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Philippe Jamet sur France-Culture : le rapport de l’Insern sur l’"évaluation" des psychothérapies
Publie le mardi 27 décembre 2005 par Open-Publishing5 commentaires
de Luc Mazenc
Bonjour à tous et à toutes,
Je viens d’écouter Philippe Jamet au cours de l’émission "Les matins de
France-culture" (15 décembre 2005). Philippe Jamet est psychiatre,
psychanaliste et enseignant à l’Université. Il était interrogé
sur la "révolte des banlieues" par Olivier de Morand et son équipe (Gérard
Slama et Alexandre Adler notamment) ; mais plus largement, il s’agissait des
problémes des jeunes aujourd’hui.
Au début de l’émission, j’ai senti monter en moi une immense colère ;
puis la tristesse m’a envahi. Tristesse de constater une fois de plus
comment la détresse des jeunes était traitée avec autant de simplisme, de
superficialité et de conformisme par cet homme, mais aussi par l’équipe de
France-culture. En guise de réponse à la crise existentielle des jeunes,
comment peut-on précauniser avec autant de conviction le "retour de
l’autorité", le recours au "dépistage précoce de la délinquance" et à la
camisole chimique, comme le précaunise le rapport de l’Insern sur l’
"évaluation" des psychothérapies ‹ sur lequel Philippe Jamet s’appui pour
légitimer son propos ?
Je souhaitais depuis longtemps partager avec vous mes inquiétudes : ce
rapport me paraît extrêmement dangereux et, de surcroît, parfaitement
inadapté comme réponse à la crise sociale actuelle. De plus, il vise à
disqualifier la dimension la plus noble et la plus émancipatrice de ce que
l’on qualifie (improprement pour ce qui est de l’ "aile libertaire" du
mouvement) de "développement personnel".
Philippe Jamet à évoqué le suicide des jeunes et la
"violence des adolescents". Il voudrait enrayer ces phénomènes, mais il n’a
évoqué à aucun moment les violences économiques et sociales ainsi que la
déliquescence de la classe politique qui sont pour une très large part à
l’origine de ces processus. Il n’a même pas seulement
évoqué le fait que ces révoltes pourraient s’ expliquer, en grande partie,
comme une réaction à la domination et à l’exploitation. Il s’est contenté de
réciter le discours convenu et rabattu à tout va du psychologue et du
"manager" : il faut donner aux individus la possibilité de réaliser leur
potentiel créatif. Mais il ne se pose pas la question : au service de qui et
de quoi faudrait-il réaliser ce potentiel ? Au service de quelle société ?
Au service des dominants, au service d’une société qui fabrique toujours
plus d’injustices, de l’exclusion, de la domination ?
Il fait porter aux individus, aux jeunes et aux parents la pleine
"responsabilité" de la violence sociale. Il ne laisse aucun échapatoire. Il
n’a qu’un seule réponse : la "responsabilité (individuelle)", cette
expression aujourd’hui rabachée. Si je n’étais complétement effondré par ce
nouveau témoignage d’insensibilité à la souffrance et de naïveté, je dirais
que Philippe Jamet est une brute épaisse.
Je crois bien comprendre le désespoir des jeunes révoltés d’aujourd’hui.
Nous n’avons rien choisi en naissant ; nous n’avons pas choisi de vivre dans
cette société où règnent l’injustice et la domination, où ceux qui
"réussisent" sont trop souvent ceux qui mentent le mieux, ceux qui "volent
légalement". Alors que l’on cesse de nous parler de "responsabilité
individuelle". Ceux qui devraient se "responsabiliser" ne sont-ils pas ces
"élus" qui prétendent nous diriger et qui nous exhortent à être
"responsables", ceux-là même qui cautionnent toutes les violences et toutes
les injustices ?
Et puis ce fameux "respect" ‹ encore un mot du discours dominant
rabaché à longueur de temps, dans les médias, sur la scène politique et dont
Philippe Jamet fait son miel : "respect de l’autorité", "respect" de ceci et
de cela .... . On ne peut respecter que ce qui est respectable, le respecta
se mérite, il ne s’impose pas. Franchement, la mafia UMP qui dirige la
France et qui a commandé ce rapport à L’Inserm est-elle respectable ? Non,
elle n’est pas respectable. L’homme public Sarkosy est-il respectable ? Non.
Chirac ne devrait-il pas être en prison, est-il respectable ? Non. La
République coloniale est-elle respectable : non. Et elle méritait bien d’être
sifflée au stade de France.
Quelle "autorité" restaurer, alors que les gens qui nous "dirigent" sont
les plus malhonnêtes d’entre-nous ? Pourquoi devrions-nous les respecter ?
La psychologie est en train de devenir le fer de lance d’un pouvoir
autoritariste et fasciste. On ne devrait donc pas être surpris que Philippe
Jamet ait été si discret lorsque de Morand a évoqué Michel Foucault ce
matin. Ce même Foucault qui avait si bien entrevu les usages contemporain
d’une discipline qui était vouée à devenir le meilleur allié de la "société
dsiciplinaire" qui s’instaure aujourd’hui.
J’ai bien l’impression que les mesures précaunisées par le rapport de
l’Insern sur l’évaluation des psychothérapies ne serviront qu’à détruire un
peu plus ce qui reste d’humanité et que la "violence des banlieues" va se
généraliser. En tout cas, pour ce qui nous concerne, luttons pied à pied
contre cette monstruosité de rapport.
Bien à vous. Luc.
Messages
1. > Philippe Jamet sur France-Culture : le rapport de l’Insern sur l’"évaluation" des psychothérapies, 27 décembre 2005, 23:22
Ceux qui osent parler de "la violence des jeunes" sans au moins évoquer les violences faites aux jeunes ont choisi leur camp : celui des chiens de garde.
Il y a beaucoup de chiens de garde chez les psychanalystes, et chez les psychiatres.
Et ce sont ceux-là qui sont les plus médiatisés.
Faites votre tri, les autres ne sont pas nombreux.
MC
2. > Philippe Jamet sur France-Culture : le rapport de l’Insern sur l’"évaluation" des psychothérapies, 28 décembre 2005, 13:04
"La psychologie est en train de devenir le fer de lance d’un pouvoir autoritariste et fasciste".
Elle n’est pas que ça, loin s’en faut...
De même que les psychanalystes, psychiatres, thérapeutes ne sont pas tous des chiens de garde du libéralisme, loin s’en faut.
Alors même que le libéralisme ravage et destructure les corps et les esprits, le droit à la santé mentale, droit fondamental, est de plus en plus dénié par les coupes budgétaires...
Pour approfondir la question, voir le livre : "Santé mentale, ville et violence" ed Eres
3. > Philippe Jamet sur France-Culture : le rapport de l’Insern sur l’"évaluation" des psychothérapies, 28 décembre 2005, 21:39
La frontière entre respect et soumission est très fine.
il y a le respect dû aux nobles (acceptation moderne, ceux qui "méritent" d’êtres connus), dont la parole , si elle est mise en doute, provoque la colère des respectueux.
il y a la soumission à l’autorité, volontaire ou subie.
irrespect et insoumission ne font pas bon ménage avec le pouvoir.
par contre, le dédain envers le "vulgaire" est une constante systématique des théoriciens du respect, ceux qui savent ce qui doit être craint et aimé. Ceux qui savent tout court.
le refus d’appartenir à une élite est la pire des vulgarités pour les amateurs de respect.
Quand je me définis comme une racaille, je m’interdis d’être un expert respectable, je n’ai plus de mérite, plus personne ne me respecte.
Les respectables diront que si je refuse d’être respectable, c’est que je ne suis pas respectable.
C’est tout le sujet du débat.
le refus d’appartenir à une élite est selon moi la seule manière de se respecter.
mais c’est aussi la façon la plus certaine de ne plus être respecté par les respectables.
jyd.
4. > Philippe Jamet sur France-Culture : le rapport de l’Insern sur l’"évaluation" des psychothérapies, 29 décembre 2005, 16:29
je suis d’accord avec ta réaction ayant écouté Ph. Jamet aussi
car sinon je n’ écoute plus France Culture que lorsqu’il y a des personnes
que je respecte mais je respecte encore Ph. Jamet car il fait un travail rare
dans son service sans imposer justement une camisole chimique
il reste un des rares psychiatres d’ados à le faire
et je regrette en effet son manque de révolte quant au système pourri qui est le notre et détruit nos jeunes, ne serait ce que la pression scolaire qu’on leur met !
mais je pense que lorsque Ph. Jamet parle d’aider un jeune à trouver sa voie
c’est avec le recul qui’l faut à sa profession pour qu’ensuite adulte devenu
il comprenne les manipulations sociales qui l’ont bousillé,il analyse le système
politique et social qui estle notre etc...de la il renaitra dans une vraie revolte salvatrice
et non pas expression d’une colère directe,mais d’une colère travaillée intéririsée par
une reflexion approfondie et dépassant sa propre personne en s’inscrivant
dans un courant de pensée et c’est bien dans ce courant là d’humanisme que nous ramons et luttons ;franchement ne soit pas trop colère aprés Ph. Jamet mais par le système
qui fait que chaque jour on détruit Freud et la psychanalyse
que personne ne peut plus se permettre de suivre une vraie psychanalyse faute de moyen
que seuls les médicaments sont remboursés mais pas les thérapies etc...
et j’aimerai bien continuer à parler de ça avec toi
ciao
djo
5. > Philippe Jamet sur France-Culture : le rapport de l’Insern sur l’"évaluation" des psychothérapies, 30 décembre 2005, 06:39
Cher Luc Mazenc,
Je relève la série des points suivants que j’extraie de votre propos : "simplisme", superficialité", conformisme", " retour à l’autorité", "dépistage précoce de la délinquance", " rapport de l’inserm", " évaluation des psychothérapies", " discours convenu et rabattu à tout va du psychologue et du manager", " la psychologie est en train de devenir le fer de lance d’un pouvoir autoritariste et fasciste",
et vous dites qu’il se réalise là ce que Michel Foucault avait formulé. On pourrait y ajouter tout aussi bien le nom de Georges Canguilhem ( lire son "Qu’est ce que la psychologie", Cahiers pour l’analyse 1 et 2, 1966).
Je vous rejoins en ajoutant ceci, de façon problématique ( plutôt que polémique), à votre propos :
Je crains que le masque politique de ces psy campé sur les points que vous avez énumérés ne soit somme toute la vérité de leur clinique ( un terme du jargon psy) , dont la visée est la mise en conformité, l’arasement de ce qu’il y a singulier chez un individu, au profit d’une norme, fut elle celle de quelques dogmes psy, mortifiés, rigidifiés, et tout cela bien sûr au nom de Freud.
S’il y a "responsabilité" aujourd’hui, n’est ce pas celle de ce que l’on dénomme du terme générique de "psy" : pour qui roule t il en effet ? Est il au service de l’individu ( du sujet) ou du système ? Il y a anti-nomie. entre la norme et le singulier où gît la richesse de chacun.
Si cela a toujours été, aujourd’hui, plus qu’à une époque antérieure, me semble t il, cela prend une tournure nouvelle.
Ce qui n’est pas normable, évaluable, anticipable, calculable, d’un ’individu a un effet subversif à proportion même de l’étendue et de la puissance asphyxiante du système "managérial", pour le nommer d’un terme générique qui envahit la vie publique et notre quotidien.
Ce rapport de l’Inserm que vous citez est en effet le fer de lance du pouvoir administratif qui fait appel en masse à ces experts dont les présupposés sont neurobiologique et cognitivo-comportementalistes ( voir sur ce site même l’article sur le rapport Bénisti).
Beaucoup de psychanalystes freudiens alimentent aussi ce courant totalitarisme en brandissant le pouvoir qu’ils disent psychothérapique de l’autorité, notion qu’ils mêlent confusément, à l’autoritaire, à l’autoritarisme.
Que dire des très nombreux psychologues, psychiatres et psychanalystes, qui dans le monde du travail, vendent leurs compétences au service du système managérial.
En tout cas, merci d’avoir porté sur ce site un débat qui reste souvent confiné dans des aires spécialisées et il y aurait beaucoup à ajouter.
René Fiori
Président de Souffrances Au Travail
Psychanalyste