Accueil > Si ce sable pouvait parler

Si ce sable pouvait parler

Publie le lundi 12 juin 2006 par Open-Publishing

Je porte dans mon cœur la douleur immense de la mort en direct, une image à laquelle ceux qui l’ont vécue dans la réalité ne s’habituent pas, mais qui évoque d’autres moments difficiles : elle paralyse la langue, les mains, t’exile dans le silence qui devient un intime camarade de vie dans un monde bruyant de mensonges et de choses futiles. Non, ce n’est pas de l’impuissance, ni une défaite lucide, parce que nous continuons à œuvrer, en faisant parfois des choses justes et parfois des choses injustes.

Pour ceux qui en ont besoin l’espoir ne meurt pas. Mais il va au ralenti, demande du temps, suit le temps des autres : tu ne sais pas quoi faire de ton temps. Tu ne sais pas si tu dois le brûler en un moment dans la recherche d’une vengeance insensée, qui semble un acte de liberté, ou diluer la douleur dans le temps infini, passé et futur, et te resituer dans le monde et retrouver la patience en tant que concept révolutionnaire et ne perdre pas courage. Je veux dire à mes amis, aux frères, aux camarades qui sont en Palestine et qui souffrent et luttent : je vous en conjure, renoncez à la vengeance.

Je venais de finir de parler à Pietro Folena de gauche européenne et d’information, avec Paolo et Natacha, vendredi soir, avant de rentrer chez moi et me mettre à regarder le canal satellitaire de la Palestine pour ne pas perdre le contact.

Elle avait les cheveux longs et noirs encore mouillés, la peau lisse et bronzée d’une fille qui vient de se baigner, elle courait, en pleurant, entre le cadavre de son père étendu sur une dune de sable proche de la mer et le vide autour, en appelant à l’aide, elle hurlait, elle invoquait son père qui un instant auparavant était dans notre monde et n’avait pas eu le temps de finir la phrase qu’il était en train de dire...

Elle courait sur le sable où étaient étendus des morceaux humains et d’autres corps grands et petits projetés tout autour et silencieux. Le feu du barbecue encore fumant, des couvertures et des serviettes mouillées de sang, du sang partout absorbé par le sable. S’il pouvait parler, ce sable ferait rougir tous les amis d’Israël.

A l’horizon, là dans la mer en face, flottait indifférente l’arme du crime, elle glorifiait l’omnipotence et l’efficacité de la technologie.

Il n’est pas nécessaire de se salir les mains, il suffit de pousser un bouton, il me semble voir les soldats israéliens à bord, scruter avec leurs jumelles le champ de bataille, la plage, tandis que le ministre de la défense, Perez, secrétaire du parti travailliste, prépare le bulletin de guerre. Sept morts, dix morts, trois enfants, les papas, les mamans.

Elle s’appelle Huda, cette petite fille : belle comme le soleil, elle avait un t-shirt bleu clair et des pantalons bleus, elle courait les cheveux dans le vent, les mains derrière le cou comme pour maintenir la tête à sa place. J’ai appelé la télévision palestinienne, j’ai demandé qu’on m’envoie ses coordonnées pour l’adopter à distance. Elle sera ma fille et je serai son papa qui reprendra avec elle le discours là où il a été interrompu sur la plage.

Voila une raison de plus pour vivre et avoir patience. En pensant aussi à Renzo Maffei.

Hier matin j’étais en train de me rendre à Pontedera pour voir Renzo qui n’allait pas bien depuis un moment. Renzo, ces dernières années, avec Tom Benettollo et Rino Serri et beaucoup d’autres, avait donné vie à l’expérience inoubliable de Salam les jeunes de l’olivier, l’adoption à distance pour les enfants palestiniens. Il avait consacré des années importantes de sa vie et de son expérience aux enfants palestiniens, autour de lui s’étaient rassemblées les énergies les plus belles et plus propres de ce pays, de mon pays.

Avant que je m’engage sur l’autoroute, Agostino, un autre protagoniste de cette merveilleuse expérience de l’hôpital, m’a appelé pour me dire de ne plus venir. Pourquoi ? Renzo est mort.

Renzo était un dirigeant de Refondation, mon parti. Ce n’est pas à moi de le dire, mais ce parti va manquer aujourd’hui d’un de ses plus beaux morceaux, d’un de ceux qui m’ont fait aimer cette communauté de femmes et d’hommes passionnés de justice, amants de la liberté, constructeurs de paix et de futur.

Renzo était un dirigeant de l’Arci, il a milité longtemps dans l’Arci enfants, avant d’assumer la responsabilité des politiques internationales de l’organisation en Toscane. Je présente mes condoléances à Paolo, président national de l’Arci, à Vincenzo, secrétaire régional, à Paolo Bernardini, et puis à Ambra, Raffaella, Roberto, Agostino, Paola et à tous les autres. A la chère Anna, à Donatella, à Brasilina et à Ambra, qui l’ont accompagné jusqu’à la fin de ce voyage va toute notre affection.

12 juin 2006
http://www.liberazione.it/commento....
Traduit de l’italien par karl&rosa