Accueil > Queen Mary 2 : les cadres s’expliquent... peu
Le tribunal de Saint-Nazaire a entendu, hier, les dirigeants des Chantiers de l’Atlantique. Ils ont tenté de convaincre qu’ils n’avaient pas de responsabilité.
de Cyrille PITOIS
SAINT-NAZAIRE. - A l’heure de la pause, les familles des victimes ne cachent pas leur déception. Hier, au procès de la passerelle du Queen Mary 2, les quatre cadres des Chantiers n’ont eu de cesse de renvoyer la responsabilité de l’accident qui a tué seize personnes en 2003, soit vers le constructeur de la passerelle (la société Endel), soit vers leur supérieur hiérarchique.Plusieurs débats animés par la quarantaine d’avocats des parties civiles ont passablement exaspéré les familles : distinctions subtiles entre « sécurité » et « sûreté », entre « public » et « visiteurs »...
Pour autant, les prévenus ne se laissent pas aller à la spontanéité. « Réponses standardisées. Il n’y a pas moyen d’aller au-delà », déplore Me Rosenthal qui représente l’association des victimes. Consignes perduesPourtant Philippe Tanguy, chargé des installations provisoires aux Chantiers, finit par laisser entendre qu’il avait émis des doutes sur les qualités de la passerelle. Étienne Lamock, coordonnateur de l’ouvrage - et donc responsable de la sécurité collective sur le navire, les accès et les quais - se souvient avoir demandé une réorganisation des contrôles d’accès, en prévision de cette journée de visite à forte affluence : 1 019 visiteurs étaient inscrits ce samedi 15 novembre. « Il y avait déjà un contrôle nominatif des groupes à l’accès aux chantiers. J’avais demandé que soit allégé le contrôle à l’entrée sur le bateau pour éviter que les gens ne s’agglutinent sur la passerelle. » Une consigne qui n’a pas été respectée, provoquant la présence sur la passerelle de 45 visiteurs et employés d’une société d’entretien.
En fin d’audience, Patrick Boissier - qui était, à l’époque, PDG des Chantiers -, a tout fait pour dédouaner ses collaborateurs. Il s’est lancé dans une quasi-plaidoirie avec, d’abord, des mots de compassion. « Rien de ce que je pourrai dire ne sera de nature à atténuer la douleur des victimes et de ceux qui ont perdu un proche. Chaque salarié des Chantiers a été bouleversé et s’est demandé comment l’engagement de chacun dans son travail a pu aboutir à un tel drame. Mais quand je me demande ce que nous aurions dû faire pour éviter la catastrophe, je n’ai pas de réponse. » Surprise : il a aussi témoigné de l’excellence de la société Endel - « l’une des meilleures dans son domaine » - qui a fabriqué la passerelle.Le président parvient enfin à lui poser une seule question : « À quoi attribuez vous la chute ? » Il répond : « La passerelle a été utilisée conformément aux usages. Elle n’a pas résisté au nombre de personnes.
C’est donc un problème de construction. » Il ne supporte pas bien que le dossier d’instruction fasse état d’une organisation floue et complexe aux Chantiers. « J’étais le premier responsable de la sécurité. Quant au responsable du service hygiène et sécurité, il est là pour animer et conseiller les cadres et les informer des évolutions de réglementation. Pour tous, aux Chantiers, la sécurité est primordiale. »
Aujourd’hui, les experts ont la parole.