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Santé : La facture s’alourdit pour les patients

Publie le dimanche 17 décembre 2006 par Open-Publishing

Hausse du forfait hospitalier et du ticket modérateur, multiplication des dépassements d’honoraires, chasse aux fraudeurs... l’accès aux soins des plus démunis n’est plus assuré. Et malgré le progrès médical, les inégalités de santé se creusent. Après l’adoption du budget 2007 de la Sécurité sociale à l’Assemblée nationale, entretien avec Jacqueline Fraysse, médecin cardiologue et député communiste.
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Photo DR

Jacques Chirac avait proposé de réformer le financement de la Sécurité Sociale. Qu’en est-il ?

Le président de la République et le ministre de la Santé avaient tous les deux évoqué la nécessité de revoir le financement de la Sécurité sociale, et notamment de faire entrer la valeur ajoutée des entreprises dans le calcul de l’assiette des cotisations patronales, au lieu des seuls salaires. Après ces déclarations, on s’attendait donc à des propositions allant dans ce sens. Ce n’est pas le cas. On garde les mêmes modalités de financement, qui restent insuffisantes et injustes. Injustes, car elles pénalisent les entreprises de main-d’oeuvre et exonèrent largement les grandes entreprises capitalistes et leurs profits financiers. Insuffisantes, car l’Etat compense de moins en moins ce manque à gagner pour les caisses de la Sécu.

Ce budget instaure notamment le contrôle du « train de vie » des bénéficiaires des minima sociaux. C’est la chasse aux plus démunis qui s’ouvre...

Pour faire des économies, l’Etat propose de dérembourser les médicaments. Les plus pénalisés sont bien évidemment les plus modestes, ceux qui n’ont pas accès aux mutuelles et qui gardent à leur charge des dépenses auxquelles ils ne peuvent pas faire face. Conséquence, de plus en plus de personnes renoncent à se soigner. Et dans ce contexte, loin d’être solidaire, le gouvernement n’a rien trouvé de mieux que de mettre en exergue les fraudes aux prestations sociales. Il a sorti un amendement de dernière minute qui laisse entrer la notion de « train de vie », qui instaure un contrôle du patrimoine (mobilier, immobilier...) et des revenus des bénéficiaires des prestations sociales. C’est proprement scandaleux. Il est vrai que des trafics existent ; mais ce sont des trafics organisés, qui sont loin d’être représentatifs. Si on prend le cas des Hauts-de-Seine, sur 23 000 titulaires du RMI, on a décelé 15 cas d’anomalies, et non des fraudes caractérisées. Par contre, la fraude fiscale dans les entreprises, qui représente entre 45 et 50 milliards d’euros, celle-là n’empêche personne de dormir ! Il n’y a pas de lutte contre ces fraudeurs. Je ne veux pas donner l’impression de défendre les fraudeurs, mais je persiste à dire qu’il n’y a pas besoin d’un texte de loi. Il suffit de demander les pièces justificatives. Il n’y a pas besoin de stigmatiser ces pauvres gens.

Ces dispositions culpabilisent sans régler les difficultés que rencontrent un nombre croissant de personnes pour accéder aux soins ?

Cela donne surtout l’impression que les difficultés financières des différentes caisses sont liées à la fraude. En réalité, ce qui explique les difficultés croissantes d’accès aux soins, c’est le chômage - beaucoup de personnes ne cotisent pas - mais aussi la non-volonté du gouvernement de revoir l’assiette de cotisation. On préfère occuper le cerveau des Français avec les fraudes et réunir les conditions pour qu’ils se déchirent entre eux. Et c’est faire cadeaux aux grandes entreprises qui délocalisent à tour de bras et licencient. Se focaliser sur les fraudes et les abus permet aussi de faire passer au second rang les nouvelles mesures prévues : forfait hospitalier à 16 euros, franchise de 18 euros sur les actes à 91 euros, ticket modérateur... C’est vrai, on oublie de parler de ces augmentations. Or ce sont des difficultés supplémentaires pour beaucoup de personnes, les plus modestes en particulier.

Existe-t-il aussi des facteurs non financiers de difficulté d’accès aux soins ?

Les difficultés sont de plusieurs ordres. Financier pour les plus modestes. Mais il ne faut pas oublier les difficultés liées à la pénurie de médecins. Dans certaines régions, les délais de rendez-vous peuvent être très longs. Pour un scanner, on peut avoir une attente d’un mois à un mois et demi. Or l’état de santé de certaines personne ne peut pas toujours attendre. Il y a aussi les difficultés liées à la situation hospitalière : les délais d’attente, le nombre de lits insuffisant, les urgences saturées, le personnel surmené... Et la distance. On a fermé beaucoup d’hôpitaux de proximité, de maternités. C’est une atteinte à la possibilité d’accéder aux soins en sécurité. Je peux prendre l’exemple de mon père, qui habite en Corrèze ; le premier hôpital se trouve à 30 km de chez lui, mais s’il a besoin de soins plus lourds, il faut aller à Limoges, à 120 km de là.

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