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Queen Mary 2 : l’incompétence au centre des débats
Publie le jeudi 11 octobre 2007 par Open-Publishing1 commentaire
Début du procès, hier, concernant l’effondrement de la passerelle menant au Queen Mary 2, drame qui a fait 16 morts et 29 blessés le 15 novembre 2003. L’incompétence, la mauvaise organisation des Chantiers de l’Atlantique et de la société Endel, concepteur de l’ouvrage, sont pointées du doigt. La douleur des victimes est terrible.
Elle a 50 ans, et une « vie bien bousillée » depuis ce « carnage » survenu ce 15 novembre 2003. À la barre du tribunal correctionnel de Saint-Nazaire, Jacqueline Frabolot raconte, dans un fauteuil roulant, le chaos d’où elle revient. L’effondrement de la passerelle du Queen Mary 2.
D’emblée, celle qui était alors en CDD pour dix jours au sein de la société de nettoyage MSNI, dénonce : « Moi, je n’appelle pas ça une passerelle. On nous a fait monter sur un échafaudage frêle. Dessus, j’ai immédiatement ressenti une vibration. Puis, il y a eu un craquement énorme. Ma fille, qui était avec moi, m’a dit : « Je t’aime ». J’ai été éjectée dans le vide... »
Jacqueline Frabolot évoque alors « une vision apocalyptique », « les corps pendus dans la ferraille » : « Au départ, il y a eu un terrible silence. Les cris et les gémissements ne sont venus qu’après... »
« Corps déchiquetés »
Marlène Cassard raconte aussi sobrement son calvaire, « coincée entre des corps déchiquetés ». Son mari, son frère et trois amis, venus visiter le plus grand paquebot du monde, ont péri dans le drame. Elle dit « l’impuissance, le néant et le vide ». L’horreur et la douleur : « La chute s’est effectuée par palier dans un fracas métallique assourdissant. Je suis tombée sur des gens, et d’autres sur moi. D’énormes tubes de ferraille dégringolaient de partout. La personne qui était sur moi a été transpercée par un de ces tubes. Sa mort m’a sauvée. Aujourd’hui, je m’essuie encore le visage de la chair qui a été en contact avec moi. »
L’indicible, soudain touché du doigt, la furieuse folie de la scène. Des larmes coulent dans la salle. Jusqu’alors, l’audience était des plus arides. Une matinée n’a pas suffi au juge Alain Le Dressay, président des débats, pour lire l’exposé des charges qui valent aux Chantiers de l’Atlantique, à la société Endel, concepteur de la passerelle, et à huit de leurs salariés, d’être poursuivis pour « homicides et blessures involontaires ».
Une passerelle montée « sans plan, de mémoire »
Le rapport du magistrat qui a instruit l’affaire est accablant, et fustige l’incompétence et la mauvaise organisation ayant cours au sein des entreprises mises en examen. C’est l’époque où les Chantiers courent après la réduction de leurs coûts de production. Se recentrent sur leur coeur de métier, laissant une part grandissante à la sous-traitance (jusqu’à 900 entreprises partenaires), notamment en matière d’échafaudages.
La passerelle incriminée ? Elle suscite l’effroi et la consternation. Elle a été conçue par un homme, alors âgé de 32 ans, titulaire d’un simple BTS comptabilité, bombarbé échafaudeur en 1995 après quelques jours de formation puis promu responsable d’études pour 1 200 € par mois.
Commandée par simple e-mail, en urgence, après une accumulation de bévues, elle a été « montée sans plan, sans calculs, de mémoire », énonce le juge Le Dressay.
Une incroyable opération « de copier-coller » d’un autre plan, oubliant la mise en place de contreventements, pièce maîtresse assurant la rigidité d’un tel ouvrage.
À l’autre bout de la chaîne, la passerelle a été réceptionnée sans vérifications poussées. Tout sauf la fatalité. « Correctement construite, la passerelle aurait supporté le poids des personnes présentes au moment de l’accident », assène le président Le Dressay, qui a promis : « Au cours de ce procès, le tribunal n’aura de cesse de faire éclater la vérité. »
Presse-Océan
Messages
1. Queen Mary 2 : l’incompétence au centre des débats, 11 octobre 2007, 11:41
En 1962, ingénieur débutant embauché comme chef de bureau d’études de la S.A. Chantiers des Ponts Jumeaux à Toulouse. Les dessinateurs travaillent à la réalisation de plans nécessaires à la construction d’installations de concassage, criblage, lavage de sables et graviers, SAUF UN !
La direction m’informe que ce dessinateur spécialisé dans la réalisation d’échaffaudages ENTREPOSE n’a pas besoin de connaissances en résistance des matériaux. Il dispose d’un catalogue de plans types fourni par la Société ENTREPOSE ; son travail consiste donc à extraire du catalogue le shéma le plus approchant de la structure demandée par le client, ce qui donne automatiquement la nomenclature des tubes et pièces d’assemblage à fournir au monteur.
Aucune note de calcul n’était produite sous prétexte que ENTREPOSE avait prévu des coefficients de sécurité suffisants pour les cas extrèmes (vent, surcharge de personnel, inauguration, etc...). Durant ma présence dans cette entreprise (3 ans), il n’y a pas eu d’accident.
Il convient de dire qu’à l’insu de la direction, l’ensemble des dessinateurs donnait un coup de main au "spécialiste échaffaudage Entrepose". Je faisait de temps en temps de petits exposés sur la résistance des matériaux jusqu’au jour où le PDG a refusé une augmentation du salaire des dessinateurs sous prétexte que je leur apportait des connaissances !!!
J’ai quité l’entreprise, les dessinateurs s’y sont syndiqués.
Giltor