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Tout homme a deux patries (Benjamin Franklin)

Publie le mardi 21 septembre 2010 par Open-Publishing

Tout homme a deux patries : la sienne et puis la France. (Benjamin Franklin)

Nous sommes certainement très nombreux dans le monde à suivre avec la plus grande attention toutes les nouvelles qui nous arrivent de votre coin de planète. Ce qui s’y déroule depuis maintenant trois ans est important, non seulement pour vous, mais pour toute notre civilisation. Certes, il y a eu Thatcher, ce qui n’était pas rien, déjà, et la réunification de l’Allemagne, et le drame de la Yougoslavie, et l’ouverture à l’Est, et plus récemment la crise grecque. Mais votre terrain de jeu prend une importance cruciale, car ce qui s’y joue va bien au-delà des enjeux immédiats, nationaux, que vous vivez au quotidien ; vous servez de laboratoire pour une expérience jusqu’ici inédite : la mise au pas de notre vieille culture européenne au service de l’oligarchie mondiale. Et, dans ce but, la mise au point d’une stratégie entièrement nouvelle visant à réduire au silence nos peuples, les plus organisés et les plus indisciplinés du monde, et aussi les derniers à illustrer encore les succès des luttes sans précédent qui avaient permis à nos pères de nous offrir ce cadeau : la promesse d’une vie digne pour tous.

Depuis mai 2007, vous avez été soumis à une épreuve d’une extrême violence, et, on peut le dire, l’attaque a été menée d’une manière assez habile.

Dans un premier temps – et dès le jour même de l’élection – vous avez été plongés dans la stupéfaction devant le cynisme affiché du dîner au Fouquet’s et de la croisière Bolloré.

Ensuite, vous vous êtes retrouvés bombardés de manière continuelle de ‘missiles’ qui vous ont (et à nous aussi, d’ailleurs) donné un vertige incessant. En vrac, et de manière non exhaustive, il y a eu le bouclier fiscal, les discours de Latran et Dakar, l’altercation des chantiers navals, l’apostrophe du salon de l’agriculture, l’épisode Guy Môquet, celui des enfants juifs, l’affaire de Tarnac, celle de la Défense, le dépistage des prédélinquants de 3 ans, les différentes ‘réformes’ du droit du travail et de la justice, les histoires conjugales, la burqa, les Roms, maintenant la « menace terroriste », et j’en passe d’innombrables, et des meilleures. Avec un gouvernement transformé en Cour du Roy et un parlement réduit au rôle de chambre d’entérinement, et des médias de plus en plus complaisants, vous n’avez rien pu faire contre l’installation d’une avalanche de lois de plus en plus répressives, toujours propulsées au rang d’urgences absolues par des faits divers complaisamment amplifiés dans votre presse aux ordres.

Et puis, pour ajouter au vertige la démoralisation, il y a le ridicule et la honte. Votre grand pays, naguère respecté pour les valeurs qu’il a su porter si haut, pour sa culture, son raffinement, son esprit, le voici représenté par un présidenticule dont l’inculture, la grossièreté, l’avidité – de pouvoir et d’argent -, l’agressivité, l’arrogance, et jusqu’à son agitation secouée de tics, sont un sujet de dérision dans le monde entier. Que l’on soit de droite ou de gauche, on ne peut que se sentir périr de honte à l’évocation de la grandeur d’un De Gaulle, de la finesse d’un Mitterand, ou du courage flamboyant d’un Villepin (pour ne prendre que quelques exemples, parmi bien d’autres).

Voici maintenant que s’amène une nouvelle épreuve, et dont l’importance n’est pas à négliger. Il s’agit du test majeur : après cette succession de chocs, non pas physiques, certes, mais psychologiques et moraux, serez-vous encore en état de réagir de manière unie et combative face à ce qui représente, manifestement, un enjeu majeur pour le pouvoir : la perte des protections solidaires élémentaires que sont le droit à la pension et à la santé ? Au-delà de l’enjeu visible, représenté par la fixation de l’âge de la retraite, ce qui se joue, c’est de vérifier dans quelle mesure un peuple, soumis au bombardement psychologique que vous avez eu à subir, est encore capable de se battre pour préserver ses droits élémentaires. En ne vous battant pas, vous montrerez à la caste qui nous dirige que la méthode adoptée pour vous réduire est efficace, et cette méthode sera dès lors élargie à tous.

On ne peut parler de rien d’autre que d’un coup d’état, mais mené dans la douceur, quasiment invisible, et aucun autre peuple ne pourra résister si vous n’en êtes pas capables.

Ce n’est pas que vous soyez meilleurs que nous – vous êtes arrogants, querelleurs, chauvins, et souvent insupportables – mais on vous aime bien car vous êtes quand même très doués pour transformer une petite bataille locale en une grande lutte pour des principes universels ; après tout, la Révolution Française, c’est vous, Mai 68 aussi, l’affaire Dreyfus de même, la grande grève de 1995 c’est vous aussi, et sans vous personne n’aurait parlé du projet de traité constitutionnel européen ; vous avez hélas produit Pétain, mais bon, il y a eu De Gaulle, la guerre d’Algérie, mais tant de courage parmi les opposants à cette saleté, on compte sur vous, car vous êtes pour beaucoup d’entre nous en Europe une boussole.
Et c’est bien pourquoi ils vous ont choisi votre présidenticule. Car il ne faut pas s’y tromper : ce type pour qui vous croyez avoir voté, ne s’est pas retrouvé ‘présidentiable’ par ses seuls mérites. Il a été choisi et il vous a été vendu, par des commanditaires pour faire le boulot qu’il fait, et à leur service. Le but de son action, ce n’est pas tant de faire passer ses lois infectes, que de prouver à ses maîtres, en les faisant passer, que la méthode adoptée pour vous déboussoler est pertinente.

Demain, quand vous revoterez , peut-être vous choisirez-vous un autre président. Faites attention alors que votre choix ne se porte pas sur un sage gestionnaire (genre patron du FMI) qui saura, de manière pateline, vous rassurer … pour faire la même politique. Et nous serons tous perdus, au moins pour une génération.