peut constituer un frein à sa dominance politique.
Xiao Long