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Portraits de profs en grève

Publie le vendredi 21 janvier 2005 par Open-Publishing

L’une a 52 ans, l’autre 36. Elles enseignent en banlieue parisienne et partagent la même "conviction", la même "passion" pour leur métier. Portraits de "profs" croisées jeudi lors de la manifestation parisienne des fonctionnaires.

Jeanine, 52 ans, enseigne dans le primaire, devant des élèves de CE2 (cours élémentaire deuxième année) à Colombes (Hauts-de-Seine). "J’ai commencé il y a 32 ans. Forcément, ça a changé et ça n’a pas évolué, au contraire. Mon quotidien aujourd’hui, c’est d’avoir dans ma classe des enfants de parents sans papiers".

"Ce sont des enfants qui vivent dans des hôtels, dans des conditions innommables et nous on est là, en France, au nom des valeurs républicaines, dans le cadre de l’éducation civique à prôner des valeurs qui sont bafouées tous les jours", s’insurge-t-elle.

Après le tsunami en Asie du Sud, les enseignants de tous les établissements scolaires français ont été invités à répondre aux interrogations de leurs élèves sur le drame. "Ils étaient là, muets au moment du temps de parole", constate Jeanine qui n’a pas souhaité donner son nom de famille.

"Il y avait une poésie qui disait : ’enfant, demain, dis-moi où va le monde’. Ils étaient incapables de parler sur la notion d’"enfant demain’, parce tout simplement, je m’en suis rendue compte, ils ne se projetaient pas dans l’avenir".

Malgré cet "avenir que tous, nous voyons très sombre", malgré le manque de moyens, Jeanine garde intacte sa "conviction", forte de l’idée que "pour avoir de l’avenir, il faut des rêves présents". L’école, souligne-t-elle, doit "accueillir tous les enfants quelle que soit leur race, leur religion, leur donner les mêmes chances pour accéder à la culture".

A 36 ans, Helena Lamourelle enseigne depuis dix ans. "J’ai un parcours normal : étudiante à la fac, bac +4". Professeur de français et d’espagnol dans un lycée professionnel de Versailles, elle exerce toujours son métier "avec passion". "J’organise même des séjours à l’étranger avec mes élèves. On part au Guatemala, des séjours humanitaires".

"Je ne suis pas en ZEP (zone d’éducation prioritaire), je suis dans un lycée normal, mais même dans l’académie de Versailles, on ne nous donne pas de moyens" suffisants, constate-t-elle.

"Je le vois au quotidien : on a des élèves qui savent lire de moins en moins bien, il y a de moins en moins d’heures de cours en français". Ses élèves ont "un parcours difficile", avec "un passé de redoublements au collège". "Ce n’est pas toujours un choix de se retrouver au lycée professionnel", des filières dont l’image reste "mauvaise".

Les élèves arrivent "très peu motivés", manquent de confiance en eux. "Notre travail, c’est de les remotiver, de leur redonner confiance et réussite". Helena essaye de "faire passer le savoir de manière ludique, mais attention ce n’est pas les amuser", encore moins "faire le clown devant les élèves".

Elle s’efforce de "leur ouvrir les yeux sur ce qui se passe ailleurs". "On cherche le document, le support adapté à l’élève, à sa capacité, à ce qui peut aiguiser sa curiosité".

"Je travaille 20 heures en classe devant mes élèves, et 20 heures chez moi à corriger, chercher des documents, préparer des voyages pour mes élèves". Et, ajoute-t-elle en conclusion, "je suis rentrée dans l’Education nationale par vocation, pas par défaut". PARIS (AP)