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Recalculés : Le gouvernement risque de devoir sortir de son rôle de spectateur.

Publie le samedi 17 avril 2004 par Open-Publishing

Le système de l’assurance chômage dans l’impasse

Le gouvernement risque de devoir sortir de son rôle de spectateur.

En donnant satisfaction à 35 chômeurs dont les droits avaient été
« recalculés » par les Assedic, le tribunal de grande instance de Marseille
vient de provoquer un séisme social et politique. Car cette affaire, bien
plus que celle des intermittents, fait peser une menace bien réelle sur
l’assurance chômage, que gèrent directement les partenaires sociaux. Si ce
jugement est confirmé en appel, l’Unedic pourrait se trouver en cessation de
paiements avant la fin de l’année. A moins que les partenaires sociaux ne
décident de prendre d’autres mesures de sauvegarde. Mais dans un système
paritaire, il faut être au moins deux pour signer : une organisation
patronale et un syndicat de salariés.

Chapeau. Or la CFDT (lire l’entretien avec François Chérèque),
ébranlée par la réforme des retraites et montrée du doigt dans l’affaire des
intermittents, ne semble pas prête à manger son chapeau en acceptant de
revenir à la dégressivité des allocations chômage dont elle se flattait
d’avoir obtenu la suppression en 2000. Quant au Medef, on le voit mal
accepter d’augmenter les charges pesant sur les salariés et les entreprises
pour combler un déficit supplémentaire de plus de 2 milliards d’euros,
s’ajoutant aux 3,7 milliards d’euros accumulés en 2003 et au 1,7 milliard
d’euros initialement prévus pour 2004.

On voit donc mal comment les partenaires sociaux pourraient trouver un
accord. C’est alors le gouvernement qui hériterait du bébé. Après les
retraites et avant de se lancer dans une réforme de l’assurance maladie,
c’est bien la dernière chose que pouvait souhaiter Jean-Pierre Raffarin.

Hier, il a soigneusement évité tout commentaire officiel. Le Premier
ministre, qui s’entretenait avec Marie-George Buffet, a quand même confié à
la secrétaire nationale du PCF qu’après ce jugement « rien ne sera plus comme
avant » et qu’« il va falloir en tenir compte ». Quant au ministre délégué aux
Relations du travail, Gérard Larcher, qui recevait justement hier matin les
organisations de chômeurs, il a assuré qu’il serait « attentif aux
contentieux en cours concernant l’assurance chômage ».

Il y aurait bien la solution provisoire d’un nouvel emprunt, s’ajoutant aux
7 milliards déjà obtenus par l’Unedic. Mais ce ne serait qu’un expédient. Et
le déficit de l’Unedic étant intégré dans le calcul des déficits publics, au
même titre que celui de la Sécurité sociale ou de l’Etat, la France perdrait
alors tout espoir de tenir les 3,6 % du PIB qu’elle s’est engagée à
respecter auprès de Bruxelles. Le gouvernement, s’il devait recoller les
morceaux d’une assurance chômage en miettes, n’aurait donc le choix qu’entre
augmenter les prélèvements obligatoires ou réduire les droits de l’ensemble
des chômeurs au moment même où il reconnaît avoir commis une boulette en
essayant de réduire les droits des chômeurs bénéficiaires de l’ASS
(allocation de solidarité spécifique).

On n’en est pas encore là. Mais la décision des juges de Marseille a déjà
modifié le paysage social. Le syndicalisme de contestation, incarné par la
CGT, le G10 Solidaires, les mouvements de chômeurs ou les intermittents du
spectacle, peut crier victoire. Et le syndicalisme de négociation, incarné
par la CFDT, la CFTC, et la CFE-CGC, est en difficulté. Il lui faut assumer
au nom de l’intérêt collectif des décisions douloureuses contestées
individuellement par ceux qu’il prétend défendre.

Bouclier. Toute la gauche, de la LCR au Parti socialiste en passant par les
Verts et le Mouvement républicain et citoyen, s’est félicitée de la décision
du TGI de Marseille. Eric Besson, secrétaire national du PS, estime qu’elle
« démontre l’illégalité de la décision unilatérale du gouvernement de radier
près de 800 000 personnes de leur droit à l’indemnisation chômage ». Problème
 : la décision n’était pas celle du gouvernement, mais celle des partenaires
sociaux.

Entre le gouvernement, qui s’est servi d’elle comme bouclier dans la réforme
des retraites, et les socialistes, qui feignent d’ignorer son existence, la
CFDT se retrouve bien seule à revendiquer une protection sociale gérée par
les partenaires sociaux. Hier, on n’a pas entendu le Medef, qui préside
pourtant l’Unedic, défendre la « refondation sociale » au nom de laquelle fut
conclu l’accord de janvier 2001, aujourd’hui mis à mal.

Libe