Accueil > Pourquoi la laïcité et la solidarité sont-elles piétinées aujourd’hui en (…)

Pourquoi la laïcité et la solidarité sont-elles piétinées aujourd’hui en France ?

Publie le jeudi 28 février 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

Par Lucette Guibert, Bernard Teper, Monique Vezinet

Depuis longtemps, nous disons que Nicolas Sarkozy n’est pas un homme de droite comme les autres ; nous disons depuis longtemps qu’il est l’incarnation française - avec de nouveaux moyens - du développement du turbocapitalisme, nouvelle phase du capitalisme dont nous avons théorisé l’existence, après celle de la mondialisation néo-libérale !
Depuis longtemps, nous mettons en garde les citoyens, les militants, les élus, sur l’impasse que représente toute forme de dépolitisation qui aboutirait à banaliser les politiques anti-sociales et anti-laïques des dirigeants du turbocapitalisme poussées à l’extrême. Ne voit-on pas certains militants qui souhaitent désarmer les organisations du peuple en estimant que soutenir Sarkozy est un choix comme un autre ! Là, ils ont franchi la ligne jaune de la forfaiture.

Depuis longtemps, nous fustigeons la dévotion de certains militants devant l’idée mortifère de rassemblement des « républicains des deux rives ». S’il y avait naguère un espace politique à droite pour organiser des républicains autour de De Gaulle, le turbocapitalisme a supprimé les conditions objectives et politiques de cet espace. S’il y a individuellement des citoyens de droite sincèrement républicains, ils n’ont plus d’espace politique car la droite a supprimé le compromis social et laïque précédent.
Il n’y a donc de possibilité d’organiser les républicains qu’à gauche. A droite, ne peuvent exister que des souverainistes de droite capables, par exemple, de soutenir la destruction des acquis sociaux. Le souverainiste de droite est donc un adversaire irréductible au républicain de gauche.
Depuis longtemps, nous fustigeons les pseudo-intellectuels qui nous ont « bassinés » avec la fin du clivage gauche-droite. Ce clivage n’a jamais été aussi structurant.

Ce n’est pas parce que certaines organisations galvaudent la notion de gauche, que celle-ci n’est plus structurante.
Depuis des années, nous critiquons la partie de la gauche anti-libérale et altermondialiste qui souhaitait organiser sa stratégie (certains le souhaitent encore !) autour d’une alliance avec les communautaristes, voire les intégristes. Ils n’ont pas voulu voir qu’il n’était pas possible de pactiser avec les principaux soutiens des politiques néolibérales. Nous leur avions dit que c’était « se tirer une balle dans le pied pour essayer d’avancer plus vite » ! Qui a refusé de comprendre que ce fut une des raisons de l’échec du candidat unique de la gauche anti-libérale ainsi que de l’effritement des organisations altermondialistes de par le monde ? Et puis, les seules avancées altermondialistes ont eu lieu avec l’Etat-nation (Venezuela, Equateur, Bolivie notamment). De quoi prendre à contre-pied les adeptes de l’anti-Etat-nation !

Depuis longtemps, nous condamnons la partie de la gauche qui se soumet aux oukases du turbocapitalisme pour un plat de lentilles, culminant avec la forfaiture du 4 février 2008 à Versailles.

Quand nous avons entamé nos campagnes d’éducation populaire laïque tournées vers l’action pour la reconnaissance légale du concubinage (actuel art. 515-8 du Code civil), sur la transmission du nom à l’enfant (loi Gouzes), pour l’égalité des enfants légitimes, naturels et adultérins, pour l’interdiction des signes religieux à l’école (loi du 15 mars 2004), que n’avons-nous pas entendu !

De la condescendance de certains militants sur le fait que nous menions un combat d’arrière-garde (eux bien sûr restant sur les combats « nobles ») jusqu’ à l’hostilité des autres qui souhaitaient (et pour certains qui souhaitent toujours !) remplacer les politiques laïques et sociales par un encadrement clérical ou préfèrent les douceurs du double jeu avec les communautaristes et autres intégristes, nous avons dû « tenir la ligne » coûte que coûte. Nous avons gardé le bêtisier des déclarations des grands dignitaires des grandes organisations politiques, syndicales et associatives qui ont fait partie de ces condescendants ou de ces hostiles. Aujourd’hui, quelle n’est pas notre satisfaction de voir ces organisations, sans faire leur aggiornamento idéologique, se précipiter pour signer tel ou tel autre appel laïque !

Depuis un certain temps, nous mettons en garde contre ceux qui entrent dans le « Choc des civilisations » en acceptant de s’allier avec la droite et l’extrême droite contre le nouveau cléricalisme islamiste. Nous avons dû maintenir le cap, nous restons contre tous les intégrismes et tous les communautarismes. Nous restons contre un Etat athée, pour une loi de séparation laïque ; nous refusons de privilégier la course à « plus laïque que moi tu meurs » car souvent à ce jeu, on utilise le mot laïque contre le principe laïque de séparation. Et surtout, on se marginalise dans des groupuscules ou des sites sans efficacité, sauf à être instrumentalisés par nos adversaires.

Quand Nicolas Sarkozy a sorti en 2004 son livre intitulé « La République, les religions, l’espérance », nous étions bien seuls pour le critiquer sur le fond. Ce fut l’année de la victoire de la loi contre les signes religieux à l’école, alors que tous ceux qui avaient combattu la loi refusaient de critiquer ce livre réactionnaire. On ne pouvait pas faire des yeux doux aux intégristes et communautarismes et critiquer sérieusement ce livre. Tout était dit dans ce texte que nous avons vu appliquer plus tard quand Nicolas Sarkozy a pris le pouvoir.

Organisons-nous !

Aujourd’hui est un nouveau moment, une nouvelle séquence politique. Cette nouvelle séquence remet au goût du jour la nécessité centrale de « lier le combat laïque et le combat social », selon le mot de Jean Jaurès, pour mener le travail d’éducation populaire laïque tourné vers l’action contre la logique sarkozienne.

Après la séquence des municipales et des cantonales, viendra le temps de lancer une grande campagne d’éducation populaire de liaison du combat laïque et du combat social. Des organisations ou parties d’organisations s’organisent pour porter la bataille laïque et sociale après le mois de mars. Le deuxième trimestre 2008 de l’année sera donc le début d’une grande campagne d’éducation populaire laïque tourné vers l’action.

Les secteurs de l’UFAL, « Féminisme et laïcité », « Santé Protection sociale », « Education populaire », « Ecole », « Services publics » et « 
Développement durable » sont à la disposition de toutes les UFAL locales et de toutes les organisations du mouvement social qui le souhaitent pour fournir les orateurs de cette campagne.

Il est nécessaire de s’inscrire dans cet agenda stratégique. Nous ferons régulièrement un point sur la tenue de cet agenda stratégique. Que ceux qui veulent participer à ces réunions nous le fassent savoir, ils seront invités. Déjà, la liste est longue dans cet agenda :

 sur le front de la santé et de la protection sociale, notons Le Havre le 29 mars (via ATTAC), Tours (via ATTAC le 1er avril), vendredi 7 mars à Beaugency (via ATTAC), le 21 mars à Langon (33) (via la CGT), Beaugency (45) (via ATTAC), etc.
 sur le front de l’eau, notons les 6 et 7 mars à Bruxelles (via l’IERPE)
 sur le front laïque, notons Echirolles (via UFAL et Amis du Diplo) le 3 mars, le 17 avril à Beaumont-sur-Oise (95) (via l’UFAL de Beaumont), à Bagnols-sur-Cèze (30) le 3 mai (via l’UFAL), Manosque le 5 mai (via ATTAC), l’association des amis de l’école publique de Limoux (11),
 enfin du 8 au 12 mai à l’Université populaire laïque (UPL) de l’UFAL sous l’animation de Dominique Mourlane et Christiane Causse, militants altermondialistes laïques.

Pour mener la bataille contre les politiques anti-laïques et anti-sociales de M. Sarkozy.

En matière de laïcité, nous sommes déjà investis dans la bataille pour la modification de la circulaire d’application de la loi du 15 mars 2004 en ce qui concerne les sorties scolaires, car elle n’est pas conforme à la loi. Nous allons mener cette bataille d’abord au sein du Collectif d’une vingtaine d’organisations dont le Grand Orient de France, la Licra, etc. Mais nous nous satisferons pas d’une lettre du ministre voulant copier François Bayrou quand il fit sa circulaire contre les signes religieux à l’école ; car la lettre du ministre est à la circulaire d’application ce que fut la circulaire Bayrou face à l’article 10 de la loi du 10 juillet 1989 (loi Jospin) qui autorisait les signes religieux à l’école : elle lui est inférieure dans la hiérarchie des textes. Il faudra donc changer la circulaire.

Pour la laïcité toujours, l’UFAL a travaillé avec une vingtaine d’organisations laïques au siège du Grand Orient de France. Mais le Conseil de l’ordre du Grand orient de France n’a pas avalisé le texte finalisé. Un nouveau texte initialisé par la Ligue de l’enseignement, moins précis que le précédent, a néanmoins pu regrouper beaucoup plus large soit près d’une centaine d’organisations dont de nombreux syndicats (CGT, CFDT, FSU, UNSA, UNEF, Solidaires, etc.) et associations (Ligue de l’enseignement, ATTAC, Grand Orient de France et l’UFAL, entre autres). Nous espérons que la stratégie à front large verra le jour avec cet appel.

Pour y contribuer, l’UFAL a proposé le 15 février dernier à toutes ces organisations de se réunir pour étudier la possibilité d’une vaste manifestation de rue sur ce point.

La préparation de nouvelles contre-réformes sarkozistes contre les citoyens et leurs familles doit nous entraîner à prendre l’habitude de rassemblements à front large pour mener la contre-offensive.

C’est surtout le principe de solidarité qui va être mis à l’épreuve : retraites, mise sous conditions de ressources des remboursements de soins (rapport Fragonard-Briet) et des allocations familiales, secteur santé et assurance-maladie. La sécu et la protection sociale en général sont dans l’oeil du cyclone néo-libéral !

Les Etats généraux de la santé et de l’assurance-maladie (EGSAM) avec leur manifeste anti-libéral pour la santé et l’assurance-maladie sont là pour faire germer l’alternative. Ils vont avoir du pain sur la planche avec la contre réforme prévue dans quelques mois sur les ARS et l’ANS (rapport Ritter) qui exécute la sécurité sociale par l’étatisation et le partenariat public-privé entre autres. Il s’y ajoute la régionalisation (avec concurrence entre les régions), au moment où la France va avoir la présidence de l’Europe. Ce n’est pas fortuit.

Ainsi le secteur médical et médico-social sera sous la direction de super directeurs experts nommés par le ministre. Il y a déni de démocratie à plusieurs titres : les directeurs ne sont pas élus mais nommés ; exécutif et législatif à la fois, ils n’auront pas de compte à rendre au peuple, ni aux élus. Dans un domaine économiquement prépondérant et humainement essentiel, la santé, ils auront la maîtrise de l’argent public : collecte (sécu et impôts) ainsi que dépenses.

Ce qui s’est passé pour l’hospitalisation sera mis en place pour tout le secteur santé : privilégier la régulation par le marché et piller ce qui nous appartient.
Pour résister à cette double privatisation (privatisation accélérée du système médical et médico-social ainsi que privatisation du système de remboursement), il va falloir organiser la riposte localement et très largement... à la mesure de l’attaque.

Nous avons l’expérience avec les EGSAM et le Collectif national contre les franchises et pour l’accès soins pour tous. Nous allons devoir mettre en pratique ce que nous avons appris et nous appuyer sur nos réseaux.
Plus généralement, nous resterons actifs dans la Convergence nationale des services publics, qui est également là pour lutter contre toutes les offensives vers plus de marchandisation et de privatisation des services publics.

Et les familles, là dedans ?

Vous lirez dans ce numéro le compte rendu par l’UNAF d’une récente rencontre, longtemps attendue, avec M. Sarkozy alors que les associations familiales restaient dans l’attente du bon vouloir présidentiel sur le devenir de la concertation sur les politiques familiales après la suppression de la Conférence de la famille et l’annonce de la création d’un Haut Conseil. Prenons bonne note de ce déluge de bonnes intentions, suivons-les attentivement. Et notons déjà qu’en matière de droit opposable à la garde d’enfants, tout va à l’inverse de ce que l’UFAL demande : le démantèlement du service public se profile avec l’abandon de la scolarisation des enfants de deux ans en maternelle et le report sur l’entreprise des formules de garde.

N’y a-t-il pas nécessité de se réunir pour travailler à tout cela ? Contactez l’UFAL qui vous donnera l’agenda stratégique de l’ensemble de ces combats et les dates des réunions !

http://www.ufal.info/media_flash/2,...

Messages

  • Il en existe déjà pas mal, mais il serait bien de propager encore plus les Amicales Laïques.

    D’abord le terme "amical" dit bien se qu’il veut dire, puis en créant des lieux de rencontre où toutes les obédiences peuvent participer et s’exprimer, cela ouvrira les dialogues, ce qui à l’évidence va être primordial dans le contexte actuel.

    M.M. 

    • DISCRETION donc NEUTRALITE donc LAICITE !

      DE LA DISCRETION DE L’EXPRESSION RELIGIEUSE ET ANTI-RELIGIEUSE COMME FONDEMENT D’UN COMPROMIS PACIFIQUE DES RAPPORTS HUMAINS CONSTITUTIFS DE LA LAICITE ET DE SA NEUTRALITE

      Rebond partiel sur le texte « Manipulations antilaiques » de D. Sieffert - PoLiTiS

      http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article61391

      Je laisse ici de côté ce qui concerne le problème du sort d’ Ayann Hirsi Ali objet de l’article (voir lien et blog chrismondial)

      D. SIEFFERT écrit dans "Manipulations antilaiques" :

      1 La laïcité, c’est d’abord une certaine discrétion.

      J’approuve et je retiens cette définition qui correspond d’ailleurs à la philosophie de la loi de mars 2004 sur les signes religieux discrets autorisés à l’école, les signes religieux ostensibles étant interdits. La publicité ambulante continue et ostensible de l’islam, comme de toute autre religion, finie par être agaçante, provocante et finalement insupportable pour nombre de personnes. Ce n’est pas tant la religion elle-même qui gêne que sa sur-visibilité, que sa publicité si ostensible.

      La discrétion doit être réciproque : Certes, l’affichage de la haine globalisante de l’islam doit être contenu. Et pire encore la haine globale des musulmans. Mais il faut aussi contenir l’affichage public par trop ostensible de l’amour de l’islam. Question d’efficacité et de paix sociale . Il y a bien interférence entre cet amour ostensible et cette haine réactionnelle : l’un nourrit l’autre. Il faut donc au nom de la laicité, celle de 1905 mais aussi celle issue de la philosophie de la loi de mars 2004, militer pour le parallèlisme des formes et demander discrétion tant pour l’amour de toute religion que pour sa haine.

      Au plan mondial et notamment celui du droit international la laicité en est au niveau zéro . Aucun texte ne vient limiter l’entreprise publicitaire des religions. Et dans nombres de pays démocratiques modernes elle est confondue avec la tolérance et donc le communautarisme .Les athées et les agnostiques doivent supporter l’affichage religieux alors qu’eux même n’ont rien à dire sur ce plan. Il y a déséquilibre.

      2 " dans cette affaire, ce n’est pas l’islam qui envahit l’espace public, mais la haine de l’islam. Et cela par tous les artifices de la publicité."

      Il faut savoir tenir le même raisonnement à l’encontre des deux parties en présence : les exhibitionnistes religieux et les laics . Si l’amour de l’islam (ou de tout autre religion) se propage de trop alors son contraire surgit : la haine apparaît inévitablement. Et ce n’est pas une haine des personnes ni de leur religion mais de leur mode d’expression envahissant l’espcae public. Ce qui suscite la réaction de protestation ce n’est pas la croyance mais l’affichage permanent et ostensible. C’est donc bien le but de la laïcité entendu comme espace neutre de garantir la paix.

      A défaut d’espace laique garanti et donc de discrétion et de paix garanti , il faut alors répéter une fois encore que l’islam est passible de critique et la critique n’est pas la haine car elle s’appuie sur des analyses et des arguments . Mais la critique et la haine peuvent apparaître conjointement et pas nécessairement à tort lorsqu’il s’agit de condamner les excès de l’islam. Tout dépend de la formulation. Pour ma part j’ai défendu une certaine voilophobie non islamophobe. Il est vrai que je
      distingue par ailleurs une islamophobie circonstanciée nuancée donc légitime d’une islamophobie globalisante et raciste (cf Voile Julienrupt et affaire Redeker).

      3 « En France, des centaines de milliers de « musulmans d’origine » ont pris depuis belle lurette leurs distances avec la religion sans pour autant être la cible de « fatwas ». »

      C’est bien le cas de millions de jeunes filles de culture musulmane non voilées, ces dernières étant très minoritaires. Ces femmes non voilées n’ont pas toutes abandonnées la religion – pour ce que j’en sais – mais ont adopté une mentalité laïque, c’est-à-dire discrète quand à l’affirmation de leur religion voire sans aucune exhibition d’appartenance pas même par un signe discret, donc non offensif, donc pacifique.

      L’usage du blasphème symbolique tel que "je crache sur tous les signes ostensibles" tient à marquer non seulement le refus du religieux excessif, de l’impérialisme religieux envahissant, de sa colonisation de l’espace par le religieux mais aussi un mépris du religieux publicitaire offensif. Il n’est pas né de rien ! C’est là, sans doute, un cran de plus ou l’on passe de la critique à la haine. Il importe alors de montrer expressément pour éviter l’accusation d’islamophobie raciste qu’il s’agit des seuls excès et que cela ne concerne qu’une fraction des musulmans. Ainsi, « Lancer, comme l’ex-députée néerlandaise, un bruyant « Mahomet pédophile ! » (cf D Sieffert) en reste au niveau sommaire que R Redeker avait dépassé en allant plus loin, en attribuant les tares de l’islam (qui n’avait à ses yeux que des tares) à tous les musulmans sans exception. Le délit était constitué. Ce que n’a pas fait, pour ce que j’en sais, Ayann Hirsi Ali.

      On peut d’ailleurs trouver des tentatives paradoxales consistant à adopter certains principes progressistes tout en justifiant le port du voile. En conséquence de quoi il ne faudra pas s’étonner de trouver une critique positive des avancées et une critique féministe et laïque du voile. Je renvoie au débat sur l’affaire du voile de Julienrupt de septembre 2007.

      Christian DELARUE

      à titre personnel

      Secrétaire national du MRAP